Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un premier recours, M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Nice de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006.
Par un second recours, M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de le décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006.
Par un jugement n° 1000678, 1000679 du 14 mars 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 16 mai 2013 et régularisée par courrier le 21 mai suivant, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mars 2013 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux suivie par l'administration est irrégulière, dès lors que M. B...n'a jamais été destinataire des mises en demeure qui lui auraient été adressées les 7 décembre 2006 et 11 septembre 2007 ;
- le coefficient des liquides (vins et bières) retenu par le vérificateur, qui s'élève à 13 %, n'est assorti d'aucun élément concret ni d'aucun élément de comparaison avec des établissements similaires qui permettraient d'appréhender son réalisme économique ; ce coefficient de 13 % aboutit à un coefficient de chiffre d'affaires hors taxes sur les achats consommés de 4,79 en 2005 et 4,41 en 2006, ce qui est étranger à la réalité de l'exploitation de son établissement, et en outre bien supérieur aux coefficients admis par l'administration pour les années 2001 à 2003, ainsi qu'aux coefficients tirés des monographies professionnelles ou retenus par le centre de gestion agréé des Alpes-Maritimes ;
- les charges sociales obligatoires, qui peuvent être évaluées à 42 %, doivent être déduites des rectifications notifiées.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2013, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Nice en ce qu'il a joint à tort deux demandes émanant de deux contribuables distincts.
Par ordonnance du 22 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., qui exploite à titre individuel un restaurant à Saint-Laurent-du-Var, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration, par une proposition de rectification en date du 2 mai 2008, lui a notifié des rehaussements en matière de bénéfices industriels et commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales et en matière de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-3° du même livre ; que les impositions supplémentaires correspondantes, assorties de pénalités, ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2008 s'agissant de l'impôt sur le revenu et le 8 septembre 2008 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement en date du 14 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si le juge de l'impôt, saisi de plusieurs demandes émanant d'un même contribuable, a la faculté de statuer par une seule décision même lorsque les conclusions portent sur des impositions différentes, il ne saurait en aller de même lorsque les demandes sont présentées par des contribuables distincts ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à un contribuable constituent des impositions distinctes des cotisations d'impôt sur le revenu réclamées à ce même contribuable et à son épouse, qui se rattachent à un foyer fiscal différent ; que par suite, ces rappels et cotisations ne peuvent faire l'objet d'une décision commune de la juridiction administrative ;
3. Considérant qu'en l'espèce, les premiers juges étaient saisis de deux demandes distinctes, la première, enregistrée sous le n° 1000678, présentée par M. et MmeB..., tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, et la seconde, enregistrée sous le n° 1000679, présentée par M.B..., tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ; qu'il suit de ce qui été dit précédemment que le tribunal administratif de Nice devait statuer par deux jugements séparés à l'égard de chacune de ces demandes ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal a statué par un même jugement sur l'ensemble des impositions litigieuses ; que ce faisant, il a entaché d'irrégularité le jugement attaqué ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités correspondantes auxquels M. B...a été assujetti au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ; qu'il sera statué par une décision distincte du présent arrêt sur le litige relatif aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et aux pénalités y afférentes mises à la charge de M. et Mme B...au nom du foyer fiscal au titre des années 2005 et 2006, les mémoires et pièces correspondant à ce litige ayant, à cet effet, été disjoints de la présente instance et enregistrés sous le n° 13MA02633 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
6. Considérant qu'il ressort des documents produits par l'administration en première instance qu'à la suite d'une première intervention dans les locaux du restaurant de M.B..., les opérations de contrôle se sont déroulées au siège de son cabinet comptable, conformément à une demande de sa part en date du 11 janvier 2008 ; que le vérificateur s'est ensuite rendu à plusieurs reprises dans les locaux du restaurant afin de remettre en mains propres plusieurs demandes écrites de renseignements au représentant désigné par le contribuable ; qu'il n'est pas contesté que M. B...n'a jamais répondu à ces demandes, qui lui avaient également été personnellement adressées ; que, dans ces conditions, M. B...n'établit pas que le vérificateur lui aurait refusé le débat oral et contradictoire auquel il avait droit au cours des opérations sur place ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 286 du code général des impôts : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à soixante-seize euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois... " ;
8. Considérant que M. B...était tenu en application des dispositions de l'article 54 du code général des impôts, de présenter à l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres et pièces de dépenses et de recettes de nature à justifier l'exactitude des résultats portés dans ses déclarations ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur, lors du contrôle, a constaté que le contribuable n'avait pas conservé les pièces justificatives des recettes en 2005 et 2006, que les ventes à emportées n'avaient pas été comptabilisées, que les recettes n'avaient quant à elles été que partiellement comptabilisées, et que l'inventaire des stocks n'a pas été présenté ; que ces insuffisances sont suffisamment graves pour ôter tout caractère probant à la comptabilité du contribuable ; que par suite, c'est à bon droit que l'administration a écarté cette comptabilité et a procédé à la reconstitution des recettes de l'entreprise ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; que par suite, en application des dispositions précitées, la charge de la preuve revient à M. B..., à l'encontre de qui l'administration a régulièrement mis en oeuvre la procédure de taxation d'office ;
10. Considérant que pour reconstituer les recettes de l'activité de restauration au titre des deux exercices en cause, le vérificateur a appliqué la méthode des " liquides " (vins et bières consommés) consistant à déterminer, après dépouillement des seuls justificatifs des recettes qui lui ont été présentés par M.B..., à savoir les carnets de notes de la période du 7 au 13 février 2008, le pourcentage des recettes procuré par la vente des vins et bières par rapport aux recettes totales, qu'il a fixé à 8,84 % ; que dans un courrier du 2 avril 2008, le représentant de M. B...a reconnu ne pas avoir transmis au vérificateur les carnets de notes de l'année 2008 que celui-ci lui avait demandé de conserver sur une période d'au moins trente jours, en précisant toutefois que le pourcentage de vente de vins et de bières dans le chiffre d'affaires total devait être évalué à 13 % ; que le service a donc retenu ce dernier pourcentage pour reconstituer le chiffre d'affaires global du restaurant ;
11. Considérant que M. B...fait valoir que le coefficient de 13 % retenu par l'administration ne reposerait sur aucun élément concret ni élément de comparaison avec des établissements similaires à celui qu'il exploite ; que toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que, d'une part, le coefficient de 8,84 % retenu initialement par le vérificateur résultait des seules données fournies par l'intéressé, à savoir les recettes du restaurant sur une période de sept jours, et, d'autre part, le coefficient de 13 %, plus favorable au contribuable, qui a été finalement retenu par l'administration, est celui que ce dernier avait lui-même proposé ; qu'en outre, le requérant ne démontre pas que le coefficient retenu par le service, qui tient compte de conditions d'exploitation de l'entreprise de M.B..., serait inadapté en se bornant à revendiquer l'application d'autres coefficients issus de monographies régionales ou des statistiques très générales du centre de gestion agréé des Alpes-Maritimes, ses allégations n'étant assorties au demeurant d'aucun document justificatif ; que le requérant ne saurait davantage se prévaloir de la circonstance que l'administration aurait proposé, dans le cadre d'une vérification de comptabilité portant sur des années 2001 à 2003, des coefficients supérieurs à ceux retenus en l'espèce, dès lors qu'il n'est nullement établi que les conditions d'exploitation n'auraient pas été modifiées ultérieurement ; qu'il suit de ce qui précède que la méthode de reconstitution utilisée par les services fiscaux n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire ; que par suite, M. B...ne prouve pas le caractère exagéré de la reconstitution des recettes du restaurant pour les deux exercices en litige ;
12. Considérant, en outre, qu'il n'est pas contesté que le vérificateur a admis la déduction des charges d'exploitation et des charges financières et exceptionnelles inscrites dans la comptabilité de l'entreprise de M.B..., pour un montant total de 471 466 euros en 2005 et 548 836 euros en 2006, ainsi que d'autres charges non comptabilisées mais correspondant à des factures présentées lors du contrôle ; que si le requérant sollicite en outre la déduction des charges sociales qui " peuvent être évaluées globalement à 42 % ", il ne prouve pas que ces charges ne sont pas déjà comprises dans les charges d'exploitation retenues par l'administration, alors qu'il n'apporte au surplus aucun justificatif à l'appui de ses allégations ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à demander la déduction d'un montant de charges supplémentaires à celui retenu par l'administration ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. B...quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mars 2013 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B...tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel présentée par M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2015 où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président assesseur,
- Mme Chenal-Peter, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 septembre 2015.
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N° 13MA01966