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06/10/2015 | FRANCE | N°15MA00517,15MA00519

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 06 octobre 2015, 15MA00517,15MA00519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 février 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1405978 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 février 2015 sous le n° 15MA00517 et

un mémoire complémentaire enregistré par télécopie le 10 septembre 2015 et régularisé par courrier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 février 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1405978 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 février 2015 sous le n° 15MA00517 et un mémoire complémentaire enregistré par télécopie le 10 septembre 2015 et régularisé par courrier le 15 septembre suivant, M.A..., représenté par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2014 pris par le préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous la même astreinte et dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement entre les mains de Me Leonhardt, son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Le requérant soutient que :

- il est béninois et père d'un enfant français né au Bénin en 2009 ; la mère de l'enfant, MmeB..., et leur fille se sont installées en France depuis 2011 ; il a épousé Mme B... le 27 juillet 2012 à Cotonou ; il est entré sur le territoire national sous couvert d'un visa " famille de français " le 8 avril 2013 ; le 3 avril 2013 est née leur seconde fille ;

- il a présenté une demande de titre de séjour " conjoint de français " ;

- cependant la vie commune a cessé à l'été 2013 ; pourtant il n'a cessé de s'investir auprès de ses filles ;

- il a alors modifié le fondement de sa demande de titre de séjour, en sorte que sa situation soit examinée en sa seule qualité de parent d'enfant français ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;

- cette même décision est entachée d'une erreur de fait en ce que le préfet a retenu qu'il était père d'un seul enfant français ;

- l'arrêté en cause a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas motivée en tant qu'elle porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 6 février 2015 sous le n° 15MA00519, M.A..., représenté par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 16 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 février 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à tout le moins une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leonhardt, son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Le requérant soutient que :

- il est fondé à demander le sursis à l'exécution du jugement en cause ;

- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens d'annulation présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conditions requises pour prononcer un sursis à exécution ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin, rapporteur,

- et les observations de Me Leonhardt pour M.A..., requérant.

1. Considérant que M.A..., ressortissant béninois né en 1986, s'est vu opposer un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 27 février 2014 ; que par requête enregistrée sous le n° 15MA00517, il relève appel du jugement du 16 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que par requête enregistrée sous le n° 15MA00519, il demande que soit sursis à l'exécution du même jugement ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes susvisées n° 15MA00517 et 15MA00519 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 15MA00517 :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; " ; que par ailleurs, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. A... est père de deux enfants françaises, nées respectivement le 20 juillet 2009 au Bénin et le 3 avril 2013 à Marseille de sa relation avec MmeB..., de nationalité française, qu'il a épousée le 27 juillet 2012 à Cotonou, l'acte de mariage ayant été transcrit le 10 septembre suivant dans les registres de l'état civil français ; que M. A... est régulièrement entré en France le 8 avril 2013 sous couvert d'un visa de 90 jours ; que, le 31 mai 2013, M. A... a présenté une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français, sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cependant, le requérant et son épouse ayant cessé leur vie commune à l'été 2013, M. A... a modifié le fondement de sa demande par courrier du 18 février 2014 pour invoquer la qualité de parent d'enfant français telle que prévue au 6° précité du même article L. 313-11 ;

5. Considérant que pour refuser à M. A... le bénéfice des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône affirme que celui-ci n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; que cependant le requérant peut, tout d'abord, se prévaloir d'une participation effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants jusqu'à l'été 2013 ; que s'agissant de la période postérieure, M. A...produit de nombreuses attestations émanant de son épouse, avec qui il était en instance de divorce, de membres de sa belle-famille, de la directrice de l'école maternelle fréquentée à partir de janvier 2014 par sa fille aînée, de l'association dénommée " Service provençal d'encouragement et de soutien " qui l'héberge depuis le 5 décembre 2013 ainsi que de médecins et autres professionnels de la santé, qui même si elles ont été pour la plupart rédigées postérieurement à la signature de l'arrêté contesté, peuvent être regardées comme non dépourvues d'une valeur probante ; que ces divers éléments permettent d'établir que, depuis la séparation des épouxA..., le requérant a effectivement entretenu des liens affectifs continus et étroits avec ses enfants ; qu'au demeurant, il y a lieu de relever que l'ordonnance de non-conciliation rendue le 5 juin 2014 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille, sur requête de Mme B...présentée le 10 janvier 2014, prévoit que l'autorité parentale sur les deux enfants du couple sera exercée par les deux parents, que la sortie du territoire français des enfants est interdite sans l'accord de leurs parents, que M. A... exercera à leur égard " un droit de visite avec remise des enfants par l'intermédiaire d'un espace de rencontre (...) à raison de deux mercredis et trois samedis par mois " et que la contribution du père à l'entretien est réservée " compte tenu de la modicité de ses ressources, jusqu'à retour à meilleure fortune " ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments et alors que l'état d'impécuniosité du requérant n'est pas contesté et qu'ainsi le défaut de participation à l'entretien de ses filles ne peut lui être opposé, M. A... doit être regardé comme contribuant effectivement à l'éducation de ses enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil ;

6. Considérant que, dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... en qualité de parent d'enfants français, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ladite décision ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne les conclusions à fins d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêt ;

Sur la requête n° 15MA00519 :

9. Considérant que la Cour se prononçant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous le n° 15MA00519 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leonhardt, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leonhardt d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés dans les présentes instances et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15MA00519.

Article 2 : Le jugement n° 1405978 du 16 décembre 2014 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 27 février 2014 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Leonhardt une somme de 1 200 (mille deux cents) euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leonhardt renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président assesseur,

- Mme Chenal-Peter, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 octobre 2015.

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N° 15MA00517, 15MA00519 7

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00517,15MA00519
Date de la décision : 06/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT ; SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT ; SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-06;15ma00517.15ma00519 ?
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