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20/10/2015 | FRANCE | N°14MA01018

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 20 octobre 2015, 14MA01018


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL " 3 Lance Auto " qui, constituée le 1er août

2006, exerce une activité de négoce de véhicules automobiles d'occasion en provenance de l'Union européenne et a pou...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL " 3 Lance Auto " qui, constituée le 1er août 2006, exerce une activité de négoce de véhicules automobiles d'occasion en provenance de l'Union européenne et a pour gérant associé M.B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er août 2006 au 31 décembre 2007 qui a été étendue à la période du 1er janvier au 31 octobre 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de ce contrôle au cours duquel le service a adressé aux autorités allemandes deux demandes d'assistance administrative internationale, l'administration lui a notifié une proposition de rectification en date du 19 mai 2010, selon la procédure contradictoire, l'informant qu'elle entendait procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'ensemble de la période susmentionnée en raison de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliquée lors de la vente en France de véhicules qu'elle avait auparavant acquis auprès de divers fournisseurs espagnols, notamment les sociétés Almave Ibiza SL, Impocar Es Vedra SL et CB SL, ces fournisseurs espagnols lui ayant revendu des véhicules provenant d'Allemagne ; qu'à la suite des observations formulées par la société le 9 juillet 2010 en réponse à cette proposition de rectification, l'administration a confirmé ces rehaussements ; que les impositions ont été mises en recouvrement le 6 mai 2011 pour un montant total, droits et pénalités confondus, de 161 503 euros ; que la société a présenté une réclamation le 16 mai 2011, qui a été rejetée par une décision du 6 juin 2011 ; que la SARL " 3 Lance Auto " a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe et des pénalités y afférentes ; que, par un jugement du 5 novembre 2013, le tribunal a déchargé la société contribuable des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er août 2006 au 31 octobre 2008 à hauteur de 110 016 euros en principal et de 51 487 euros en pénalités, en estimant que l'administration n'apportait pas par de simples allégations à caractère général la double preuve dont la charge lui incombe, tenant en présence de factures régulières en la forme émises par des entreprises réelles, à l'obligation de démontrer, opération par opération, d'une part, que les fournisseurs situés en amont n'étaient pas autorisés à faire état d'une taxation sur la marge et que, d'autre part, la société en cause ne pouvait ignorer cette circonstance ; que le ministre relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2007 : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion ; (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977(...) " ; qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2008 : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion ; (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 259 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 désormais repris à l'article 113 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 ;

4. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL " 3 Lance Autos " a acquis des véhicules automobiles en provenance d'Allemagne auprès de diverses sociétés ayant leur siège en Espagne, dont les fournisseurs étaient des sociétés allemandes concessionnaires automobiles ; que les factures qui ont été délivrées à l'intimée par les sociétés espagnoles mentionnaient l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que dans le cadre de l'assistance administrative que lui ont prêtée les autorités fiscales allemandes, l'administration a obtenu des informations selon lesquelles les concessionnaires allemands, soit avaient acquis les véhicules en cause avec mention de taxe sur la valeur ajoutée déductible, soit les avaient revendus aux sociétés espagnoles avec la mention " livraison communautaire exonérée " ; que par ailleurs, les certificats d'immatriculation d'origine produits par l'intimée pour avoir délivrance des quitus ont permis au service de s'assurer que les anciens propriétaires des véhicules étaient des sociétés de location normalement assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui avaient bénéficié d'un droit de déduction en amont ; que ces informations ne sont pas sérieusement contredites par l'intimée qui se borne à invoquer, confrontée à cette circonstance, une " erreur involontaire " des intermédiaires espagnols ayant appliqué dans ces circonstances la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; qu'en outre, la société contribuable ne conteste pas que les véhicules qu'elle avait acquis des sociétés espagnoles lui étaient livrés directement d'Allemagne sans transiter par l'Espagne, cette information ayant été obtenue par le service dans le cadre de son droit de communication auprès des transporteurs SARL Car Transit Express et SAS Groupe Reviron auxquels avait recours la société " 3 Lance Autos " ; que ces différents éléments sont corroborés par les propos tenus par M. B..., gérant de la société, lorsqu'il a été entendu à l'occasion de l'enquête menée par la brigade de contrôle et de recherche de l'Hérault ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme démontrant que les mentions portées sur les factures émises par les sociétés espagnoles en lien d'affaires avec la société intimée étaient erronées dès lors que lesdites factures ne pouvaient faire application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

6. Considérant, en second lieu, que l'intimée fait valoir que ni l'origine géographique des véhicules, ni l'organisation de leur transport, ni la connaissance qu'elle avait de l'immatriculation initiale, du titre de propriété et de circulation des véhicules ne pouvaient lui laisser supposer que la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pratiquée par les sociétés espagnoles était irrégulière ; qu'elle ajoute que si M. B...est un professionnel de l'automobile, il n'est pas un spécialiste du droit fiscal communautaire ; qu'à cet égard, il y a cependant lieu de relever que la société " 3 Lance Autos ", professionnel de la revente de véhicules automobiles dans le cadre marchand de l'Union européenne, ne pouvait ignorer les règles fiscales attachées à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire ; que par ailleurs, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que M. B...assurait la réservation des véhicules automobiles auprès des concessionnaires allemands vendeurs et était en possession des certificats d'immatriculation antérieurs allemands révélant que les véhicules en cause avaient appartenu à des sociétés de location astreintes à la taxe sur la valeur ajoutée ; que dans ce contexte, l'administration établit que la SARL " 3 Lance Autos " ne pouvait ignorer que les divers intermédiaires espagnols n'avaient pas la qualité d'assujettis-revendeurs et n'étaient pas autorisés à appliquer le régime de taxation sur la marge ;

7. Considérant que, dès lors, c'est à juste titre que l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliquée par la SARL " 3 Lance Autos " ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que le service n'apportait pas la double preuve dont la charge lui incombe ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL " 3 Lance Auto " devant le tribunal administratif de Montpellier et devant elle-même ;

Sur la régularité de la procédure portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts (...), les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation (...) / Ils peuvent obtenir ou prendre copie, par tous moyens et sur tous supports, des pièces se rapportant aux opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation. / Ils peuvent recueillir sur place ou sur convocation des renseignements et justifications. Ces auditions donnent lieu à l'établissement de comptes rendus d'audition. / L'enquête définie au présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l'impôt prévues aux articles L. 10 à L. 47 A (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 H du même livre : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements. (...) Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti, au regard d'impositions de toute nature, que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1992 dont elles sont issues, qu'elles permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives ; que l'administration peut ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H, se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des auditions ayant abouti au procès-verbal de clôture d'enquête du 20 juin 2008, les agents de la brigade de contrôle et de recherches de l'Hérault ont interrogé M.B..., gérant de la société " 3 Lance Auto ", sur la nature des opérations donnant lieu à facturation, les moyens dont disposait la société, les relations entretenues par celle-ci avec ses clients et fournisseurs, la nature de ses contacts avec eux, l'identité des fournisseurs et des transporteurs et la validité des factures émises par ses fournisseurs ; que les agents de la brigade de contrôle et de recherches de l'Hérault en ont tiré divers manquements relatifs à des ventes à des clients assujettis et des anomalies sur une facture à un client non assujetti et sur des factures de fournisseurs ; que dans ces conditions, l'objet de ces interrogations n'étant pas étranger à la recherche d'éventuels manquements aux règles de facturation, l'administration ne peut être regardée comme ayant, en la circonstance, excédé les prérogatives qu'elle tenait du droit d'enquête institué à l'article L. 80 F précité du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que la société " 3 Lance Auto " n'est pas fondée à soutenir que le service aurait mis en oeuvre, dans l'exercice du droit d'enquête, une vérification de comptabilité en méconnaissance de l'article L. 47 du même livre, dès lors qu'il n'a pas contrôlé lors de l'enquête la sincérité des déclarations fiscales de la société contribuable en les comparant avec ses écritures comptables ;

11. Considérant que si l'intimée affirme que le droit d'enquête aurait été mené de manière abusive, il résulte du point 10 que le service n'a pas outrepassé les droits qu'il tenait de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales et n'a par suite pas détourné le droit d'enquête de son objet ; qu'ainsi, le moyen tiré d'un détournement de procédure ne peut être accueilli ;

12. Considérant que si la société " 3 Lance Autos " soutient que, en fondant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux sur les éléments recueillis dans le cadre de la procédure d'enquête, l'administration aurait méconnu le droit à un recours effectif garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen ne peut être accueilli pour la partie du litige tranchant la contestation relative aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société et aux intérêts de retard dont ces droits ont été assortis, qui sont dénués du caractère de sanction, et n'impliquent donc pas de décider d'une contestation de caractère civil, ni du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de ces stipulations ; qu'au demeurant, dès lors que les constatations faites dans le cadre de la procédure d'enquête ne sont opposables au contribuable que dans le cadre de la vérification de comptabilité, la société a pleinement bénéficié des garanties procédurales attachées à cette dernière procédure ; qu'enfin, s'il est soutenu que la procédure d'enquête instauré par les dispositions des articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la même convention, ce moyen doit être écarté dès lors que les opérations d'enquête, qui ont seulement consisté en l'audition du gérant de la société " 3 Lance Autos " et dans la prise de copies de documents, ont été proportionnées au but légitime recherché ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que la société " 3 Lance Autos " se prévaut du moyen tiré de la méconnaissance de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; qu'elle fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié de la possibilité ouverte par la charte de saisir le supérieur hiérarchique direct du vérificateur dès lors que celui-ci, M.D..., était désigné dans l'avis de vérification comme étant l'inspecteur principal à saisir en cas de difficultés dans le déroulement et lors de la conclusion de la vérification ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dispose qu'" en cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin. Vous pouvez les contacter pendant la vérification " ; que ladite charte ajoute " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur " ; qu'il s'ensuit que la possibilité de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, au supérieur hiérarchique puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental, constitue une garantie substantielle de procédure qui, dans tous les cas, bénéficie au contribuable relevant d'une procédure d'imposition contradictoire ; que par ailleurs, il résulte de la charte que la possibilité pour un contribuable de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur est ouverte à l'intéressé à deux moments de la procédure, en premier lieu, dans le déroulement et lors de la conclusion de la vérification, la fin du contrôle étant matérialisée selon les termes de la même charte par l'envoi d'une notification de redressement, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité en date du 17 décembre 2008, signé par l'inspecteur principalD..., spécifie le double degré de recours hiérarchique prévu par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié - supérieur hiérarchique puis interlocuteur - mais désigne le même M. D...comme étant l'inspecteur principal susceptible d'intervenir en cas de difficultés pendant le déroulement et lors de la conclusion de la vérification ; que le même avis désigne M.A..., directeur divisionnaire, comme éventuel interlocuteur ; que le 5 mai 2010, un courrier adressé à la société contribuable informera celle-ci que le supérieur hiérarchique désigné est désormais M. A...et que l'interlocuteur est MmeC..., administratrice des finances publiques ; que l'intimée relève que pendant un an et demi, l'information sur la mise en oeuvre du double degré de recours hiérarchique a été ainsi défaillante ;

16. Considérant qu'aucune disposition n'oblige le service à indiquer, sur l'avis de vérification, les noms et coordonnées des supérieurs hiérarchiques ; que l'avis de vérification envoyé à l'intimée, s'il mentionnait de manière erronée le propre nom du vérificateur comme supérieur hiérarchique direct susceptible d'être sollicité par la contribuable en cas de différend, indiquait bien la faculté de recourir au double degré de recours hiérarchique prévu par la charte du contribuable vérifié ; que dans ces conditions, alors qu'il n'est pas attesté que la contribuable aurait saisi le directeur divisionnaire d'éventuels différends postérieurement à l'envoi du courrier du 5 mai 2010 l'informant des identités du supérieur hiérarchique du vérificateur et de l'interlocuteur départemental, la société " 3 Lance Auto " ne peut être regardée comme ayant été privée d'une quelconque garantie ;

17. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) " ;

18. Considérant qu'à l'appui de son moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait méconnu les garanties légales attachées à ces dernières dispositions, la SARL " 3 Lance Autos " fait valoir que l'administration, en faisant état du caractère fictif des fournisseurs espagnols ou des factures émises par ceux-ci, aurait invoqué implicitement mais nécessairement un abus de droit ; que toutefois, il résulte de l'instruction que le service n'a aucunement remis en cause l'existence des intermédiaires espagnols et des factures émises mais s'est borné à tirer des circonstances de fait portées à sa connaissance que la société contribuable ne pouvait ignorer que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était inapplicable en l'espèce, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6 ; que, ce faisant, l'administration a seulement requalifié les opérations en cause au regard de leur nature réelle et a démontré que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait pas être appliqué à ces transactions ; qu'il s'ensuit qu'elle ne s'est pas fondée, même implicitement, sur la répression d'un abus de droit imputable à la société contribuable au sens des dispositions précitées ; que, par suite, la SARL " 3 Lance Autos " ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Sur les pénalités :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

20. Considérant que, eu égard aux éléments sus-rapportés en particulier au point 6, l'administration doit être regardée comme établissant le manquement délibéré de la société intimée et, dès lors, le bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de remettre à la charge de l'intimée les rappels en cause pour un montant total, droits et pénalités confondus, de 161 503 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL " 3 Lance Autos " demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 5 novembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont remis à la charge de la SARL " 3 Lance Autos " au titre de la période allant du 1er août 2006 au 31 octobre 2008 pour un montant total, droits et pénalités confondus, de 161 503 (cent soixante et un mille cinq cent trois) euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL " 3 Lance Autos " et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président assesseur,

- Mme Chenal-Peter, premier conseiller,

Lu en audience publique le 20 octobre 2015.

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N° 14MA01018 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01018
Date de la décision : 20/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Redevable de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL MBA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-20;14ma01018 ?
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