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02/11/2015 | FRANCE | N°13MA00090

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 02 novembre 2015, 13MA00090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Hérault l'a déchu de ses droits au titre des aides à l'installation des jeunes agriculteurs et l'a informé de l'obligation de rembourser la dotation jeune agriculteur pour un montant de 14 376 euros.

Par un jugement n° 1101182 du 9 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 14 janvier 2013, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 octobre 2010 par laquelle le préfet de l'Hérault l'a déchu de ses droits au titre des aides à l'installation des jeunes agriculteurs et l'a informé de l'obligation de rembourser la dotation jeune agriculteur pour un montant de 14 376 euros.

Par un jugement n° 1101182 du 9 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2013, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2012 ;

2°) d'annuler la décision susvisée du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont estimé à tort que la date du courrier de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Hérault n'avait aucune incidence sur la légalité de la décision en litige, alors qu'il s'agit d'un excès de pouvoir de ce service qui n'avait aucune autorité pour anticiper la décision préfectorale ;

- le préfet a mal apprécié les faits le concernant ;

- l'administration ne pouvait lui faire grief d'être absent lors de la seule visite de contrôle du 4 juillet 2008 à défaut de notification régulière préalable de ce contrôle ; en cas de contrôle inopiné, l'absence de l'exploitant ne peut être retenue comme un motif de sanction ;

- l'article D. 343-18-1 du code rural n'exige pas que l'activité de l'agriculteur se poursuive nécessairement dans la même structure, or la décision litigieuse lui reproche, en ajoutant au texte, d'avoir cessé son activité au sein du GAEC des Coudaïssas, contrairement à l'interprétation qu'en donne le tribunal administratif ;

- ce reproche n'est en outre fondé que sur la production par son associé d'un procès-verbal d'assemblée générale du 7 avril 2008 frappé de caducité, le tribunal de grande instance de Montpellier ayant refusé de constater sa sortie du GAEC ;

- il a continué son métier de maraîcher en cultivant pour sa subsistance des terres mises à sa disposition à la suite du blocage de sa situation au sein du GAEC, et a ainsi été affilié à la mutualité sociale agricole de l'Aveyron le 1er février 2009 ;

- il n'y a donc pas eu d'interruption dans ses fonctions d'exploitant contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif ;

- il n'avait aucune obligation de signaler un changement de situation avant le 2 novembre 2011, date à laquelle la mutualité sociale agricole de l'Hérault l'a informé de sa radiation à compter du 1er janvier 2010, et il n'a commis aucune faute au regard des engagements pris pour l'attribution de la dotation jeune agriculteur ;

- il ne pouvait signaler à l'administration une sortie du GAEC des Coudaïssas alors qu'il restait malgré lui officiellement associé du GAEC, et le préfet ne pouvait donc se fonder à bon droit sur un tel grief ;

- il se trouvait à cet égard dans un cas de force majeure au sens de l'article 39 du règlement CE n° 817/2004 du 29 avril 2004, qui ne dresse aucune liste limitative et recommande la prise en considération des circonstances concrètes de chaque cas individuel, les premiers juges se référant à tort sur ce point au règlement du 30 juillet 1999.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2014 le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à supposer que M. B...conteste tardivement une décision de déchéance contenue dans le courrier daté du 30 septembre 2010 et devenue définitive, son recours contre la décision préfectorale du 14 octobre 2010 serait dirigé contre une décision superfétatoire et donc irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. B...contre la décision du préfet de l'Hérault du 14 octobre 2010 ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 octobre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2014.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 817/2004 du 29 avril 2004 portant modalités d'application du règlement (CE) n°2157/1999 concernant le soutien au développement rural par le FEOGA ;

- le règlement (CE) n° 1974/2006 de la commission du 15 décembre 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le FEADER ;

- le règlement (CE) n° 1975/2006 de la commission du 7 décembre 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l'application des procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 1er septembre 2015.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...B...a formé en juin 2005 une demande d'aide en vue de son installation sur l'exploitation agricole des Coudaïssas au Pouget dans l'Hérault ; qu'il a ainsi obtenu le 10 août 2005 du préfet de l'Hérault le versement de la dotation jeune agriculteur, puis s'est vu accorder un prêt bonifié pour la réalisation de ce projet ; que toutefois, par décision du 14 octobre 2010, après avoir préalablement invité l'intéressé à présenter ses observations, le préfet de l'Hérault l'a déchu de ses droits au titre des aides susmentionnées à l'installation des jeunes agriculteurs et l'a informé de l'obligation de reverser la dotation jeune agriculteur perçue pour un montant de 14 376 euros ; que M. B..., qui a reçu notification de cette décision le 20 octobre 2010, a formé le 24 novembre 2010 un recours gracieux contre celle-ci ; que ce recours gracieux a été rejeté par un courrier du préfet de l'Hérault notifié à l'intéressé le 31 décembre 2010 ; que M. B...a alors demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision de déchéance prise à son égard ; qu'il relève appel du jugement du 9 novembre 2012 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la légalité de la décision du préfet de l'Hérault du 14 octobre 2010 :

En ce qui concerne le moyen tiré de la date de la lettre de notification de la décision en litige :

2. Considérant que la circonstance que la lettre d'accompagnement de la décision préfectorale du 14 octobre 2010, adressée à M. B...par voie postale le 20 octobre 2010 par la direction départementale des territoires et de la mer du département de l'Hérault, soit elle-même datée du 30 septembre 2010, n'entache d'aucun vice de forme ou de procédure la décision contestée du préfet ; que le requérant ne démontre pas que l'administration aurait commis une quelconque erreur de droit, en se bornant à soutenir que l'antériorité de la date de la lettre d'accompagnement, laquelle ne constitue pas par elle-même un acte faisant grief, par rapport à la décision de déchéance des aides, révèlerait un excès de pouvoir de la part des services de la direction départementale des territoires et de la mer ; que le moyen invoqué sur ce point doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne les moyens dirigés contre les motifs de la décision en litige :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 343-3 du code rural et de la pêche maritime applicable en l'espèce : " En vue de faciliter leur installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui satisfont aux conditions énumérées à la présente section les aides suivantes : 1° Une dotation d'installation en capital ; (sans influence sur la cessation effective par M. Maistre de son activité agricole au sens de l'article D. 343-18-1 précité du code rural et de la pêche maritime). " ; qu'aux termes de l'article R. 343-5 du même code : " Le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article R. 343-3, doit, en outre : (sans influence sur la cessation effective par M. Maistre de son activité agricole au sens de l'article D. 343-18-1 précité du code rural et de la pêche maritime)5° S'engager à exercer dans un délai d'un an, et pendant dix ans, la profession d'agriculteur à titre principal en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par la présente section. " ; qu'aux termes de l'article D. 343-18-1 dudit code : " Sauf dans le cas où la situation du bénéficiaire des aides résulte d'un cas de force majeure au sens de l'article 39 du règlement (CE) n° 817-2004 du 29 avril 2004, le préfet peut prononcer la déchéance totale des aides lorsque le bénéficiaire : (...) -cesse d'exercer la profession d'agriculteur dans les cinq premières années qui suivent son installation en violation de l'engagement prévu au 5° de l'article D. 343-5 ; / (...) Dans ce cas, le bénéficiaire est tenu de rembourser la somme correspondant à la dotation et aux bonifications d'intérêt au titre des prêts à moyen terme spéciaux, assortie des intérêts au taux légal en vigueur. Il cesse de bénéficier de la bonification d'intérêt sur la durée du prêt restant à courir. " ;

4. Considérant, en premier lieu, que M. B...ne conteste pas qu'il a cessé d'exercer l'activité agricole de culture maraîchère au Pouget, qui constituait son projet d'installation présenté à la préfecture de l'Hérault en juin 2005 et pour laquelle il a reçu les aides susmentionnées, au plus tard en avril 2008, soit avant l'expiration des cinq premières années suivant son installation, et qu'il a alors quitté le département de l'Hérault pour s'installer dans l'Aveyron ; que les circonstances qu'il soit demeuré juridiquement membre du GAEC des Coudaïssas à la suite d'un différend avec l'autre associé de ce groupement sur les modalités financières de retrait de ses parts, et qu'il ait conservé la qualité d'adhérent à la mutualité sociale agricole de l'Hérault jusqu'au 1er janvier 2010, demeurent... ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. B...n'a jamais informé l'administration compétente de son changement de situation professionnelle et d'adresse, en violation des engagements souscrits le 26 juin 2005 pour l'obtention des aides à l'installation ; que, par suite, le préfet de l'Hérault, qui n'a ajouté aucune condition non prévue par la règlementation alors en vigueur, n'a commis ni erreur de fait ni erreur de droit en prononçant, pour ces motifs, la déchéance de l'intéressé des aides octroyées par sa décision du 10 août 2005 ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient qu'il n'a fait que modifier son activité d'agriculteur en poursuivant une activité qu'il qualifie " de subsistance " dans l'Aveyron, à une date et sur une exploitation au demeurant non précisées ; que, toutefois, il n'établit ni la réalité ni le contenu d'une telle activité agricole en se bornant à indiquer qu'il cotise à la mutualité sociale agricole de l'Aveyron depuis le 1er février 2009 ; qu'il ne saurait donc soutenir qu'il remplissait toujours, à la date de la décision en litige, les conditions de perception des aides obtenues pour son projet d'installation aux Coudaïssas ; qu'au surplus et en tout état de cause, il ne démontre ni même ne soutient avoir invoqué le bénéfice du sursis à la déchéance des aides au motif d'un changement d'exploitation et d'une nouvelle installation, dans les vingt-quatre mois suivant celle-ci, en application des dispositions de l'article R. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation du préfet de l'Hérault quant à la poursuite de son activité agricole doivent être écartés ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la décision préfectorale en litige indique également, au nombre des motifs de déchéance, que M. B...était absent lors du contrôle réalisé par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles au Pouget le 4 juillet 2008 malgré la notification antérieure par courrier et par appels téléphoniques de la réalisation d'un contrôle sur place ; que le requérant, qui ne conteste pas la réalité des faits ainsi décrits par le préfet, ne critique pas valablement ce motif de la décision en se bornant à relever qu'il n'a pas reçu le courrier préalable d'information sur le contrôle à son nouveau domicile situé dans l'Aveyron, alors que, comme il a été indiqué ci-dessus, il n'avait avisé les services compétents ni de son changement de domicile ni de la cessation de son activité agricole au Pouget ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige du préfet de l'Hérault serait entachée d'erreurs dans ses motifs ;

En ce qui concerne l'invocation de la force majeure :

8. Considérant que l'article D. 343-18-1 du code rural et de la pêche maritime cité au point 3 ci-dessus fait exception à l'application de la déchéance lorsque la situation de l'agriculteur bénéficiaire des aides à l'installation résulte d'un cas de force majeure au sens de l'article 39 du règlement (CE) n° 817/2004 du 29 avril 2004 ; qu'aux termes de cette dernière disposition, dont le contenu est au demeurant repris par l'article 47 du règlement (CE) 1974/2006 : " 1. Sans préjudice de circonstances concrètes à prendre en considération dans les cas individuels, les États membres peuvent admettre, notamment, les catégories de force majeure suivantes: a) le décès de l'exploitant; b) l'incapacité professionnelle de longue durée de l'exploitant; c) l'expropriation d'une partie importante de l'exploitation, si cette expropriation n'était pas prévisible le jour de la souscription de l'engagement; d) une catastrophe naturelle grave qui affecte de façon importante la surface agricole de l'exploitation; e) la destruction accidentelle des bâtiments de l'exploitation destinés à l'élevage; f) une épizootie touchant tout ou partie du cheptel de l'exploitant./Les États membres informent la Commission des catégories qu'ils reconnaissent relever de la force majeure. " ;

9. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes par son arrêt Boterlux (C-347/93) du 9 août 1994, la notion de force majeure dans le domaine des règlements agricoles, qui n'est pas limitée à celle d'impossibilité absolue, doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à l'opérateur, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les difficultés dont M. B...fait état, résultant de divergences entre lui et son associé au sein du GAEC des Coudaïssas, ne peuvent être regardées comme des circonstances imprévisibles et ayant un caractère extérieur au requérant ; qu'elles ne se rattachent pas davantage à l'une des situations énumérées aux paragraphes a) à f) précités de l'article 39 du règlement (CE) n° 817/2004 ; que M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il se trouvait, à la date de la décision litigieuse, dans un cas de force majeure faisant obstacle à la déchéance de ses droits et susceptible de le délier de son obligation de remboursement du montant perçu de la dotation d'installation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 14 octobre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à la charge des dépens :

11. Considérant que les dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en tout état de cause à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, supporte d'éventuels dépens de la présente instance dont la réalité n'est au demeurant pas démontrée ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 novembre 2015.

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N° 13MA00090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00090
Date de la décision : 02/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-05 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : PUECH-FABIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-02;13ma00090 ?
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