La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2015 | FRANCE | N°14MA03007

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 14MA03007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 21 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sous peine de s'exposer à une obligation de quitter ce même territoire.

Par un jugement n° 1400139 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :
>Par une requête enregistrée le 9 juillet 2014, M.C..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 21 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sous peine de s'exposer à une obligation de quitter ce même territoire.

Par un jugement n° 1400139 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2014, M.C..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 avril 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, Me Coulet-Rocchia, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de séjour qui lui a été opposé est insuffisamment motivé ;

- il a été pris sur une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il méconnait les dispositions du 7° de l'article L 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'invitation à quitter le territoire français et l'obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposées sont insuffisamment motivées ;

- l'invitation à quitter le territoire français souffre d'un défaut de base légale ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale car fondée sur un refus de séjour lui-même illégal ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où il réunit les conditions pour obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. C...dirigées contre l'invitation qui lui a été faite de quitter le territoire français et contre une prétendue obligation de quitter ce même territoire étaient irrecevables.

Par ordonnance du 18 mai 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2015.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mai 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, rapporteur.

1. Considérant que M.C..., ressortissant comorien, serait entré en France en 2004 selon ses déclarations ; qu'il se serait depuis lors maintenu sur le territoire français, avant de présenter pour la première fois le 1er octobre 2013 aux services de la préfecture des Bouches-du-Rhône une demande d'admission au séjour en se prévalant du pacte civil de solidarité conclu le 4 janvier 2012 avec une compatriote ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 21 octobre 2013, rejeté cette demande et a invité l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par un jugement du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée par M. C...contre cet arrêté ; que l'intéressé relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité : " La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour " ; que les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sont aujourd'hui reprises au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 15 novembre 1999, que si la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un étranger soit avec un Français soit avec un étranger en situation régulière, n'emporte pas, à elle seule, délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire, la conclusion d'un tel pacte constitue toutefois un élément de la situation personnelle de l'intéressé, dont l'autorité administrative doit tenir compte pour apprécier si un refus de délivrance de carte de séjour n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard notamment à la durée de la vie commune avec son partenaire ; que si tel est le cas, l'autorité préfectorale ne saurait légalement prendre à l'encontre de l'intéressé un refus de séjour ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., qui a conclu un pacte civil de solidarité le 4 janvier 2012 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire, entretenait avec cette personne une relation réelle et stable depuis le mois de novembre 2010, soit depuis trois ans environ à la date de la décision de refus de séjour ; que M. C... est, par ailleurs, le père de deux enfants nés respectivement le 5 mars 2010 et le 15 janvier 2012 qu'il a eus avec sa partenaire et qu'il a reconnus dès leur naissance ; qu'il ressort des attestations versées au dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le préfet, que l'intéressé participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, dont le plus âgé était scolarisé à la date de la décision critiquée ; qu'enfin, le couple élève l'enfant Fakhrhiya Maissara, de nationalité française, née en 1999 d'une précédente relation de la compagne de M.C... ; que dans ces conditions, bien que le requérant ne soit pas dépourvu de toute attache aux Comores où vivent ses parents et bien que les deux enfants du couple, qui sont titulaires d'un document de circulation pour étrangers mineurs, puissent voyager avec leur père comme relevé en défense, le refus de séjour qui a été opposé à l'intéressé a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre à son encontre l'arrêté critiqué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur les conclusions dirigées contre l'invitation à quitter le territoire et l'obligation de quitter le territoire français qui aurait été prise à l'encontre de M. C...:

7. Considérant que si l'arrêté litigieux énonce en ses articles 2 et 3 que M. C...est invité à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et qu'à défaut d'exécution, il s'expose à la possibilité de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sur le fondement de l'article L 511-1 I et II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette indication qui se borne à lui rappeler la législation en vigueur, ne constitue pas une décision susceptible de recours ; que, par ailleurs, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône ait pris à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ces prétendues décisions sont manifestement irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Considérant que l'annulation du refus de séjour opposé à M. C...implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté du 21 octobre 2013, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. C...; qu'il y a lieu ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre de séjour à l'intéressé dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Coulet-Rocchia, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros à verser à Me Coulet-Rocchia ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 21 octobre 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Coulet-Rocchia, avocat de M.C..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M.A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

''

''

''

''

2

N° 14MA03007

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03007
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : COULET-ROCCHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-09-29;14ma03007 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award