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29/09/2015 | FRANCE | N°14MA03129

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 14MA03129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 23 avril 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé de le placer en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1402086 du 28 avril 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2014 M.C..., représenté par MeD...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 avril...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 23 avril 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé de le placer en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1402086 du 28 avril 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2014 M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 avril 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2014 du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, Me D... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la signature de l'arrêté est intervenue sur le fondement d'une délégation de signature illégale car trop générale ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où il ne s'est pas soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement au sens donné à cette notion par la directive retour du 16 décembre 2008 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation car il présente des garanties de représentation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 5 § 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'il prévoit que le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par ordonnance du 19 mai 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2015.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du18 juin 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements.

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, rapporteur.

1. Considérant que M.C..., de nationalité turque, est entré en France au mois de juillet de l'année 2009 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa ; que le préfet de Vaucluse a rejeté par un arrêté du 29 mars 2012 une première demande de titre de séjour présentée par l'intéressé et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 2 septembre 2013, rejeté une seconde demande de titre de séjour et a de nouveau fait obligation à M. C...de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours ; que le recours formé contre cette dernière mesure d'éloignement a été rejeté par un jugement du 10 décembre 2013 rendu par un magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes ; que par un arrêté du 6 décembre 2013, le préfet du Gard l'a placé en rétention administrative ; que le recours formé par M. C...contre cet arrêté a été rejeté par un second jugement rendu le même jour par le même magistrat ; qu'ayant été de nouveau interpellé le 22 avril 2014, l'intéressé a été placé en rétention administrative par un arrêté du 23 avril 2014 du préfet de l'Hérault ; que, par jugement du 28 avril 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté le recours formé par M. C...contre cet arrêté ; que l'intéressé relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté n° 2013-I-1532 du 1er août 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Hérault a accordé à Mme E...B..., sous-préfète chargée de mission et secrétaire générale adjointe, délégation de signature à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault à qui cette délégation est initialement dévolue, " tous arrêtés, décisions, et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...), à l'exception (...) des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre (...) " ; que les décisions relatives aux attributions de l'Etat dans le département comprennent notamment les décisions préfectorales en matière de police des étrangers, au nombre desquelles figurent les décisions de placement en rétention administrative des étrangers ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ;

3. Considérant que, dès lors que l'article 43 du décret susvisé du 29 avril 2004 dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ", M. C...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la délégation de signature consentie à Mme E...B..., qui respecte les dispositions précitées, serait illégale pour être trop générale ; qu'au demeurant, cette délégation ne fait pas obstacle à ce que son auteur signe lui-même les décisions qu'il se réserve, même dans les domaines dans lesquels sa signature a été déléguée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 16 du préambule de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas " ; que selon l'article 15 de cette directive : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite (...) " ; que l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'" A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le placement en rétention d'un étranger qui fait l'objet d'une procédure de retour n'est possible, en l'absence de départ volontaire, que si son assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la décision de retour dont il fait l'objet ; qu'en vertu de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la rétention administrative de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant n'est possible que lorsque le délai pour quitter le territoire français qui lui avait été accordé est expiré ou si ce délai n'a pas été accordé, à la condition qu'il ne puisse quitter immédiatement le territoire français, à moins qu'il ne fasse l'objet d'une décision d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 de ce code ; qu'une telle décision d'assignation est prise lorsque l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ; que l'autorité administrative est tenue d'effectuer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, un examen de la situation de chaque étranger afin de vérifier notamment si les conditions légales permettant son placement en rétention sont réunies et si l'étranger bénéficie de garanties de représentation effectives ; qu'ainsi, les dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent pas les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 susvisée et notamment ceux qui résultent des dispositions précitées ;

6. Considérant qu'il est constant qu'à la date de son placement en rétention administrative le 23 avril 2014, M. C...avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise par le préfet de l'Hérault le 2 septembre 2013, soit moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire était expiré ; que si M. C...soutient qu'il bénéficiait, lors de son placement en rétention, de garanties de représentation effectives dans la mesure où il disposait d'un domicile où il vivait avec son épouse, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'était déjà volontairement abstenu de se conformer à une précédente décision lui faisant obligation de quitter le territoire français prise le 29 mars 2012 par le préfet de Vaucluse, laquelle avait, comme celle du 2 septembre 2013, un caractère exécutoire ; que, par ailleurs, il a fait savoir lors de son interpellation, le 22 avril 2014, qu'il n'accepterait pas de repartir volontairement en Turquie si une mesure d'éloignement devait être prise à son encontre ; qu'enfin, s'il fait valoir qu'à la date de son placement en rétention administrative son passeport était en cours de renouvellement auprès du consulat de Turquie, il est constant, qu'à cette date, il ne disposait d'aucun document de voyage en cours de validité ; que compte tenu de ces circonstances et eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de l'intéressé dans son pays d'origine, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, estimer que M. C...ne présentait pas de garanties effectives de représentation, et décider de le placer en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, stipule que " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ;

8. Considérant qu'il ressort des dispositions du paragraphe III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a organisé une procédure spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence, ainsi que sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d'assignation à résidence elles-mêmes ; que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue alors au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine ; qu'en vertu de l'article L. 512-3 du même code, lorsque le tribunal administratif est saisi d'une demande d'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, cette mesure ne peut être exécutée d'office avant que le tribunal n'ait statué ; que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ; qu'elles n'impliquent pas davantage la suspension de l'exécution de la décision distincte qui a ordonné l'éloignement du territoire français de M.C..., dont, au demeurant, il ne demande pas l'annulation et qui est devenue définitive après le rejet du recours qu'il a formé contre elle devant le tribunal administratif de Nîmes ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait contraire aux stipulations précitées en prévoyant que le recours juridictionnel contre cette décision était dépourvu d'effet suspensif à l'encontre de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M.A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 14MA03129

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03129
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-09-29;14ma03129 ?
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