La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2015 | FRANCE | N°13MA04976

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2015, 13MA04976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...C...épouse G...a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros au titre du préjudice subi à raison de la remise en état de sa propriété, située sur le territoire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon, et la somme de 103 508 euros au titre de la perte de production de bois de chauffage à la suite de l'incendie survenu le 28 août 1989.

Par un jugement n° 0900955 du 21 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a r

ejeté les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des préjudices rés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...C...épouse G...a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros au titre du préjudice subi à raison de la remise en état de sa propriété, située sur le territoire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon, et la somme de 103 508 euros au titre de la perte de production de bois de chauffage à la suite de l'incendie survenu le 28 août 1989.

Par un jugement n° 0900955 du 21 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la remise en état de sa propriété et de la perte d'exploitation de bois de chauffage qu'elle aurait subis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2013, et des mémoires, enregistrés le 19 août 2015 et le 29 septembre 2015, Mme C...épouseG..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0900955 du 21 octobre 2013 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 183 508 euros au titre de l'indemnisation de ses différents préjudices résultant de l'incendie provoqué le 28 août 1989 ;

3°) de dire que cette somme sera assortie des intérêts de droit à compter de la formation de la demande, lesdits intérêts étant capitalisés par années pleine ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles, au remboursement des entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de l'expertise de M. E... pour la somme de 2 608,95 euros outre 35 euros au titre de la contribution à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- elle est propriétaire d'un domaine " Mas des Chênes " situé sur le territoire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon, composé de plusieurs parcelles en nature de bois, d'une superficie de 53 hectares 78 ares 84 centiares ; elle y exploitait notamment un gîte rural et des bois ; le 28 août 1989, un incendie a détruit la totalité de sa propriété à l'exception de la maison d'habitation ; par jugement du 6 juin 2011, le tribunal administratif de Marseille a reconnu la responsabilité de l'Etat dans les préjudices subis, l'a condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral, a ordonné une expertise pour déterminer le montant de la remise en état des parcelles de terrain lui appartenant ravagées par l'incendie et a rejeté les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation de la perte d'exploitation d'un gîte rural ; l'expert, désigné, a conclu, le 23 mai 2013, que le préjudice subi du fait des travaux de remise en état de la propriété ne peut être objectivement chiffré ; le 21 octobre 2013, le tribunal a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la remise en état de sa propriété et de la perte d'exploitation de bois de chauffage qu'elle aurait subis ;

- sur la réparation du préjudice résultant de la remise en état de la propriété : un expert privé a conclu, en juillet 2007, à une évaluation du coût de la remise en état de la propriété à la somme de 150 947 euros ; puis, dans le cadre des opérations d'expertise, elle a donné mission à un expert forestier lequel a évalué le coût des travaux de remise en état sur la base du prix admis par l'administration multiplié par la surface utile déterminée pour les peuplements de chêne mature soit 2 000 euros par 39 hectares 87 ares, arrondi à 80 000 euros ; elle a produit plusieurs devis établis pour des parcelles voisines de sa propriété ; enfin, c'est à tort que le jugement a homologué les conclusions de l'expert judiciaire car il a été jugé qu'un reboisement après destruction par incendie ne pouvait être assimilé à une replantation progressive en cours d'exploitation ; par arrêts du 3 mai 2005, la Cour a condamné l'Etat à indemniser son frère M. F... C...de la perte des peuplements détruits pour 17 789 euros et de la reconstitution des bois détruits pour 36 175,95 euros et son frère M. B...C...de la reconstitution des bois perdus pour 58 000 euros ;

- sur la réparation du préjudice résultant de la perte d'exploitation des bois : que c'est à tort que le jugement attaqué reproche à l'évaluation de l'expert forestier de consister en des calculs théoriques réalisés en fonction de coûts moyens sans apporter aucune précision sur les modalités d'exploitation de l'ensemble de ses parcelles en vue de la commercialisation de bois de chauffage ; l'évaluation est conforme aux prix des bois rappelés par le centre régional de la propriété forestière et à l'expertise judiciaire s'agissant des propriétés voisines des frères de Mme C...épouseG... ;

- elle a été privée des revenus de la location des parcelles en cause comme terrain de chasse compte tenu de la destruction totale de la faune et de la flore suite à l'incendie alors qu'elles étaient données en location de chasse au comité d'entreprise de la sécurité sociale pour au moins 4 500 euros.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et que la perte de revenus tirés de la location de chasse n'est pas recevable car nouvelle en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me D...substituant Me A...pour Mme C...épouseG....

1. Considérant que, le 28 août 1989, l'incendie qui s'est déclaré sur le territoire de la commune de Saint-Marc-Jaumegarde s'est propagé à plusieurs communes et a ravagé plusieurs milliers d'hectares dont environ 55 hectares constituant le domaine " Le Mas des Chênes " situé sur le territoire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon et appartenant à Mme C...épouseG... ; que, le 13 février 2009, Mme C...épouse G...a saisi le tribunal administratif de Marseille à fin de voir indemniser les préjudices subis ; que, le 6 juin 2011, par jugement avant dire droit, le tribunal a reconnu le principe de la responsabilité de l'Etat dans la survenance de cet incendie et a notamment ordonné une expertise à fin de déterminer le préjudice résultant de la remise en état de la propriété de la requérante ; que, le 21 octobre 2013, le tribunal a rejeté les conclusions de Mme C...épouse G...tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la remise en état de sa propriété et de la perte d'exploitation de bois de chauffage qu'elle aurait subis ; que Mme C...épouse G...interjette appel du jugement du 21 octobre 2013 ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment des conclusions du rapport de l'expert judiciaire du 23 mai 2013 que le préjudice subi par Mme C...épouse G...du fait des travaux de remise en état de sa propriété " ne peut être objectivement chiffré du fait notamment de l'ancienneté du sinistre, de l'état actuel des lieux et de l'absence d'éléments justificatifs " ; que l'expert a indiqué que, " s'il est constant qu'avant l'incendie d'août 1989, la propriété C...-G... était, comme l'ensemble des propriétés du plateau du Cengle, essentiellement boisée de pins d'Alep et de chênes verts, on ne dispose, néanmoins, d'aucun état des lieux de la propriété avant sinistre et d'aucun état des plantations et de leurs modalités d'exploitation " ; qu'il a ajouté que, " s'il est constant que l'incendie d'août 1989 a très profondément affecté le plateau du Cengle, détruisant l'essentiel des boisements, ce sinistre est intervenu il y près de vingt quatre ans de sorte que : les peuplements détruits ont été soit évacués soit rendus à la nature, la régénération naturelle a été extrêmement dynamique, aucune plantation nouvelle n'est à réaliser, les cépées nouvelles de chênes verts sont vigoureuses, le réensemencement naturel des pins d'Alep s'est opéré de manière naturelle, d'une manière générale, les stigmates de l'incendie ont quasiment disparu " ; que l'expert a également relevé que, quel que " soit le bouleversement auquel Mme C...épouse G...a été confrontée, elle n'apporte aujourd'hui aucun justificatif de frais et dépenses qu'elle aurait exposés pour remettre sa propriété en état et n'apporte pas plus la démonstration de frais qu'elle aurait aujourd'hui à exposer " ; qu'il a indiqué, en outre, " que les services du département ont amplement oeuvré après le sinistre pour évacuer les bois brûlés " ;

3. Considérant que, s'agissant du préjudice résultant de la remise en état de la propriété, Mme C...épouse G...demande une indemnité globale de 80 000 euros ; que cette somme correspond à l'application, par la requérante, d'un coût moyen à l'hectare de 2 000 euros représentant le coût de la coupe de la végétation brûlée et le recepage des feuillus endommagés multiplié par la surface de 39,87 hectares représentant les peuplements de chêne mature de sa propriété ; que si Mme C...-G... a produit quatre devis établis, en 2003 et 2008, par une entreprise de travaux forestiers ainsi que des attestations mentionnant la présence sur sa propriété de chênes matures, elle ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance, par la production de factures, des travaux qu'elle aurait effectivement accomplis en vue de cette remise en état ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction notamment d'une attestation produite que, " s'agissant de la coupe du bois mort et du nettoyage du territoire (54 hectares), Mme C...épouse G...s'est adressée à des bûcherons bénévoles rémunérés en nature avec le bois de coupe. Ce qui explique qu'il ne subsiste plus de traces des arbres calcinés sur les 54 hectares concernés " ; qu'en outre, il résulte de l'instruction notamment du rapport de l'expert que, comme il a été indiqué au point précédent, les peuplements détruits ont été soit évacués soit rendus à la nature, la régénération naturelle a été extrêmement dynamique, aucune plantation nouvelle n'est à réaliser, les cépées nouvelles de chênes verts sont vigoureuses, le réensemencement naturel des pins d'Alep s'est opéré de manière naturelle et les services du département ont amplement oeuvré après le sinistre pour évacuer les bois brûlés ; qu'enfin, Mme C... épouse G...n'est pas fondée à se prévaloir des expertises judiciaires diligentées sur les propriétés de ses deux frères, MM. B...et F...C..., distinctes de la sienne, à la suite de l'incendie du 28 août 1989 et dont les rapports ont été établis le 1er avril 2004 ; que, par suite, Mme C...épouse G...ne justifie pas du préjudice résultant de la remise en état de sa propriété dont elle demande réparation ;

4. Considérant que, s'agissant du préjudice résultant de la perte d'exploitation des bois de la propriété, Mme C...épouse G...demande une indemnité de 103 508 euros ; que cette somme correspond à l'application, par la requérante, notamment d'une valeur du bois sur pied ou " valeur à la casse " des stères de bois de chauffage par hectare que la surface de taillis de chêne vert de sa propriété pouvait produire ; que si la requérante revendique une production de 150 stères de bois de chauffage par hectare, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'exercice d'une activité professionnelle d'exploitation de bois de chauffage de sa propriété ; qu'ainsi, si une attestation produite indique que la forêt de la requérante produisait chaque année 60 stères de bois de chêne pour le chauffage, cette même attestation précise que cette production faisait l'objet d'une exploitation à usage familial ; qu'en outre, Mme C...épouse G...ne justifie pas de frais liés à l'obligation d'acheter du bois de chauffage ; que, comme précédemment, Mme C...épouse G...n'est pas fondée à se prévaloir des expertises judiciaires diligentées sur les propriétés de ses deux frères, MM. B...et F...C..., distinctes de la sienne, à la suite de l'incendie du 28 août 1989 et dont les rapports ont été établis le 1er avril 2004 ; que, par suite, Mme C...épouse G...ne justifie pas du préjudice résultant de la perte d'exploitation dont elle demande réparation ;

5. Considérant, enfin, que si Mme C...épouse G...invoque un préjudice résultant de la perte de location des parcelles en cause comme terrain de chasse au comité d'entreprise de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône pour lequel elle sollicite une somme de 4 500 euros, elle ne l'établit pas en se bornant à produire l'attestation de son frère, M. B...C..., rédigée le 13 janvier 2012 et celle, peu circonstanciée, du secrétaire du comité d'entreprise de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône rédigée le 15 septembre 2015 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...épouse G...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant qu'il y a lieu de laisser à la charge définitive de Mme C...épouse G...les frais de l'expertise diligentée en première instance, liquidés et taxés à la somme de 2 608,95 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme C...épouse G...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ainsi que la somme qu'elle a exposée au titre de la contribution pour l'aide juridique ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...épouse G...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...C...épouse G...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

''

''

''

''

N° 13MA04976 2

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04976
Date de la décision : 05/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CABINET JEAN PIERRE GUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-05;13ma04976 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award