Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 avril 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de procéder au renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1402375 du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2014, M.D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 septembre 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 3 avril 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me E...en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- les pièces produites établissent la communauté de vie ;
- le préfet a commis une erreur de fait en ce que, à la date de la décision en litige, il ne vivait plus à Paris mais avec son épouse à Perpignan ;
- le préfet a déduit à tort l'absence de communauté de vie de la circonstance qu'il résidait à Paris pour des raisons professionnelles en se fondant sur une enquête ancienne de six mois ;
- les époux peuvent avoir un domicile distinct conformément aux dispositions de l'article 108 du code civil ;
- son épouse a toujours nié être l'auteur du courrier reçu en préfecture, le 30 juillet 2013, aux termes duquel elle aurait émis des doutes sur ses intentions matrimoniales, expliquant qu'il pourrait la quitter dès l'obtention d'un titre de séjour et abuserait ainsi de sa crédulité ;
- la décision en litige méconnait les articles 6-2 et 7 de l'accord franco-algérien, dès lors que le préfet a délivré à tort un titre de séjour d'un an alors qu'il pouvait prétendre, de plein droit, à un certificat de résidence de dix ans ;
- il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'en application des dispositions de l'article L. 511-4 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile il est marié depuis plus de trois ans ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale pour les mêmes motifs ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2015, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un courrier du 21 mai 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
La demande d'aide juridictionnelle de M. D...a été rejetée par une décision du 13 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 21 juillet 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.D..., de nationalité algérienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales, a refusé de procéder au renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant que si M. D...sollicite, par l'intermédiaire de son conseil, le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, le président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a refusé de lui accorder, par décision du 13 janvier 2015, postérieure à l'introduction de la requête, le bénéfice de l'aide juridictionnelle à l'intéressé ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant que M. D...soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'une insuffisance de motivation ; qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 3 avril 2014 vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la Convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, la directive 20081115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, en particulier les articles 6-2 et 7 b), le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ses articles L.511-1-l-3°, L.511-1-II et L. 513-4, les dispositions du code civil et du code de procédure pénale et la loi 79-587 du Il juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que l'arrêté mentionne également notamment que l'intéressé a bénéficié de la délivrance d'un premier certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " valable du 9 août 2012 au 8 août 2013 sur le fondement de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien, en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française ; qu'il précise que le rapport d'enquête n° C l3 établi le 11 octobre 2013 par la direction départementale de la sécurité publique a constaté que l'intéressé vivait et travaillait à Paris depuis novembre 2012 et n'était pas en mesure de justifier qu'il contribuait aux dépenses du ménage ; qu'il conclut que le manque d'intention matrimoniale de la part de M. D...et le désintérêt pour son couple sont révélés, le mariage ayant été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour ; qu'ainsi cet arrêté comporte l'indication des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est donc suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de la légalité de la décision de refus de séjour :
4. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 7 bis de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article " ; qu'aux termes de l'article 6 du même accord : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux " ; qu'aux termes de l'article 108 du code civil : " Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie (...) " ; qu'il s'ensuit que dans ce cas de figure la communauté de vie est davantage envisagée dans sa dimension affective et intellectuelle ;
5. Considérant que M.D..., qui avait sollicité le renouvellement de son certificat de résidence, un et dix ans, soutient que le préfet a commis une erreur de fait en ce que à la date de la décision en litige il ne vivait plus à Paris mais avec son épouse à Perpignan et, que de toute façon, il pouvait résider séparément de son épouse pour des raisons professionnelles ; qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'à la date de sa demande de renouvellement du certificat de résidence, M. D...résidait à Paris ; que, par ailleurs, le rapport d'enquête n° Cl3, établi le 11 octobre 2013 par la direction départementale de la sécurité publique, précise que l'intéressé vit et travaille à Paris depuis son entrée sur le territoire national, en novembre 2012 ; que, contrairement à ce qu'il soutient, l'intéressé n'établit ni que cette situation était indépendante de sa volonté, ni même être revenu vivre auprès de son épouse après le 11 octobre 2013 et par là même l'existence d'une communauté de vie entre les époux ; qu'en effet les attestations produites au nom de son épouse, dont certaines sont postérieures à la décision en litige, comportent soit des écritures manuscrites différentes, soit des signatures différentes de celle du passeport de l'épouse ; que, par ailleurs, le reste des pièces produites tels que l'attestation d'assiduité, les bulletins de paie, la facture Edf du 29 novembre 2013 établis aux deux noms, l'attestation d'assurance maladie, les deux photos de mariage, le contrat de carte bancaire, au demeurant non signé par les intéressés, et les billets de trains, lesquels ne sont pas pour la plupart nominatifs, s'avère insuffisant pour établir tant la résidence commune que la communauté de vie affective et intellectuelle ; que, par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées du 2) de l'article 6 et au a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et des dispositions de l'article 108 du code civil ; que les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent donc être écartés ;
S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le mariage entre M. D...et Mme B...a été célébré le 23 décembre 2009, les époux ont toujours vécu séparément ; que si le mariage a été transcrit à l'état civil le 3 novembre 2011, M. D...est entré en France seulement le 14 mars 2012 pour aller travailler directement à Paris alors que son épouse résidait à Perpignan ; que si M. D... soutient que cette séparation a cessé à la fin de l'année 2013, il n'en justifie pas comme il a été dit ci-dessus ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence de relations affectives, notamment épistolaires ou téléphoniques, régulières entre les époux depuis la date de leur mariage ; qu'ainsi M.D..., bien que marié depuis trois ans avec MmeB..., n'établit pas l'existence de la communauté de vie effective depuis leur union ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que, si M.D... se prévaut de la réalité d'une vie commune avec son épouse depuis son entrée sur le territoire national, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la communauté de vie entre les époux n'a jamais réellement existé ; que le requérant, entré en France en 2012 à l'âge de 29 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée, deux années, et des conditions de séjour de M. D...en France l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la légalité de la décision portant fixation du pays de destination :
10. Considérant que les moyens tirés, d'une part, de la violation des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne, sont inopérants à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de procéder au renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M.D....
Article 2 : La requête de M. D...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 31 août 2015, siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 septembre 2015.
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N° 14MA04249