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13/07/2015 | FRANCE | N°13MA02280

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2015, 13MA02280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hydrogéotechnique Sud-Est a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler le marché conclu entre la région Languedoc-Roussillon et le groupement Ginger CEBTP/Fugro, pour des prestations d'études géotechniques dans le cadre du projet de mise en navigabilité du Lez et de création de Port-Marianne et d'autre part, de condamner la région Languedoc-Roussillon à lui verser la somme de 150 825 euros HT en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière.r>
Par un jugement n° 1103050 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Montpe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hydrogéotechnique Sud-Est a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler le marché conclu entre la région Languedoc-Roussillon et le groupement Ginger CEBTP/Fugro, pour des prestations d'études géotechniques dans le cadre du projet de mise en navigabilité du Lez et de création de Port-Marianne et d'autre part, de condamner la région Languedoc-Roussillon à lui verser la somme de 150 825 euros HT en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière.

Par un jugement n° 1103050 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2013, et des mémoires, enregistrés les 4 décembre 2014 et 14 avril 2015, la société Hydrogéotechnique Sud-Est, représentée par le cabinet Palmier et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 avril 2013 ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la région Languedoc-Roussillon une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur les conclusions tendant à ce que le tribunal enjoigne à la région de lui communiquer les documents relatifs aux caractéristiques et avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que la copie de l'acte d'engagement ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la violation du principe de transparence quant à l'information donnée aux candidats sur le critère de prise en compte de l'environnement ;

- le tribunal a retenu, à tort, un moyen qui manque en droit et qui n'est pas un moyen d'ordre public ;

- le tribunal a retenu un moyen qu'il a relevé d'office sans en avoir informé les parties ;

- elle n'a pas à apporter la démonstration que les vices auxquels les moyens soulevés se rapportent ont été susceptibles de la léser ;

- l'article 6 du code des marchés publics a été méconnu ;

- la circonstance que les essais de type Ménard soient réglementées par une norme n'est pas de nature à rendre régulière une telle exigence ;

- cette référence favorise nécessairement les entreprises disposant, en interne, du matériel nécessaire à la réalisation des essais, au détriment des candidats qui doivent se procurer le matériel nécessaire ;

- ont été méconnus l'article 53 du code des marchés publics et le principe de transparence s'agissant des sous-critères de notation des offres ;

- les critères de notation des offres, qui prennent en compte les capacités des candidats, sont irréguliers ;

- la région a bien violé le principe de transparence en n'indiquant pas aux candidats ses attentes en matière de protection de l'environnement ;

- l'article 52 du code des marchés publics a été méconnu du fait de l'attribution du marché à une entreprise ayant remis une candidature irrégulière ;

- à défaut pour la société Fugro d'avoir soit signé la rubrique H du formulaire DC1, soit transmis une déclaration sur l'honneur propre à cette société, la candidature du groupement attributaire était irrégulière ;

- le formulaire DC1 comporte la lettre de candidature, permettant d'identifier le candidat, et la déclaration sur l'honneur et l'habilitation du mandataire à représenter les membres du groupement ;

- les documents produits par la région ne démontrent pas la compétence des signataires de la candidature et de l'offre du groupement attributaire ;

- en tout état de cause, il n'est pas établi que lesdits documents figuraient dans le dossier de candidature des sociétés ;

- le marché d'un montant maximum de 550 000 euros HT ayant été passé en application d'une procédure formalisée, le recours à l'expérience des candidats au titre de l'analyse des offres était irrégulier ;

- les conditions d'analyse des offres sont irrégulières en violation de l'article 53 du code des marchés publics ;

- seule la société Ginger a transmis les documents prévus à l'article 46 du code des marchés publics ;

- l'article 46 du code des marchés publics a été méconnu.

Par des mémoires, enregistrés le 29 août 2014, le 15 janvier 2015 et le 21 mai 2015, la région Languedoc-Roussillon, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Hydrogéotechnique Sud-Est une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est régulier ;

- ont été communiqués tous les documents communicables ;

- les moyens soulevés quant à la légalité du marché ne sont pas fondés ;

- la référence à un matériel de type Ménard n'a pas pour effet de porter atteinte à la concurrence ;

- la lettre de candidature contient la déclaration sur l'honneur mentionnée à l'article 43 du code des marchés publics ;

- le formulaire NOTI2 est un document de synthèse qui peut être utilisé par le candidat pour justifier de la régularité de sa situation au regard de ses obligations fiscales et sociales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Hydrogéotechnique Sud-Est, et de MeA..., représentant la région Languedoc-Roussillon.

Une note en délibéré présentée pour la région Languedoc-Roussillon a été enregistrée le 1er juillet 2015.

1. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence publié les 18 et 19 janvier 2011 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne, la région Languedoc-Roussillon a lancé une consultation sous forme de procédure ouverte en vue de l'attribution d'un marché de prestations d'études géotechniques dans le cadre du projet de mise en navigabilité du Lez et de la création de Port-Marianne ; que par une lettre du 2 mai 2011, la société Hydrogéotechnique Sud-Est s'est vu notifier le rejet de son offre ; que le marché a été conclu entre la région Languedoc-Roussillon et le groupement Ginger CEBTP/Fugro le 14 avril 2011 ; que la société Hydrogéotechnique Sud-Est a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de ce marché et à la condamnation de la région Languedoc-Roussillon à lui verser la somme de 150 825 euros HT au titre du préjudice résultant de son éviction ; que par le jugement attaqué du 12 avril 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si les premiers juges ont considéré que la société Hydrogéotechnique Sud-Est n'établissait pas être lésée par l'imprécision du sous-critère " Prise en compte de l'environnement ", ils se sont bornés à écarter le moyen soulevé par la société tiré de ladite imprécision du sous-critère et n'ont pas soulevé un moyen d'office ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués, ont répondu au moyen tiré de la méconnaissance du principe de transparence quant à l'information donnée aux candidats sur le critère de la prise en compte de l'environnement au point 6 ; que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'il appartient au juge administratif de requérir des administrations compétentes la production de tous les documents nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis à la seule exception de ceux qui sont couverts par un secret garanti par la loi ; que le dossier soumis aux premiers juges, qui comportait notamment le rapport d'analyse des offres, la lettre de candidature du groupement attributaire, l'état annuel des certificats reçus de l'attributaire, le procès-verbal d'analyse des candidatures et la copie de l'acte d'engagement, permettait ainsi au tribunal administratif de statuer en toute connaissance de cause sur le litige qui lui était soumis ; que le tribunal administratif, qui dirige seul l'instruction, n'était pas tenu de répondre aux conclusions de la société requérante tendant à ce qu'il ordonne la production des documents précités ; que par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Sur la validité du marché :

5. Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que, saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer - le cas échéant, avec effet différé - la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

6. Considérant que s'il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente, le caractère opérant des moyens soulevés dans le cadre de la présente instance n'est, en revanche, pas subordonné à de telles conditions ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du IV de l'article 6 du code des marchés publics : " Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l'objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle et à la condition qu'elle soit accompagnée des termes : "ou équivalent" " ; qu'il y a lieu, pour l'application de ces dispositions, d'examiner si la spécification technique en cause a ou non pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques puis, dans l'hypothèse seulement d'une telle atteinte à la concurrence, si cette spécification est justifiée par l'objet du marché ou, si tel n'est pas le cas, si une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle ;

8. Considérant que selon l'article 5.3.1.4 du cahier des clauses techniques particulières, " Des essais pressiométriques type Ménard seront utilisés dans les forages destructifs selon la norme NF P 94-110-1 de janvier 2000 " ; qu'en exigeant la réalisation d'essais pressiométriques " de type Ménard " dans les forages, le pouvoir adjudicateur a fait référence à un procédé technique conforme à une norme française certifiée, et non à une marque de matériel déterminée ; qu'en outre, la région Languedoc-Roussillon fait valoir sans être contredite que l'essai pressiométrique est nécessairement de type Ménard dès lors qu'il n'existe qu'un seul type d'essai pressiométrique selon la norme française P 94-110-1 ; qu'ainsi, la société Hydrogéotechnique Sud-Est n'établit pas plus en appel qu'en première instance la méconnaissance de l'article 6-IV du code des marchés publics qu'elle invoque ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, (...) le délai de livraison ou d'exécution. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. II. - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. (...) Le pouvoir adjudicateur qui estime pouvoir démontrer que la pondération n'est pas possible notamment du fait de la complexité du marché, indique les critères par ordre décroissant d'importance. Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions et des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, que, dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ;

11. Considérant que l'article 8.2 du règlement de consultation précise que les critères retenus pour évaluer les offres sont la valeur technique appréciée au vu du mémoire technique (40 points), le prix (40 points) et les délais (20 points) et que l'appréciation de la valeur technique de l'offre est évaluée par application de sous-critères, pondérés, intitulés " Méthodologie et organisation de réalisation des prestations - Moyens matériels et humains affectés pour garantir la réalisation des prestations dans les délais - Modalités des contrôles - Prise en compte de l'environnement " ; que le règlement de consultation précise également que les pièces à fournir au titre de l'offre comprennent notamment un " mémoire technique précisant la façon dont le prestataire envisage de réaliser les prestations. A ce titre, il lui est demandé de fournir les informations suivantes : méthodologie et organisation de la réalisation des prestations ; moyens humains mis à disposition de l'opération, avec désignation d'un chef de projet. Les CV de l'ensemble des personnes seront fournis ; moyens matériels mis à disposition de l'opération ; méthodologie d'exécution des sondages et des rendus des études employées ; modalités des contrôles internes ; dispositions pour la prise en compte de l'environnement " ; que les sous-critères, hormis celui " Prise en compte de l'environnement " sont suffisamment explicités ; qu'en revanche, le pouvoir adjudicateur n'a pas précisé les conditions de mise en oeuvre du sous-critère " Prise en compte de l'environnement " ; qu'en l'absence de toute indication, le dossier de la consultation n'a pas permis d'assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; que par suite, la société Hydrogéotechnique Sud-Est est fondée à soutenir que les candidats n'ont pas reçu une information conforme aux dispositions précitées de l'article 53 du code des marchés publics ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur : " A l'appui des candidatures, il ne peut être exigé que : 1° Des renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat et des documents relatifs aux pouvoirs de la personne habilitée pour l'engager et, en ce qui concerne les marchés passés pour les besoins de la défense, à sa nationalité. Au titre de ces capacités professionnelles, peuvent figurer des renseignements sur le savoir-faire des candidats en matière de protection de l'environnement et sur le respect de l'obligation d'emploi mentionnée à l'article L. 323-1 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics : " (...) Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées (...) " ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : " (...) II. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, la personne publique se fonde sur divers critères variables selon l'objet du marché, notamment le coût d'utilisation, la valeur technique de l'offre, son caractère innovant, ses performances en matière de protection de l'environnement, ses performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le délai d'exécution, les qualités esthétiques et fonctionnelles, le service après-vente et l'assistance technique, la date et le délai de livraison, le prix des prestations. / D'autres critères peuvent être pris en compte, s'ils sont justifiés par l'objet du marché. / Si, compte tenu de l'objet du marché, la personne publique ne retient qu'un seul critère, ce critère doit être le prix " ; que, si elles imposent au pouvoir adjudicateur de vérifier les capacités des candidats au moment de l'examen des candidatures, ces dispositions ne lui interdisent pas, s'il est non discriminatoire et lié à l'objet du marché, de retenir un critère ou un sous-critère relatif aux moyens en personnel et en matériel affectés par le candidat à l'exécution des prestations du marché afin d'en garantir la qualité technique ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 53 que les critères qu'elles énumèrent, en vue de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, ne sont pas limitatifs ; que l'appréciation de la valeur technique de l'offre est évaluée par application de sous-critères dont celui relatif à la méthodologie et l'organisation de réalisation des prestations ; que ce sous-critère est distinct du contrôle des qualifications et des références professionnelles mentionné à l'article 45 précité qui est opéré dans le cadre de la sélection des candidatures portant sur les moyens des candidats et leur capacité à assurer les prestations du marché ; que la commission d'appel d'offres a relevé que, concernant l'appréciation de ce sous-critère pour le groupement attributaire, " La note méthodologique est très complète. Les procédures concernant les prélèvements des échantillons, les sondages et les essais sont décrites (sondage carotté, sondage destructif, sondages et essais pressiométriques, ...). De par ses références, le groupement a une très bonne connaissance du site. L'implantation des sondages et leur matérialisation est faite via un GPS. La méthode de forage est conforme à la norme NF P 94 110-1. L'échantillonnage est conforme à la norme XP P 94 202. Tous les essais sont conformes aux normes AFNOR. GINGER CEBTP et FUGRO sont agréés AGAP Qualité et ont le label Laboroute " ; qu'une telle appréciation n'a pas trait aux capacités professionnelles du groupement, mais est relative à la compétence et à la méthode utilisée par le groupement pour la réalisation des prestations ; qu'il s'ensuit que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que l'offre du groupement attributaire a été appréciée au regard de critères qui ne devaient être pris en compte qu'au stade de l'analyse des candidatures ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du I de l'article 52 du code des marchés publics : " Avant de procéder à l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours. (...)/ Les candidats qui ne peuvent soumissionner à un marché en application des dispositions de l'article 43 ou qui, le cas échéant après mise en oeuvre des dispositions du premier alinéa, produisent des dossiers de candidature ne comportant pas les pièces mentionnées aux articles 44 et 45 ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché. (...) " ; qu'aux termes de l'article 44 du même code : " I. - Le candidat produit à l'appui de sa candidature : 1° La copie du ou des jugements prononcés, s'il est en redressement judiciaire ; 2° Une déclaration sur l'honneur pour justifier qu'il n'entre dans aucun des cas mentionnés à l'article 43 ; 3° Les documents et renseignements demandés par le pouvoir adjudicateur dans les conditions fixées à l'article 45. " ;

15. Considérant d'une part, qu'il ressort de la lettre de candidature du groupement attributaire du marché en litige, présentée au moyen du formulaire DC 1, que ledit groupement est composé de la société Ginger CEBTP et de la société Fugro Géotechnique ; qu'il est constant que ces deux sociétés sont clairement identifiées comme membres du groupement et que leurs représentants ont apposé leur signature dans la rubrique E intitulée " identification des membres du groupement et répartition des prestations " ; que toutefois, seule la société Ginger CEBTP a signé la rubrique H intitulée " signature du candidat individuel ou de chaque membre du groupement " de ladite lettre de candidature alors que les deux sociétés membres du groupement devaient signer cette rubrique ; que si la lettre de candidature contient une déclaration sur l'honneur du candidat justifiant que ce dernier n'entre pas dans un cas l'interdisant de soumissionner prévu à l'article 43 du code des marchés publics, la société Fugro Géotechnique, qui n'a pas signé la lettre de candidature du groupement, doit être regardée comme n'ayant pas produit la déclaration sur l'honneur pourtant prescrite par le règlement de la consultation en son article 12.1.1 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Fugro Géotechnique a transmis une déclaration sur l'honneur qui lui est propre ; qu'ainsi, conformément aux dispositions de l'article 52 du code des marchés publics précité, l'absence de signature de la lettre de candidature par la société Fugro Géotechnique et l'absence de production, de sa part, de la déclaration sur l'honneur, rendent irrégulière la candidature du groupement attributaire ;

16. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 12.1.1 du règlement de la consultation : " Pièces à fournir au titre de la candidature : 1/ Les déclarations, certificats et attestations suivantes, prévues aux articles 43, 44 et 45 du code des marchés publics devront être fournis : - les pouvoirs de la personne habilitée à engager le candidat à hauteur de l'opération. (...) " ; qu'il ressort des pièces produites, qu'étaient joints au dossier de candidature du groupement attributaire du marché le pouvoir du directeur général de la société Ginger CEBTP autorisant M.C..., signataire de la lettre de candidature, " à passer et accepter, dans la limite du montant de 150 000 euros, tous marchés, devis et conventions " ; que si le montant du marché en litige était de 130 000 euros au minimum et 550 000 euros au maximum, il ressort du rapport d'analyse des offres que le prix proposé par le groupement attributaire pour la réalisation des prestations était de 137 260,16 euros ; qu'est également produit le pouvoir du directeur général de la société Fugro Géotechnique qui " donne plein pouvoir à Lilian Roche pour signer tous documents concernant le marché en litige " ; que par suite, le moyen tiré de l'absence de production des pouvoirs des personnes habilitées à engager les sociétés membres du groupement attributaire manque en fait ;

17. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 46 du code des marchés publics : " Le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché produit en outre : (...) 1° Les attestations prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 82227 et D.82228 du code du travail ; ces pièces sont à produire tous les six mois jusqu'à l'exécution du marché ; 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu'il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales(...) " ; qu'il résulte de l'instruction que les deux sociétés membres du groupement attributaire ont versé au dossier l'ensemble des documents requis à l'article 46 du code des marchés publics et notamment l'état annuel des certificats reçus (formulaire NOTI2) ;

18. Considérant, en dernier lieu, que la société Hydrogéotechnique Sud-Est ne critique pas les motifs retenus par les premiers juges pour écarter les moyens tirés de ce que l'offre du groupement Ginger CEBTP/Fugro devait être écartée comme inacceptable concernant le critère des délais et que la commission d'analyse des offres avait entaché l'analyse de son offre d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter lesdits moyens ;

Sur les conséquences à tirer de l'irrégularité relevée :

19. Considérant que les vices affectant la régularité de la procédure de passation du marché en litige ne sont pas régularisables et ont été susceptibles d'affecter le choix du cocontractant ; que toutefois, en l'absence de tout indice d'une volonté de la région Languedoc-Roussillon de favoriser tel ou tel candidat, ces vices ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifient l'annulation du contrat ; qu'il résulte de l'instruction que le contrat conclu avec le groupement Ginger CEBTP/Fugro a pris fin à ce jour ; qu'il n'y a donc pas lieu non plus d'en prononcer la résiliation ;

Sur la demande indemnitaire :

20. Considérant que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation ; que si tel est le cas, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

21. Considérant que l'offre de la société Hydrogéotechnique Sud-Est avait été classée deuxième par la région Languedoc-Roussillon et que le caractère irrégulier de la procédure de passation est directement à l'origine d'une perte de chance très sérieuse d'obtenir le marché ; qu'elle peut, par voie de conséquence, prétendre à être indemnisée de la totalité du manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges ; que ce manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ; qu'ainsi, contrairement à ce que demande la société appelante, le manque à gagner ne peut donc être égal à la totalité du montant de son offre ; qu'il ressort d'une attestation établie par un expert comptable que le taux de marge nette, non utilement contesté par la région, est évalué à 7,4 % ;

22. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. / Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou être conclu sans minimum ni maximum. (...) " ; que le manque à gagner de la société Hydrogéotechnique Sud-Est ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur la valeur minimale du marché ; que, dès lors, le manque à gagner doit être calculé sur la base de ce montant, soit, en l'espèce, 130 000 euros et non sur le montant de 139 594 euros correspondant au total général du bordereau de prix unitaire fourni par la société en réponse à l'appel d'offres et ne revêtant qu'un caractère estimatif ; qu'il y a donc lieu de retenir le taux de marge nette sur la perte de chiffre d'affaires, soit 7,4 % et de l'appliquer au montant de 130 000 euros correspondant au montant minimal du marché ; que le manque à gagner de la société Hydrogéotechnique Sud-Est s'établit donc à 9 620 euros ;

23. Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'éviction irrégulière de la société Hydrogéotechnique Sud-Est ait porté atteinte à la réputation ou à l'image de la société ; que, dès lors, la demande de la société tendant à la condamnation de la région à lui payer la somme de 10 000 euros à ce titre ne peut être accueillie ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Hydrogéotechnique Sud-Est, si elle n'est pas fondée à se plaindre du rejet de sa demande d'annulation du contrat, est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire ; que le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société Hydrogéotechnique Sud-Est, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Languedoc-Roussillon une somme de 2 000 euros à verser à la société Hydrogéotechnique Sud-Est en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 avril 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Hydrogéotechnique Sud-Est.

Article 2 : La région Languedoc-Roussillon est condamnée à payer à la société Hydrogéotechnique Sud-Est la somme de 9 620 (neuf mille six cent vingts) euros en indemnisation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.

Article 3 : La région Languedoc-Roussillon versera à la société Hydrogéotechnique Sud-Est une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Hydrogéotechnique Sud-Est est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la région Languedoc-Roussillon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hydrogéotechnique Sud-Est et à la région Languedoc-Roussillon.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2015, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Thiele, premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 juillet 2015.

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N° 13MA02280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02280
Date de la décision : 13/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-13;13ma02280 ?
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