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22/10/2015 | FRANCE | N°14MA01391

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2015, 14MA01391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Maison Blanche a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société anonyme SACER Sud Est à l'indemniser des préjudices subis en lien avec la réalisation de travaux de voirie avenue du Razès à Bram par cette société.

Par un jugement n° 1202495 du 21 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société anonyme SACER Sud Est à payer à ladite SCI la somme de 2 769,62 euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise des désordres et a

rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Procédure devant la Cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Maison Blanche a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société anonyme SACER Sud Est à l'indemniser des préjudices subis en lien avec la réalisation de travaux de voirie avenue du Razès à Bram par cette société.

Par un jugement n° 1202495 du 21 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société anonyme SACER Sud Est à payer à ladite SCI la somme de 2 769,62 euros TTC correspondant au coût des travaux de reprise des désordres et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2014, la SCI Maison Blanche, prise en la personne de son gérant, représentée par la SELARL Clément-Malbec-Conquet, demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a limité le montant de la condamnation mise à la charge de la SACER Sud Est à la somme de 2 769,62 euros ;

2°) la condamnation de la SACER Sud Est à lui payer les sommes de 3 286,62 euros TTC au titre des travaux de reprise, 3 000 euros au titre de son préjudice de jouissance, 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif de la SACER Sud Est et 1 559,82 euros au titre des frais d'expertise ;

3°) la condamnation de la SACER Sud Est à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SACER Sud Est ;

- en effet, il existe un lien de causalité entre les travaux publics réalisés par cette société et les fissures subies par l'immeuble dont elle est propriétaire ;

- les préjudices subis revêtent un caractère anormal et spécial ;

- concernant les préjudices, c'est à tort que le premier juge, sans fondement, a retenu au titre du coût de reprise des désordres le montant du devis non actualisé de la société ACCA d'un montant de 2 769,62 euros TTC et a écarté celui qu'elle avait produit pour un montant actualisé de 3 286,62 euros TTC, lequel avait pourtant été validé par l'expert judiciaire et qui reprend les travaux de réparation admis par toutes les parties le jour de l'expertise ;

- elle est en droit de choisir l'entrepreneur à qui elle va confier les travaux de reprise ;

- concernant le préjudice de jouissance, elle doit supporter une façade dégradée depuis 2009, d'autant que cette dégradation a donné une image négative de l'immeuble dans lequel son gérant exerce une activité de kinésithérapeute et ostéopathe ;

- elle subira également un préjudice pendant la durée des travaux ;

- ce trouble justifie l'allocation de la somme de 3 000 euros ;

- le comportement abusif de la société SACER Sud Est a entraîné un préjudice qui sera indemnisé par la somme de 4 000 euros ;

- la SACER Sud Est doit également être condamnée à payer les frais d'expertise judiciaire pour un montant de 1 559,82 euros TTC.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2014, la SA Colas Midi Méditerranée venant aux droits de la société SACER Sud Est, représentée par la SCP Christol et Inquimbert, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'a condamnée et de rejeter les conclusions de la SCI Maison Blanche ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le premier jugement et de rejeter les conclusions d'appel formées par ladite SCI ;

3°) de condamner la SCI Maison Blanche à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le lien de causalité entre les travaux et la dégradation de la façade n'est pas démontré ;

- la façade litigieuse présentait avant travaux certaines dégradations ;

- la réalité des désordres n'est pas établie ;

- le dommage ne revêt pas un caractère anormal et spécial, dès lors qu'il s'agit de microfissures de vétusté préexistantes aux travaux ;

- le tribunal a à juste titre pris en compte le devis le moins cher ;

- concernant le préjudice de jouissance, l'allégation selon laquelle le décollement d'enduit entraînerait une nuisance à l'image de marque d'un professionnel de santé n'est pas sérieuse ;

- en outre, seul le locataire kinésithérapeute serait en droit de réclamer réparation de ce préjudice ;

- les travaux de reprise ne doivent durer qu'une semaine ;

- la résistance à la demande de la SCI Maison Blanche n'est pas abusive ;

- concernant les frais d'expertise judiciaire, seule la protection juridique de l'appelante pourrait en réclamer le remboursement dès lors que c'est elle qui en a fait l'avance ;

- il en va de même de la demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont le montant est en outre exagéré.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant que la SCI Maison Blanche relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation mise à la charge de la société SACER Sud Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Midi Méditerranée, à la somme de 2 769,62 euros ; que la société intimée demande à la Cour à titre principal d'annuler le jugement de première instance en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la SCI Maison Blanche et à titre subsidiaire de confirmer ledit jugement ;

2. Considérant que, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, les constructeurs chargés des travaux, sont responsables à l'égard des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre les travaux publics et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne, que les vibrations provoquées par l'engin mécanique utilisé par la société SACER Sud Est pour détruire le trottoir et rabaisser le niveau de la rue ont contribué au décollement de l'enduit sur une hauteur moyenne de 1,20 mètres et 13,75 mètres de longueur en façade principale et 2 mètres en façade perpendiculaire et à l'apparition de fissures sur les façades, tandis que l'arrachage des blocs constituant le trottoir a entraîné une partie de l'enduit qui y adhérait ; que le lien de causalité est ainsi établi ; que si la société Colas Midi Méditerranée fait valoir que les dégradations préexistaient aux travaux litigieux, il ressort au contraire du constat d'huissier réalisé avant le début des travaux que seuls certains encadrements de fenêtres étaient en assez mauvais état et que la façade dudit immeuble ne comportait aucune " dégradation notable importante " ; que la société intimée ne saurait non plus nier la réalité de ces dommages, constatée durant les opérations d'expertise qui ont réuni toutes les parties, lesquelles n'ont pas contesté ce point ; que les dommages revêtent par ailleurs un caractère anormal et spécial ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant du coût des travaux de reprise des désordres, c'est à bon droit que les premiers juges ont, entre deux devis prévoyant les mêmes travaux, retenu le moins disant ; que toutefois, l'évaluation des dommages devant être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer, il y a lieu de prendre en compte le devis actualisé d'un montant de 2 924,16 euros TTC mentionné dans le rapport d'expertise ; qu'ainsi, la somme que la société anonyme SACER Sud Est, aux droits de laquelle est venue la société Colas Midi Méditerranée, a été condamnée à payer à la SCI Maison Blanche par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 février 2014, doit être portée de 2 769,62 euros TTC à 2 924,16 euros TTC ;

5. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'en ce qui concerne le préjudice de jouissance, l'allégation selon laquelle la dégradation de la façade aurait entaché l'image de marque du gérant occupant le rez-de-chaussée et exerçant la profession de kinésithérapeute ostéopathe n'est pas établie ; qu'au demeurant, la réparation de cette atteinte ne saurait être réclamée par la société civile immobilière qui n'en est pas la victime ; que les travaux de reprise ne doivent durer qu'une semaine selon l'expert et n'empêcheront pas l'accès à l'immeuble ; qu'ainsi, la demande au titre de la réparation du préjudice de jouissance doit être rejetée ; que par ailleurs, la résistance de l'intimée à la demande de la SCI Maison Blanche ne revêt pas un caractère abusif ; qu'enfin, la société appelante ne saurait réclamer en tout état de cause le remboursement des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne, dès lors qu'elle ne les a pas payés, sa protection juridique les ayant pris à sa charge ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Maison Blanche, qui n'est ni la partie tenue aux dépens ni la partie perdante, la somme demandée par la société Colas Midi Méditerranée sur leur fondement ; qu'il y a lieu en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Colas Midi Méditerranée la somme de 1 500 euros au bénéfice de la SCI Maison Blanche ; que le fait que cette dernière ait souscrit un contrat de protection juridique est sans influence sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la société anonyme SACER Sud Est, aux droits de laquelle est venue la société Colas Midi Méditerranée, a été condamnée à payer à la SCI Maison Blanche par le jugement du 21 février 2014 est portée de la somme de 2 769,62 euros TTC à la somme de 2 924,16 euros TTC.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 février 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société Colas Midi Méditerranée est condamnée à payer à la SCI Maison Blanche la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Maison Blanche et à la société Colas Midi Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président-assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique le 22 octobre 2015.

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N°14MA01391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01391
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics. Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP CHRISTOL et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-22;14ma01391 ?
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