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27/10/2015 | FRANCE | N°14MA01110

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2015, 14MA01110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 1er octobre 2012 à l'encontre, notamment, de la SARL HK et de M.E..., en sa qualité de gérant de cette dernière, à raison de l'occupation sans titre du domaine public maritime sur le territoire de la commune d'Agde.

Par un jugement n° 1300821 du 8 novembre 2013, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement la SARL HK et M

. E...à verser une amende de 2 000 euros, à payer la somme de 50 euros au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 1er octobre 2012 à l'encontre, notamment, de la SARL HK et de M.E..., en sa qualité de gérant de cette dernière, à raison de l'occupation sans titre du domaine public maritime sur le territoire de la commune d'Agde.

Par un jugement n° 1300821 du 8 novembre 2013, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement la SARL HK et M. E...à verser une amende de 2 000 euros, à payer la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et à remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, l'Etat étant autorisé, passé ce délai, à y pourvoir d'office aux frais et risques des contrevenants.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2014, la SARL HK et M.E..., représentés par MeG..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 novembre 2013 ;

2°) de les relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à leur encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- la notification du procès-verbal et la saisine du tribunal sont irrégulières en raison de l'incompétence de leur auteur pour ce faire, la demande de première instance étant ainsi irrecevable ;

- en l'absence de justification de son assermentation et de son commissionnement, en méconnaissance de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques, l'auteur du procès-verbal était incompétent ;

- les redevances annuelles pour occupation du domaine public ont été réglées s'agissant du bâtiment en bois, qui n'est pas relié structurellement au lot de copropriété n° 220 loué depuis 2010 ;

- les matériaux de construction ont été retirés ;

- la SARL HK n'est ni gardienne de la dalle, qu'elle n'a jamais occupée, ni la personne qui l'a construite ;

- la dalle en cause ne sert pas de toiture à l'établissement qu'elle exploite en sous-sol, qui n'est donc pas situé sur le domaine public maritime ;

- d'autres personnes dans la même situation n'ont fait l'objet d'aucune procédure de sorte qu'ils ont été victimes d'une inégalité de traitement ;

- la SARL HK n'est pas occupante sans titre du domaine public puisque la construction a fait l'objet d'un permis de construire délivré par l'Etat en 1972 et, par la suite, d'autorisations d'occupation puis de l'émission d'un rôle pour occupation illicite ;

- en tout état de cause, ils ne peuvent être poursuivis pour les mêmes faits que ceux ayant conduit à la condamnation d'une autre société à la remise en état du domaine public par la destruction de la dalle en béton.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juillet 2014 et le 15 juillet 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

1. Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 1er octobre 2012 à l'encontre, notamment, de la SARL HK et de M.E..., en sa qualité de gérant de cette dernière, à raison de l'occupation sans titre du domaine public maritime, sur le territoire de la commune d'Agde, par un bâtiment en bois d'une emprise approximative de 100 m2, une dalle en béton d'une surface d'environ 276 m2, servant de toiture à un établissement lui-même enfoui dans le sous-sol du domaine public, des plots en béon partiellement enfouis dans le sol, et un dépôt de matériaux et déchets de construction ; que, saisi de ce procès-verbal par le préfet de l'Hérault, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier, par jugement du 8 novembre 2013, a condamné solidairement la SARL HK et M. E... à verser une amende de 2 000 euros, à payer la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et à remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, l'Etat étant autorisé, passé ce délai, à y pourvoir d'office aux frais et risques des contrevenants ; que la SARL HK et de M. E...relèvent appel de jugement ;

Sur la recevabilité de la saisine du tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal de contravention de grande voirie a été notifié à la SARL HK et à M. E...par Mme F...D..., directrice départementale des territoires et de la mer de l'Hérault ; que l'intéressée était expressément compétente en la matière en vertu de l'arrêté du préfet en date du 23 juillet 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault du même jour ;

4. Considérant que le mémoire enregistré le 15 février 2012 par lequel le préfet de l'Hérault a saisi le tribunal a été signé par M. Alain Rousseau, secrétaire général de la préfecture ; que, par arrêté du 14 janvier 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault du même jour, ce dernier a reçu délégation du préfet à l'effet de signer tous actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation par temps de guerre, et, d'autre part, de la réquisition des comptables publics ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait été saisi par une autorité incompétente doit être écarté ;

Sur la procédure de contravention de grande voirie :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie " ;

6. Considérant que le procès-verbal de contravention de grande voirie du 1er octobre 2012 a été dressé par M. B... A..., contrôleur principal des travaux publics de l'Etat ; qu'il est justifié dans l'instance que l'intéressé était assermenté à cet effet devant le tribunal de grande instance de Montpellier ; qu'en tout état de cause, sa " carte de commission " est versée au débat ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques, lesquelles n'exigent au demeurant aucun commissionnement, manque en fait ;

Sur le bien-fondé des poursuites :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende " ;

8. Considérant, en premier lieu, que la SARL HK exploite sous l'enseigne " Le Tantra " un établissement en sous-sol du lot n° 220 de la copropriété Port Nature 1 ; que le préfet de l'Hérault a reconnu en première instance que, contrairement aux mentions portées sur le procès-verbal d'infraction, la dalle en béton située au droit du lot n° 220 ne sert pas de toiture à cet établissement, qui n'est pas implanté sur le domaine public maritime ; que, toutefois, les pièces produites par l'administration démontrent la réalité de l'implantation sur le domaine public de cette dalle ainsi que du bâtiment en bois qui, alors même qu'il est dépourvu de fondation et " n'est pas structurellement relié au lot 220 ", repose sur la dalle ; que les appelants ne contestent pas sérieusement cette occupation du domaine public alors qu'ils se prévalent par ailleurs de s'être acquittés des redevances correspondantes pour le bâtiment ; qu'ils ne contestent pas davantage la présence sur le domaine public, à la date du procès-verbal, des plots en béton et d'un dépôt de matériaux et déchets de construction ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet ou l'ouvrage qui a été la cause de la contravention ; que si la SARL HK et M. E...font valoir qu'ils ne sont pas propriétaires de la dalle en béton et qu'ils n'ont pris aucune part à son édification, ils ne contestent pas qu'ils sont à l'origine de la construction du bâtiment en bois, reposant sur cette dalle comme il a été dit au point précédent, des plots en béton ainsi que du dépôt de matériaux et déchets de construction ; qu'ainsi, ils ne peuvent se prévaloir de ce qu'ils n'occupent pas la dalle et doivent être regardés comme ayant la garde des ouvrages, matériaux et déchets en cause ;

10. Considérant qu'eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence d'une décision unilatérale de l'administration ou de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales ; qu'en conséquence, une autorisation d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit ; que, par suite, le règlement de redevances annuelles pour occupation du domaine public est sans incidence sur la matérialité de l'infraction dès lors qu'aucune autorisation unilatérale ou convention d'occupation du domaine public, à la date du procès-verbal, n'est produite ni même invoquée ; que, de même, la délivrance, au titre de la législation relative à l'urbanisme, d'un permis de construire pour l'édification de la dalle en béton ne constitue pas un titre autorisant l'occupation du domaine public ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les appelants ne sauraient utilement faire valoir que d'autres contrevenants n'auraient pas fait l'objet de poursuites, ce dont ils ne rapportent d'ailleurs pas la preuve ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;

Sur l'action domaniale :

12. Considérant que si la SARL HK et M. E...soutiennent que les matériaux de construction ont été retirés du domaine public, ils n'apportent aucun élément à l'appui de cette allégation ;

13. Considérant que, comme il a été dit au point 9, la SARL HK et M. E...doivent être regardés comme ayant la garde des ouvrages, matériaux et déchets en litige ; que, dès lors, ils peuvent être condamnés à démolir les ouvrages en cause, et en particulier la dalle, alors même qu'ils n'en sont pas propriétaires ; que la circonstance qu'un précédent occupant a déjà été condamné à la destruction de la dalle n'a aucune influence alors que, en tout état de cause, le préfet de l'Hérault a démontré en première instance que cet occupant n'avait pas reçu notification du jugement, qui n'a donc pu être exécuté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL HK et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier les a condamnés au titre d'une contravention de grande voirie ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL HK et de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL HK, à M. C... E...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 14MA01110

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01110
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BIDAL MALAGOLA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-27;14ma01110 ?
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