Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 20 559,11 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il a subis à raison de l'accident dont il a été victime le 25 juillet 2006 alors qu'il circulait sur la route départementale n° 45 en direction de Gap.
Par un jugement n° 1203006 du 24 juin 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 août 2013, M.A..., représenté par Me D...-B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2013 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge du département des Hautes-Alpes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son action n'est pas prescrite ;
- la voie publique sur laquelle s'est produite l'accident présentait, pour ses usagers, un danger particulier qui ne faisait alors l'objet d'aucune signalisation ; celle-ci n'a été mise en place qu'après son accident ; le défaut d'entretien normal est ainsi avéré ;
- l'article 2 de l'arrêté du président du conseil général du 10 juillet 2006 prévoyant que l'interdiction de la circulation des véhicules terrestres à moteur sur le tronçon situé entre le carrefour avec le RD 900 B et Chateauvieux durant les travaux de réfection de la chaussée ne s'appliquait pas aux riverains, il était autorisé à l'emprunter, étant domicilié ...;
- nul ne saurait lui reprocher un comportement imprudent dès lors qu'il a été contraint, du fait de l'état de la route, de se déporter sur la voie de gauche qui se trouvait en meilleur état pour y circuler ; quand bien même il connaissait l'état de la route, il lui était impossible de prédire l'existence d'une tranchée qui venait tout juste d'être créée ;
- le préjudice subi s'élève à 1 364,64 euros au titre du préjudice matériel, 2 894,47 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 5 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 9 300 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2013, le département des Hautes-Alpes conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la requête est irrecevable du fait de la prescription quadriennale ;
- le président du conseil général a interdit, par un arrêté du 10 juillet 2006, la circulation des véhicules terrestres à moteur durant les travaux de réfection de la chaussée de la " RN 45 " sur le tronçon en question ; toutes les mesures ont été prises afin de porter à la connaissance des propriétaires riverains la nature et de la durée de ceux-ci et une signalisation a été mise en place dans le sens de circulation imposé ;
- que M. A...a directement concouru à la survenance de son propre préjudice puisque bien qu'étant censé connaître, en tant que riverain, l'état de la chaussée, il a délibérément choisi de prendre la voie en travaux à contre sens et du côté gauche, zone de déchargement des camions ; il n'établit pas en outre que sa vitesse était proportionnée à l'état de la chaussée ;
- sa scolarité n'a nullement été interrompue ou compromise par ledit accident et n'étant alors pas salarié, il ne rapporte nullement la preuve d'un quelconque préjudice financier au titre d'une perte de rémunération ;
- il ne saurait davantage être indemnisé au titre de son préjudice matériel en l'absence de factures de réparation de son scooter et d'informations relatives à une éventuelle indemnisation de la part de son assureur.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la route ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me B...représentant M.A....
1. Considérant que, par jugement du 24 juin 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A...tendant à la condamnation du département des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 25 juillet 2006 alors qu'il circulait sur la route départementale n° 45 en direction de Gap ; que, par requête enregistrée le 20 août 2013, M. A...relève appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis, l'usager de la voie publique doit démontrer d'une part, la réalité de son préjudice et d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics et le dommage ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'il n'y a pas de défaut d'entretien, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'alors qu'il circulait en scooter sur la route départementale n° 45 alors en travaux le 25 juillet 2006 vers 17 heures, M. A...a chuté dans une importante tranchée située sur la voie de gauche ; qu'il soutient s'être déporté sur cette voie par peur de déraper sur celle de droite, alors recouverte de graviers concassés ; qu'il ressort effectivement des différents témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête sur les circonstances de l'accident réalisée après la plainte déposée par les parents de la victime alors mineure, que le revêtement de ce tronçon de la route, que seuls les riverains étaient autorisés à emprunter par arrêté du président du conseil général du 10 juillet 2006, était par endroits difficilement praticable à un point tel que les véhicules se trouvaient contraints de rouler à contre-sens ; qu'il n'est pas contesté que si l'excavation en question, profonde d'une cinquantaine de centimètres environ, était signalée par un unique panneau dans le sens normal de la circulation, elle ne l'était pas dans le sens inverse de cette dernière ; que le chef de chantier indique d'ailleurs dans sa déposition, avoir demandé à l'agent compétent de matérialiser la tranchée dans les deux sens de la circulation et reconnaît que, tant le maître d'ouvrage que le coordinateur de sécurité n'auraient pas manqué, après leur future inspection du chantier, de les obliger à mettre en place une signalisation adéquate ; que les lieux ont été sécurisés immédiatement après l'accident par l'apposition d'un panneau, puis de barrières dès le lendemain ; que par suite, le défaut de signalisation dans les deux sens de la circulation de cette tranchée, même creusée peu de temps avant les faits, est constitutive d'un défaut d'entretien normal de la chaussée, cause directe du préjudice subi par M.A... ;
4. Considérant qu'il appartenait toutefois à M. A...qui, riverain des lieux, avait une parfaite connaissance des lieux et savait que cette route était en travaux depuis le début du mois, d'adapter sa vitesse et d'être d'autant plus attentif et vigilant au moindre danger que pouvait présenter la chaussée qu'il avait fait le choix, sur quelques mètres, de se déporter sur la voie de gauche et ainsi de circuler à contre-sens de la circulation ; que la faute d'imprudence commise par la victime, à une heure où la route était encore parfaitement visible à cette époque de l'année, est exonératoire à hauteur de 80 % de la responsabilité du département des Hautes-Alpes ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...). " ; que l'article 2 de ladite loi dispose que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ... " ;
7. Considérant que le scooter de M. A...a été expertisé et classé économiquement non réparable le 25 septembre 2006 ; que le fait générateur, l'existence et le montant de la créance étant connus dès cette date, la prescription qui a commencé à courir à compter du 1er janvier 2007 était dès lors acquise depuis le 31 décembre 2010 ; qu'en l'absence de cause d'interruption de la prescription, les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
8. Considérant que le docteur Simonet, régulièrement désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 19 janvier 2012, a fixé, dans son rapport d'expertise du 29 février suivant, la date de consolidation de l'état de santé de M. A...au 25 juillet 2007 ; que si sa réclamation au fond a été enregistrée le 30 avril 2012, le requérant avait saisi le juge compétent dudit tribunal de sa demande en référé le 6 octobre 2011, avant l'expiration du délai de la prescription quadriennale dont elle a par là-même eu pour effet d'interrompre le cours ; que, dès lors, s'agissant des dommages corporels, l'exception de prescription quadriennale opposée par le département des Hautes-Alpes sur ce point ne peut qu'être écartée ;
Sur les préjudices :
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, la date de consolidation de l'état de santé de M. A...peut être fixée au 25 juillet 2007 ; qu'il a subi une incapacité temporaire partielle à 50 % pour la période du 27 juillet au 15 septembre 2006 et une incapacité temporaire à 20 % pour celle allant du 16 septembre 2006 au 1er janvier 2007 ; que l'incapacité permanente partielle a été fixée à 2 % ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice temporaire et permanent, lequel inclut le préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de pratiquer le hand-ball durant 6 mois, en allouant à l'intéressé une somme de 1 500 euros ;
10. Considérant que les souffrances endurées ont été évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 et le préjudice esthétique à 0,5 sur cette même échelle ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en fixant à 3 500 euros la somme destinée à réparer les premières et à 500 euros, celle visant à réparer le second ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice global de M. A...doit être fixé au montant de 5 500 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 4, le département des Hautes-Alpes doit être condamné à payer à M. A...une somme de 1 100 euros ;
Sur les dépens :
12. Considérant qu'il y a lieu de mettre 20 % du montant des frais d'expertise, taxés à la somme de 500 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille, soit la somme de 100 euros, à la charge du département des Hautes-Alpes et les 80 % restants, soit la somme de 400 euros, à la charge de M. A...;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
14 .Considérant que le département des Hautes-Alpes étant pour partie tenu aux dépens, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, une somme de 2 000 euros à verser à M.A..., partie gagnante devant la Cour, au titre desdites dispositions ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que les conclusions présentées par le département des Hautes-Alpes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.
Article 2 : Le jugement du 24 juin 2013 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 3 : Le département des Hautes-Alpes versera la somme de 1 100 (mille cent) euros à M. A... à titre d'indemnité.
Article 4 : Les frais d'expertise seront mis à la charge de M. A...pour un montant de 400 (quatre cents) euros et pour un montant de 100 (cent) euros, à celle du département des Hautes-Alpes.
Article 5 : Le département des Hautes-Alpes versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au département des Hautes-Alpes et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2015 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Firmin, président assesseur,
- Mme Pena, première conseillère,
Lu en audience publique, le 16 juillet 2015.
''
''
''
''
N° 13MA034462