Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS), venant aux droits et obligations des centres régionaux de transfusion sanguine de Montpellier, Nantes, Nancy, du CNTS et de la FNTS la somme globale de 184 020 euros en réparation des préjudices subis imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 1000169 du 3 avril 2012, le tribunal administratif de Montpellier a mis hors de cause l'Etablissement français du sang et condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser une somme totale de 40 000 euros à MmeC....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2012, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la société d'avocats Vatier et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2012 ;
2°) de ramener à 3 350 euros et 3 243 euros les sommes qui ont été allouées à Mme C... respectivement pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire et au titre des souffrances endurées ;
3°) de statuer ce que de droit sur les dépens.
Il soutient :
- qu'il ne conteste pas la présomption d'imputabilité de la contamination de Mme C... par le virus de l'hépatite C aux transfusions et produits sanguins qui lui ont été administrés pour traiter sa maladie de Willebrand ;
- qu'il demande à la Cour d'entériner le rapport d'expertise judiciaire et, en conséquence, de limiter les préjudices indemnisables de Mme C...aux périodes de déficit fonctionnel temporaire et aux postes de souffrances endurées ;
- qu'il devra être constaté la guérison de la requérante, et ce sans séquelles, depuis le 22 mai 2001, ce qui correspond à la date de consolidation proposée par l'expert judiciaire ;
- que le tribunal ne pouvait donc, sans dénaturer les éléments médicaux versés aux débats, retenir une asthénie persistante qui aurait été en lien avec l'infection passée par le virus de l'hépatite C tout en excluant tout déficit fonctionnel permanent ;
- que le tribunal a majoré à tort l'indemnisation de Mme C...au regard de la surveillance médicale préconisée par l'un de ses médecins dans un certificat daté de 2005 ;
- que les éventuels effets secondaires des traitements ont cessé à leur arrêt ;
- que la crainte alléguée en première instance de devoir subir une nouvelle ponction biopsie hépatique n'apparaît pas fondée en raison du recours à des méthodes non invasives ;
- que l'évolution de l'infection de Mme C...s'est traduite par une régression de l'activité virale et de la fibrose à un score Métavir A0F0 ;
- qu'ainsi la somme de 40 000 euros octroyée à Mme C...est particulièrement disproportionnée ;
- qu'il conviendra de procéder à une indemnisation poste par poste et non de manière forfaitisée ;
- que les périodes de déficit fonctionnel temporaire identifiées par l'expert pourront être indemnisées par une somme variant de 2 010 euros à 3 350 euros ;
- que les souffrances endurées, évaluées à 3 sur une échelle de 0 à 7 pourront être réparées par l'allocation d'une somme à fixer entre 2 397 euros et 3 243 euros ;
- que, dans l'éventualité d'une aggravation à ce jour ni avérée ni même alléguée, il appartiendra à la requérante de solliciter une indemnisation supplémentaire.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 juillet 2012, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault, fait valoir qu'elle a été amenée à faire l'avance de prestations qui s'établissent définitivement à la somme de 22 024,05 euros, dont 3 927,15 euros au titre des dépenses de santé futures pour l'année 2009, au paiement de laquelle il convient de condamner l'ONIAM ; que cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal et de l'anatocisme ; qu'elle a également droit au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 997 euros ; que la somme de 800 euros devra lui être allouée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un nouveau mémoire en intervention, enregistré le 28 septembre 2012, la CPAM de l'Hérault ramène ses prétentions indemnitaires à la somme de 2 860,68 euros.
Par une ordonnance du 8 octobre 2013 la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2013.
Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2013, l'ONIAM persiste dans ses écritures antérieures et conclut, en outre, au rejet des demandes des tiers payeurs.
Il fait valoir :
- qu'en vertu de l'article 67-IV de la loi du 17 décembre 2008, dans sa rédaction issue de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2013, les tiers payeurs ne peuvent être remboursés par l'ONIAM que si l'ONIAM peut ensuite être lui-même garanti de cette somme par les assureurs des établissements de transfusions sanguines et de l'Etablissement français du sang ;
- qu'en l'état de la procédure on ignore si l'Etablissement français du sang bénéficiait d'une couverture assurantielle au moment des faits si bien que les demandes des tiers payeurs devront être rejetées.
Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2013, Mme C...demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement n° 1000169 du 3 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme totale de 40 000 euros la réparation des préjudices subis en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
- de porter à la somme de 10 948 euros la somme à lui verser au titre du déficit fonctionnel temporaire, à la somme de 100 000 euros la somme à lui verser au titre des souffrances endurées et à la somme de 73 072 euros la somme à lui verser au titre du déficit fonctionnel permanent ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- qu'elle est toujours porteuse du virus de l'hépatite C, les deux traitements par interféron ayant échoué ;
- que bien qu'ayant retenu comme date de sa consolidation celle du 22 mai 2001, l'expert a omis de fixer une période d'incapacité temporaire partielle courant à compter du 1er août 1996 jusqu'au 22 mai 2001 ;
- qu'elle n'a pu recouvrer sa pleine capacité après le 31 juillet 1996, date de la fin de son incapacité temporaire totale ;
- qu'il convient donc de fixer du 1er août 1996 au 22 mai 2011 un déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 20 % ;
- que, durant ces périodes, elle a subi une gêne évidente dans les actes de la vie courante qui doit être indemnisée par une somme forfaitaire de 600 euros par mois ;
- que la réparation de son déficit fonctionnel temporaire doit être évaluée à la somme de 10 948 euros ;
- qu'il devra lui être allouée la somme de 100 000 euros en réparation des souffrances endurées, tant physiques que psychiques ;
- qu'elle est toujours porteuse d'une hépatite C chronique répliquante qui démontre l'existence d'un déficit fonctionnel permanent dont la réparation doit être évaluée à la somme de 73 072 euros.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur plusieurs moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault en raison de leur tardiveté et de l'irrecevabilité, par voie de conséquence, des conclusions de l'ONIAM tendant à leur rejet, de l'irrégularité du jugement en tant que les premiers juges ont omis de mettre en cause l'employeur public de Mme C...et de l'incompétence du juge administratif pour se prononcer, au titre des dépens, sur la dévolution des frais d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire.
Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2014, Mme C...persiste dans ses écritures antérieures et fait valoir, en outre :
- qu'un certificat médical du 4 décembre 2013 indique qu'elle est classée F2 au fibroscan et qu'il s'agit d'une hépatopathie virale C répliquante ;
- que ce certificat ajoute qu'un nouveau traitement sera à envisager en fonction des nouvelles possibilités thérapeutiques ;
- que cela démontre clairement l'existence de séquelles incontestables et d'un déficit fonctionnel permanent.
Vu, enregistré le 3 février 2014, le mémoire présenté pour l'ONIAM, qui indique s'en remettre à l'appréciation de la juridiction en ce qui concerne le moyen soulevé d'office et tiré de l'incompétence du juge administratif pour se prononcer, au titre des dépens, sur la dévolution des frais d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire.
Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2014, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier conclut à sa mise hors de cause.
Il fait valoir :
- qu'un centre hospitalier ne saurait être tenu pour responsable des contaminations transfusionnelles lorsqu'il n'est intervenu qu'en qualité de prestataire de soins et que le centre de transfusion sanguine ayant fourni les produits contaminés a une personnalité juridique distincte de l'établissement hospitalier ;
- qu'il n'est intervenu qu'en qualité de prestataire de soins et sans qu'une faute puisse lui être imputée ;
- que, dès lors, sa responsabilité ne saurait être engagée.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 20 juin 2014, le CHRU de Montpellier conclut à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 100 437,41 euros, dès lors qu'il a été contraint, en tant qu'employeur de MmeC..., à lui verser cette somme laquelle représente le montant des salaires maintenus à celle-ci durant ses congés de longue maladie imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 20 juin 2014, Mme C...persiste dans ses écritures antérieures.
Par une ordonnance du 2 décembre 2014 la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2015.
Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2015, l'ONIAM persiste dans ses écritures antérieures et soutient, en outre :
- que si des examens ultérieurs devaient mettre en évidence un stade de fibrose F 2, ce qui confirmerait que Mme C...serait éligible aux nouveaux traitements qui ont une efficacité importante et permettent de conduire à une guérison virologique, aucune indemnisation à titre définitif n'est susceptible d'intervenir et seule une indemnisation provisionnelle peut être prononcée ;
- qu'ainsi, Mme C...n'est susceptible de présenter à ce stade aucun préjudice définitif et donc aucun déficit fonctionnel permanent ;
- qu'il s'ensuit qu'aucune indemnisation de la part de la solidarité nationale ne saurait être retenue à ce titre ;
- qu'il n'apparaît pas de manière certaine que les congés longue maladie qui ont été accordés à Mme C...soient en lien exclusif avec la contamination par le VHC dès lors que le certificat médical du 4 décembre 2013 qu'elle verse aux débats mentionne aussi bien l'hépatopathie virale C que la maladie de Willebrand comme étant les causes possibles de l'altération de son état de santé ;
- qu'il demande donc le rejet de la demande formulée par le CHRU de Montpellier sur ce point ;
- que la caisse primaire d'assurance maladie verse un relevé non détaillé des prestations dont elle demande le remboursement ;
- qu'il demande, en conséquence, le rejet de la demande de la caisse.
Par une ordonnance du 12 janvier 2015 la clôture d'instruction a été reportée au 27 février 2015.
Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2015, le CHRU de Montpellier persiste dans ses écritures antérieures et fait valoir, en outre, que la somme de 100 437,41 euros qu'il demande est exclusivement liée à la contamination de Mme C...par le virus de l'hépatite C.
Par un mémoire, enregistré le 27 février 2015, Mme C...persiste dans ses écritures antérieures.
Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2015, l'ONIAM conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et fait valoir, en outre :
- que sa substitution à l'EFS dans le cadre des contentieux en cours est entrée en vigueur le 1er juin 2010 ;
- que, pour les actions en cours au 1er juin 2010, les tiers payeurs ne peuvent réclamer le remboursement de leurs frais et débours que si l'établissement de transfusion sanguine est assuré et si sa couverture d'assurance est toujours en cours et valide ;
- que Mme C...a reçu des produits antihémophiliques provenant des centres régionaux de transfusion sanguine (CRTS) de Nancy, de la région parisienne, de Nantes et de Montpellier ;
- qu'à ce jour seule l'information relative à la couverture assurantielle du centre régional de transfusion sanguine de Nancy lui a été fournie par l'EFS ;
- qu'il en ressort que celui-ci n'était pas assuré avant le 15 septembre 1968 ;
- que, dans l'hypothèse où Mme C...aurait été contaminée avant 1968, le CRTS de Nancy étant le seul fournisseur de produits et ne bénéficiant d'aucun contrat d'assurance il ne pourrait être condamné à indemniser les tiers payeurs ;
- que, dans l'hypothèse où Mme C...aurait été contaminée après 1968, il n'existe aucun moyen de déterminer le produit délivré qui a contaminé la requérante et, partant, la période ou le centre en cause ;
- qu'il ne sera donc pas en mesure de solliciter utilement la garantie d'un assureur de CRTS ;
- qu'il s'ensuit que les tiers payeurs devront être déboutés de leurs demandes et devront supporter leurs frais et débours.
Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2015, le CHRU de Montpellier indique à la Cour :
- qu'en sa qualité d'employeur il n'a pas accès à la motivation médicale des arrêts de travail de Mme C...et ne peut donc que présumer que ces arrêts sont bien liés à la contamination de Mme C...par le virus de l'hépatite C ;
- qu'il entend actualiser sa créance qui s'établit désormais à la somme de 164 998,10 euros.
Par un mémoire, enregistré le 29 avril 2015, l'ONIAM, persiste dans ses écritures antérieures et fait valoir, en outre :
- que les dernières pièces versées par le CHRU ne démontrent nullement que les congés longue maladie qu'elles retracent sont en lien direct et exclusif avec la contamination par le virus de l'hépatite C ;
- qu'il n'est susceptible de procéder à l'indemnisation que des seuls préjudices dont le lien exclusif avec la contamination est rapporté et en aucun cas de préjudices présumés en lien ;
- qu'il y a donc lieu de rejeter la demande du CHRU de Montpellier ;
- que si l'imputabilité des congés pris par Mme C...à son hépatite C devait être reconnue comme établie, les demandes du CHRU ne pourront être accueillies dès lors qu'aucun contrat d'assurance valide ne permettrait la condamnation des assureurs des différents CRTS à le garantir des condamnations à intervenir ;
- qu'il en va de même en ce qui concerne la demande de la CPAM de l'Hérault.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 juillet 1959 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me B...substituant Me D...pour le CHU de Montpellier ;
Une note en délibéré, présentée par le CHU de Montpellier, a été enregistrée le 26 juin 2015.
1. Considérant que MmeC..., née le 8 juin 1954, a été diagnostiquée dès 1957 comme atteinte d'une maladie hémorragique assimilée à l'hémophilie, la maladie de Willebrand ; qu'elle a, dès le mois de novembre 1956, reçu très régulièrement des produits sanguins, facteur VIII et cryoprécipités ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été mise en évidence de manière fortuite pour la première fois au mois d'août 1991 ; qu'une première biopsie du foie a été réalisée le 23 février 1994 conduisant à la mise en place d'un premier traitement par interferon du mois d'avril 1994 au mois d'octobre 1994, qui s'est avéré efficace ; qu'une rechute a toutefois été constatée après l'arrêt dudit traitement ; qu'une deuxième biopsie du foie a été pratiquée le 31 mai 1994 révélant une hépatite chronique à activité modérée et fibrose portale sans septa avec une grille Métavir A2F1 ; qu'un second traitement par interferon, mis en place du mois de juillet 1995 au mois de juillet 1996, s'est avéré efficace mais a été moins bien supporté par la patiente ; qu'une nouvelle rechute est toutefois intervenue deux mois après l'arrêt du traitement ; qu'une troisième biopsie du foie a été réalisée le 25 juin 1997 révélant une amélioration des lésions histologiques hépatiques avec une grille Métavir A1F1 ; qu'une quatrième biopsie a été réalisée le 22 mai 2001, mettant en évidence l'existence d'une hépatite chronique sans signe d'activité et fibrose portale sans septa avec une grille Métavir A0F1 et lésions d'hépatite chronique présentant un risque de sarcoïdose, dont le diagnostic a ultérieurement été confirmé ; que le contrôle réalisé le 16 décembre 2005 ne montrait pas de lésion hépatique et mettait en évidence un score Metavir A0F0 ; qu'à la demande de MmeC..., une expertise médicale a été ordonnée par le tribunal de grande instance de Montpellier, par ordonnance du 6 octobre 2005 ; que le professeur Dubois a déposé son rapport le 15 mars 2006, concluant à une contamination transfusionnelle ;
2. Considérant que l'ONIAM interjette appel du jugement du 3 avril 2012 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme C...la somme totale de 40 000 euros en réparation des préjudices subis par celle-ci en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par la voie de l'appel incident, Mme C... demande à la Cour de réformer ledit jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme totale de 40 000 euros la réparation des préjudices subis en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de porter à la somme de 10 948 euros la somme à lui verser au titre du déficit fonctionnel temporaire, à la somme de 100 000 euros la somme à lui verser au titre des souffrances endurées et à la somme de 73 072 euros la somme à lui verser au titre du déficit fonctionnel permanent ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, par deux mémoires successifs, sollicite, en premier lien, que son indemnisation soit portée à 22 024,50 euros, puis réduit, en second lieu, ses prétentions à la somme de 2 860,68 euros, soit la somme qui lui a été allouée par les premiers juges ; que le CHRU de Montpellier, mis en cause par la Cour en sa qualité d'employeur de Mme C...demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 164 998,10 euros représentant le montant des traitements versés à celle-ci durant ses congés de longue maladie imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C selon l'établissement hospitalier ;
Sur l'étendue du litige :
3. Considérant que, par sa requête enregistrée au greffe de la Cour le 31 mai 2012, l'ONIAM a demandé l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2012 uniquement en tant que, par celui-ci, les premiers juges ont alloué à Mme C...une somme globale de 40 000 euros en réparation de ses préjudices ; que si, par un premier mémoire en intervention enregistré le 25 juillet 2012, la CPAM de l'Hérault a demandé que son indemnisation soit portée à la somme de 22 024,05 euros, outre la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle a ultérieurement réduit ses prétentions à la somme de 2 860,68 euros, soit le montant qui lui a été accordé par les premiers juges ; qu'il suit de là que n'est plus en discussion devant la Cour que le montant de l'indemnisation à allouer à Mme C...et le principe et le montant de l'indemnisation du CHRU de Montpellier pris en sa qualité d'employeur de cette dernière ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant qu'en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci " ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; qu'alors que la qualité d'agent du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier de MmeC..., depuis 1991, est mentionnée dans le rapport d'expertise déposé le 15 mars 2006, dont les informations ont été utiles aux premiers juges, cet établissement de santé, employeur public, n'a pas été appelé à la cause ; qu'en ne communiquant pas la requête de Mme C...au centre hospitalier universitaire de Montpellier qui l'employait, le tribunal administratif de Montpellier a méconnu la portée des dispositions précitées de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; que, par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé en tant qu'il a statué sur les préjudices de Mme C... ;
5. Considérant que la Cour ayant communiqué la procédure au CHRU de Montpellier l'affaire est en état d'être jugée immédiatement par la voie de l'évocation dans la mesure ci-dessus indiquée ;
Sur la responsabilité :
6. Considérant qu'aux termes du IV de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. (...) " ; que ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 ; que, depuis cette date, l'ONIAM est substitué à l'EFS dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ;
En ce qui concerne l'origine transfusionnelle de la contamination :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ;
8. Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressée a été exposée par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;
9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que Mme C...a subi, en raison d'accidents hémorragiques imputables à la maladie de Willebrand, de très nombreuses transfusions de sang frais, plasma frais, facteur VIII et cryoprécipités, distribués par les centres de transfusions sanguines des différentes régions où elle a successivement résidé ; que Mme C... apporte la preuve de la matérialité de ces transfusions, dont le détail a été repris par l'expert dans son rapport susvisé ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'enquête transfusionnelle n'a pas été possible ; que les transfusions ayant été effectuées avant la mise en place du dépistage du virus de l'hépatite C et concernant des produits, dont certains, comme le facteur VIII, sont produits à partir de 1 200 dons, l'expert a retenu un risque de contamination des produits administrés de 90 % ; que la probabilité de contamination de Mme C...par les produits sanguins administrés à cette période n'est pas sérieusement contestée ; que l'expert relève quelques antécédents d'hospitalisation sans faire état de l'existence possible d'un risque nosocomial ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction qu'il existerait une autre cause possible de contamination ; que, dans ces conditions, les produits sanguins ayant été administrés antérieurement à la mise en place du dépistage de l'hépatite C, la preuve de leur innocuité n'étant pas apportée et compte tenu de la date de mise en évidence de la contamination, l'hypothèse selon laquelle la contamination de MmeC..., qui ne présente pas de facteur de risque propre susceptible d'expliquer son affection hépatique, a pour origine les transfusions dont il s'agit est la plus vraisemblable ; que l'ONIAM doit, dans ces conditions, être substitué à l'EFS pour l'indemnisation des conséquences dommageables de la contamination de Mme C...par le virus de l'hépatite C ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les droits du CHRU de Montpellier :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 67 IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, tel que modifié par l'article 72 II de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 : " (...) Lorsque l'office a indemnisé une victime et, le cas échéant, remboursé des tiers payeurs, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute. Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. " ; que l'article 72 III de cette même loi prévoit que cette disposition est d'application immédiate pour toutes les actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ;
12. Considérant qu'à la suite de la mesure d'instruction qui a été diligentée, tant en direction de l'EFS que de l'ONIAM, ce dernier a produit une attestation de l'EFS indiquant que le centre régional de transfusion sanguine de Nancy n'était pas assuré avant la date du 15 septembre 1968 ; que l'expert indique dans son rapport que, sur la période courant de novembre 1956 à mai 1967 la jeune A...C...a bénéficié à 51 reprises de l'administration de sang frais et de plasma frais ; que l'expert indique également que, pour aucune des 4 périodes qu'il distingue et au cours desquels sont intervenus les CRTS de Nancy, de la région parisienne, de Nantes puis de Montpellier les donneurs n'ont pu être identifiés ; qu'il s'ensuit que la contamination a pu se produire pendant l'une quelconque de ces périodes, voire au cours de plusieurs d'entre elles ; que, dans ces circonstances, l'ONIAM est fondé à soutenir que les conclusions que le CHRU de Montpellier dirige à son encontre et qui tendent à sa condamnation à l'indemniser des salaires maintenus à Mme C...sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles ;
En ce qui concerne les droits de MmeC... :
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire déposé le 15 mars 2006, que l'état de santé de Mme C...peut être considéré comme consolidé à la date de sa 4e biopsie hépatique montrant un score Metavir A0F1 le 22 mai 2001 ; que ce rapport ne retient pas d'incapacité permanente partielle compte tenu de l'état du foie mais distingue 3 périodes d'incapacité temporaire au regard des deux traitements par Interféron : totale du 15 mars 1996 au 31 juillet suivant et partielle à 10 % du 15 avril 1994 au 15 octobre suivant et à 20 % du 15 juillet 1995 au 14 mars 1996 ; qu'il évalue les souffrances morales et physiques globalement endurées à 3 sur une échelle de 1 à 7 et n'exclut pas une possible aggravation de l'hépatite chronique par accentuation de la fibrose et le risque d'apparition d'une cirrhose ; que si Mme C...demande qu'il soit tenu compte d'une 4ème période d'incapacité temporaire partielle courant du 1er août 1996 au 22 mai 2001, elle n'en démontre pas la réalité en se bornant à soutenir qu'une telle période existe nécessairement avant la date de consolidation ; que si elle critique également la date de consolidation retenue, il résulte de l'instruction que son hépatite chronique s'est stabilisée, au moins temporairement, puisque l'activité du virus a été nulle depuis la biopsie du 22 mai 2001, ce que confirment les acti-tests du 28 décembre 2004 et du 16 décembre 2005 et la fibrose, qualifiée de minime à la date du 22 mai 2001, étant nulle lors des fibro-tests de décembre 2004 et 2005 ;
14. Considérant qu'il résulte cependant des pièces que Mme C...a versées au dossier que l'ARN du virus de l'hépatite C circulant est toujours détectable, comme en atteste un résultat d'analyse du 4 novembre 2013 ; que la persistance d'un symptôme résiduel lié à l'hépatite ressort de deux certificats médicaux du Professeur Blanc, responsable d'équipe médicale du département d'hépato-gastro-entérologie du CHRU de Montpellier, dont le premier, du 20 juin 2012, atteste que " Mme C...pose le problème d'une hépatite chronique virale C (...) à l'origine d'une asthénie gênant la malade dans son activité professionnelle. Mme C...est actuellement toujours traitée pour son hépatite chronique virale C " et dont le second, du 27 juillet 2012 ajoute que : " Outre l'infection chronique virale C, sur une ponction-biopsie de foie une granulomatose hépatique a été mise en évidence, imputée à une sarcoïdose. A l'heure actuelle, l'infection chronique virale C est toujours répliquante. Mme C...a une altération incontestable de son état psychique et organique. Il existe un état dépressif traité par Cymbalta, une irritabilité, une asthénie, rendant l'activité professionnelle extrêmement difficile " ; que ces deux certificats sont confirmés par un troisième certificat médical du 4 décembre 2013, établi par le docteur Christophorou, chef de clinique dans le service d'hépato-gastro-entérologie du Professeur Blanc qui confirme que Mme C...est suivie dans le service pour une infection chronique virale C classée F2 au fibroscan ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée a d'ailleurs été placée en congé de longue maladie durant 6 mois puis prolongée de 5 mois et 10 jours à compter du 12 mars 2012 ;
15. Considérant que, dans les circonstances ci-dessus décrites, il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures dans les conditions d'existence de MmeC..., incluant le préjudice spécifique de contamination, en évaluant leur réparation à la somme de 20 000 euros et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée ; que, toutefois, en cas d'aggravation de son état de santé, il lui sera alors loisible de solliciter, si elle s'y croit fondée, une indemnisation complémentaire ;
Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa version applicable au cas d'espèce : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MmeC..., partie perdante, le montant de la contribution pour l'aide juridique acquittée par l'ONIAM ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2012 est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme C...une somme totale de 20 000 euros.
Article 3 : Mme C...versera à l'ONIAM la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme A...C..., au centre hospitalier universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2015, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Firmin, président assesseur,
- MmeE..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 juillet 2015.
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N° 12MA02195