Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 mars 2013 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera susceptible d'être éloignée d'office.
Par une ordonnance n° 1302868 du 23 juillet 2013, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de MmeC....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2013, Mme C...représentée par Me B... demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 23 juillet 2013 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 mars 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 204,84 euros à verser à Me B...en cas d'admission à l'aide juridictionnelle au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que le moyen tiré du vice de procédure en raison de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne n'était pas inopérant ;
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que sa nationalité russe n'était pas sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué et a méconnu l'autorité de la chose jugée ;
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que les faits invoqués n'étaient pas manifestement insusceptibles de venir au soutien des moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention contre la torture ;
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que sa demande a été rejetée sans débats contradictoires en méconnaissance du droit à un recours effectif ;
- les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivées ;
- les décisions sont entachées du vice de procédure tiré du maintien jusqu'en novembre 2012 en procédure prioritaire et de l'examen de la demande de titre de séjour au regard de la nationalité arménienne alors qu'il est de nationalité russe ;
- les décisions sont entachées du vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- les décisions sont entachées d'erreur de fait quant à sa nationalité et méconnaissent l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif le 31 octobre 2012 ;
- les décisions attaquées méconnaissent les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de ses efforts pour s'intégrer ;
- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et portent atteinte à l'intérêt supérieur de ses deux enfants en raison des efforts de ces dernières pour s'intégrer en France au sein de leur école et collège ;
- que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'autorité de la chose jugée et est entachée d'erreur de fait en raison de la nationalité russe et non arménienne ;
- que la décision est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA et d'erreur d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2013.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laso a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., de nationalité russe, interjette appel de l'ordonnance n° 1302868 du 23 juillet 2013 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2013 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme C...a notamment invoqué les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'en violation des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, elle avait été privée de son droit à être entendue ; que ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien et n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, n'étaient ni inopérants ni irrecevables ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme C...; que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, rejeter la demande de Mme C...sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que les conditions exigées par cet article n'étaient pas réunies ; que, par suite, l'ordonnance attaquée du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'irrégularité et doit être annulée ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen des décisions attaquées que celles-ci énoncent suffisamment les éléments de fait et de droit sur lesquels elles reposent pour ne pas être entachées du défaut de motivation allégué ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les circonstances selon lesquelles Mme C... a été maintenue en procédure prioritaire jusqu'en novembre 2012 et que sa demande d'asile a été examinée au regard de la nationalité arménienne et non au regard de sa nationalité russe sont, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;
6. Considérant, en troisième lieu, que Mme C...soutient, que l'arrêté du 25 mars 2013 méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; que, toutefois l'intéressée a été mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter, si elle l'estimait utile, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne pouvait procéder d'office à l'exécution d'une mesure d'éloignement avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui mettait l'intéressée en mesure de faire valoir son point de vue et présenter, le cas échéant, des pièces nouvelles avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ait été susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet de l'Hérault ne portait, en tout état de cause, pas atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que Mme C...invoque l'erreur de fait en ce que les décisions attaquées indiquent qu'elle est de nationalité arménienne alors qu'elle est de nationalité russe et la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée en ce que le tribunal administratif de Montpellier a retenu cette nationalité arménienne par jugement du 31 octobre 2012 ; que, toutefois, comme il a été dit au point 5, ces circonstances sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des décisions attaquées ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; que si Mme C...fait valoir qu'elle a fourni d'importants efforts pour s'intégrer, notamment, en participant à la vie de la communauté Emmaüs, en apprenant le français et en scolarisant ses deux filles, eu égard à son entrée récente sur le territoire et à la circonstance que la cellule familiale peut se reconstruire notamment en Russie dès lors que M. C... a fait l'objet le même jour d'une décision de refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'en se prévalant de ce que ses deux filles mineures sont scolarisées en France, MmeC..., qui ne soutient pas qu'elles ne pourraient poursuivre en Russie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité, leur instruction scolaire, n'établit pas, qu'en lui refusant le titre de séjour qu'elle sollicitait et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention précitée et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ne ressort pas des pièces du dossier ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté (...) " ; que Mme C...indique que son époux était restaurateur à Saint-Pétersbourg et qu'il serait menacé dans son pays d'origine par la mafia locale laquelle l'aurait agressé, à plusieurs reprises, pour qu'il lui remette de l'argent ; qu'elle ajoute qu'aucune suite pénale n'a été donnée à sa plainte et que son restaurant a été saccagé ; que toutefois, les simples affirmations de la requérante ne sont pas de nature à démontrer la réalité des risques auxquels elle dit être exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen selon lequel la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des textes précités doit, par suite, être écarté ;
12. Considérant que l'arrêté attaqué doit être regardé comme désignant l'Arménie comme pays de renvoi alors que Mme C...est de nationalité russe ; que l'erreur commise par le préfet est de nature à affecter la portée même de la décision distincte fixant le pays de renvoi ; que la circonstance que, par arrêté du 24 octobre 2013, le préfet a, d'une part, abrogé l'arrêté du 19 juin 2013 prescrivant à l'encontre de la requérante une obligation de quitter le territoire et a, d'autre part, édicté une obligation de quitter le territoire en retenant la nationalité russe de la requérante est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme C...dirigées contre le refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français, n'implique aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1990, la somme que Mme C...demande au bénéfice de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 23 juillet 2013 est annulée.
Article 2 : La décision du 25 mars 2013 du préfet de l'Hérault fixant le pays de renvoi est annulée en tant qu'elle désigne l'Arménie comme pays à destination duquel Mme C...est susceptible d'être reconduite.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...épouseC..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Laso, président assesseur,
- MmeD..., première conseillère,
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N°13MA04950