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29/09/2015 | FRANCE | N°14MA01139

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 14MA01139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...Orgavana demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 février 2014 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1400759 du 1er mars 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2014, le préfet de l'Isère demande à la Cour :
>1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter les conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...Orgavana demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 février 2014 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1400759 du 1er mars 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2014, le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme Orgavandevant les premiers juges.

Il soutient que :

- c'était à Mme Orgavand'apporter les éléments établissant le bien-fondé de ses allégations ;

- elle n'a pas établi avoir exécuté l'arrêté portant obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par un arrêté du 25 février 2014, le préfet de l'Isère a placé Mme Orgavan en rétention administrative sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme Orgavana contesté cette décision devant le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes qui, par un jugement du 1er mars 2014, a fait droit à sa demande ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 25 février 2014, le magistrat désigné a estimé rapportée la preuve de ce que l'obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013, en vue de l'exécution de laquelle Mme Orgavanavait été placée en rétention, avait été spontanément exécutée par l'intéressée, de sorte que son placement en rétention était dépourvu de base légale ;

3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties ; que s'il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées ; que, le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments du dossier, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que c'est seulement à l'occasion de ses déclarations à la barre que MmeB..., assistée par un avocat, a indiqué qu'elle avait spontanément déféré à l'obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013, en soutenant que les conditions de son interpellation ne lui avaient pas permis d'emporter le document attestant des preuves de son retour en Roumanie ; que ces déclarations ont été présentées pour la première fois cinq jours après son interpellation et alors que Mme Orgavann'avait jamais auparavant fait spontanément état d'un retour en Roumanie ; que, lors de son audition devant les services de gendarmerie, le 25 février 2014, Mme Orgavanavait indiqué être arrivée en France en 2012, à l'âge de 18 ans et ne pas avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement ; que ces affirmations étaient pourtant démenties par la présence au dossier de la preuve de la notification à l'intéressée de l'obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013 et d'un document démontrant qu'elle avait formé une demande d'aide juridictionnelle en vue de contester cette obligation ; que les affirmations de Mme Orgavansont, ainsi, fort sujettes à caution ; qu'elles n'étaient, en l'espèce, nullement étayées et ne l'ont pas été depuis ; qu'en particulier, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'une indication quelconque ait été donnée sur les modalités du retour de Mme Orgavanen Roumanie et la date à laquelle il serait intervenu ; que le préfet produit d'ailleurs un procès-verbal établi par les services de gendarmerie le 14 novembre 2013 et qui fait apparaître que ce jour là, Mme Orgavanse livrait à la prostitution le long de la RD 11, aux abords du Bois Français ; qu'il résulte de tout ceci que, dans les circonstances de l'espèce, le magistrat désigné ne pouvait valablement considérer qu'il était en présence d'allégations sérieuses non démenties par les éléments du dossier appelant de la part de l'administration la production de documents de nature à les infirmer ; que c'est donc à tort qu'il a annulé l'arrêté du 25 février 2014 au motif que Mme Orgavandevait être regardée comme ayant spontanément exécuté l'arrêté du 30 octobre 2013 ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens de la demande de MmeB... ;

Sur le moyen tiré de l'existence d'une demande d'aide juridictionnelle en vue de la contestation de l'obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013 :

6. Considérant que, devant les premiers juges, Mme Orgavanfaisait valoir que la mesure d'éloignement ne pouvait être mise à exécution dès lors qu'elle avait introduit une demande d'aide juridictionnelle en vue de la contester ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-3 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter (...) c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. " ; qu'en outre le droit constitutionnellement garanti à toute personne à un recours effectif devant une juridiction impose à la juridiction saisie d'une demande d'aide juridictionnelle de surseoir à statuer jusqu'à ce que la décision se prononçant sur cette demande ait été utilement notifiée à l'intéressé ;

8. Considérant toutefois que la présentation, par un étranger qui a fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire, avant l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une demande d'aide juridictionnelle devant le bureau d'aide juridictionnelle compétent en vue de contester cette décision, n'a pas le caractère d'une saisine du tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi Mme Orgavan ne peut être regardée comme ayant saisi le tribunal administratif d'une contestation de la décision du 30 octobre 2013 l'obligeant à quitter le territoire du seul fait qu'elle avait entrepris, en temps utile et devant le bureau d'aide juridictionnelle compétent, les démarches nécessaires en vue de cette saisine et que l'accomplissement de ces démarches a préservé le délai de recours ;

9. Considérant par ailleurs que l'obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013 ayant été notifiée à l'intéressé le jour même, le délai de trente jours imparti à Mme Orgavanpour déférer spontanément à cette obligation était expiré à la date du 25 février 2014, à laquelle le préfet de l'Isère a ordonné son placement en rétention en vue de l'exécution d'office de cette mesure ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors qu'à la date de l'arrêté de placement en rétention, le délai de départ volontaire imparti par l'obligation de quitter le territoire du 30 octobre 2013 était expiré et que le tribunal compétent n'avait été saisi d'aucune contestation contre cette mesure, le préfet de l'Isère pouvait légalement prendre les mesures nécessaires en vue de l'exécution de cette mesure d'éloignement, prise moins d'un an auparavant, au nombre desquelles pouvait figurer le placement en rétention de MmeB... ; que sa contestation sur ce point de l'arrêté contesté ne peut, par suite, qu'être écartée ;

Sur les autres moyens :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " et qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; que la décision initiale de placement en rétention doit être proportionnée aux buts qui lui sont assignés ; qu'elle doit pour cela être justifiée par la perspective d'un éloignement effectif et l'insuffisance des garanties de représentation ;

12. Considérant que pour justifier le placement en rétention de MmeB..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne présentait pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à son obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle ne pouvait justifier de documents d'identité valides et n'avait pas de domicile fixe ; que Mme Orgavana apporté la preuve de ce que la première de ces considérations était erronée en produisant le récépissé de dépôt d'une carte d'identité valable jusqu'en 2020 au centre de rétention ; qu'en revanche, la seconde de ces considérations n'est pas contredite par les pièces du dossier, Mme Orgavanne disposant pas d'un logement en France et ayant été recensée à plusieurs reprises dans des squats ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'intimée devait être regardée comme ne présentant pas, à la date de son placement en rétention, les garanties de représentation effectives qui auraient permis son assignation à résidence ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, décider de la placer en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs de la lecture de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Isère ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 25 février 2014 portant placement en rétention de MmeB... ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes du 1er mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Orgavandevant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... Orgavan.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Chanon, premier conseiller,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 14MA01139

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01139
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des personnes.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-09-29;14ma01139 ?
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