Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé, dans le dernier état de ses écritures, au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat (ministère de la défense) à lui verser la somme totale de 174 133,71 euros au titre des dommages et intérêts correspondants à la perte de revenus sur la période de 1998 à 2004 et à la perte de revenus lors de sa retraite, ainsi que la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral, majorées des intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil à compter du 21 décembre 2009, date de la demande préalable.
Par un jugement n° 1201005 du 29 mars 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2013 et un mémoire enregistré le 19 février 2014, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 mars 2013 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 181 577,36 euros au titre de dommages et intérêts correspondants à la perte de revenus sur la période de 1998 à 2004 et à la perte de revenus lors de sa retraite, ainsi que la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral, majorées des intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil à compter du 21 décembre 2009, date de la demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le ministre a commis deux fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la première, résultant de ce que l'indemnité pour travaux insalubres, dangereux, pénibles et salissants, liée à l'exercice des fonctions, n'a pas été prise en compte dans le calcul de ses indemnités de congés payés entre 1998 et 2004, la seconde, de ce qu'elle est liée à l'absence de prise en compte de l'indemnité en cause dans le calcul du coefficient de revalorisation servant au calcul de sa pension de retraite ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2015, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que l'Etat n'a commis aucune faute ;
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice financier de M. A...pour un montant de 181 77,36 euros sont irrecevables en tant qu'elles sont supérieures à celles chiffrées en première instance et donc nouvelles en cause d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ;
- l'instruction n°30304/DEF/DPC/CRG/2 du 3 mars 1976 du ministre de la défense ;
- l'instruction n°301926/DEF/DFP/PER/3 du 18 juillet 2003 relative aux congés annuels et au paiement des jours fériés aux personnels ouvriers de l'État du ministère de la défense en service en métropole et dans les départements et territoires d'outre-mer, à l'exception des personnels à statut ouvrier mutés dans les départements et territoires d'outre-mer ou dans certains ports ou bases françaises en territoire étranger ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Baux,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., ancien ouvrier d'Etat, qui exerçait les fonctions de plongeur scaphandrier au sein de l'établissement des constructions navales de Toulon, a été admis à la retraite pour invalidité le 1er février 2004 à la suite d'une rechute d'un accident de service survenu le 5 juillet 1993 ; que, par un jugement devenu définitif en date du 17 novembre 2006, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre de la défense refusant d'inclure l'indemnité de travaux scaphandriers dans le calcul du montant de son indemnité de congés payés ; que, le 21 décembre 2009, M. A...a demandé au ministre de la défense de l'indemniser du préjudice subi du fait de la non prise en compte dans le calcul de son traitement, durant les périodes de congés, de l'indemnité de travaux insalubres ; que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 29 mars 2013 qui a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice financier qu'il estime avoir subi correspondant à la perte de revenus sur la période de 1998 à 2004 et à la perte de revenus lors de sa retraite, ainsi que du préjudice moral ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, devant le tribunal administratif, M. A...avait limité ses conclusions à la condamnation de l'Etat à lui allouer, dans le dernier état de ses écritures, une indemnité de 174 133,71 euros ; qu'il ne se prévaut en appel d'aucun chef de préjudice autre que ceux pour la réparation desquels cette somme avait été réclamée non plus que d'une aggravation du préjudice subi ; que les conclusions présentées par l'intéressé devant la cour administrative d'appel tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 181 577,36 euros constituent ainsi une demande nouvelle et ne sont, dès lors, pas recevables ;
Sur la responsabilité :
3. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 24 septembre 1965 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, alors en vigueur : " I. La pension est basée sur les émoluments annuels soumis à retenue afférents à l'emploi occupé effectivement depuis six mois au moins par l'intéressé au moment de sa radiation des contrôles ou, dans le cas contraire, sauf s'il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire, sur les émoluments annuels soumis à retenue afférents à l'emploi antérieurement occupé (...) / En ce qui concerne les intéressés rémunérés en fonction des salaires pratiqués dans l'industrie, les émoluments susvisés sont déterminés par la somme brute obtenue en multipliant par 1.960 le salaire horaire de référence correspondant à leur catégorie professionnelle au moment de la radiation des contrôles ou, dans le cas visé à l'alinéa précédent, à la catégorie professionnelle correspondant à l'emploi occupé. Ce produit est affecté d'un coefficient égal au rapport existant entre le salaire horaire résultant des gains et de la durée effective du travail pendant l'année expirant à la fin de la période dont il doit éventuellement être fait état et le salaire horaire de référence durant la même année " ; qu'aux termes de l'article 28 du même décret : " I. Les personnels visés à l'article 1er supportent une retenue de 8,9 %, calculée sur les émoluments représentés : (...) / b) Pour les intéressés rémunérés en fonction des salaires pratiqués dans l'industrie, par la somme brute obtenue en multipliant par 1.960 le salaire horaire moyen déterminé d'après le nombre d'heures de travail effectif dans l'année et les gains y afférents constitués par le salaire proprement dit et, éventuellement, la prime d'ancienneté, la prime de fonction, la prime de rendement ainsi que les heures supplémentaires, à l'exclusion de tout autre avantage, quelle qu'en soit la nature (...) " ;
4. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de l'instruction
n° 30304/DEF/DPC/CRG/2 du 3 mars 1976 du ministre de la défense : " (...) les indemnités prévues dans cette liste sont dues aux ouvriers effectuant les travaux correspondants, soit d'une façon occasionnelle ou intermittente, soit d'une façon continue " ; qu'aux termes de l'article 6 du même texte : " une indemnité ne peut être accordée que pour le temps où l'ouvrier a été effectivement soumis à la nuisance, au risque ou à la sujétion correspondante " ; qu'aux termes du point 2.1 intitulé " Montant de l'indemnité de congé " de l'instruction du 18 juillet 2003, n°301926/DEF/DFP/PER/3 relative aux congés annuels et au paiement des jours fériés aux personnels ouvriers de l'État du ministère de la défense en service en métropole et dans les départements et territoires d'outre-mer, à l'exception des personnels à statut ouvrier mutés dans les départements et territoires d'outre-mer ou dans certains ports ou bases françaises en territoire étranger : " En principe, l'ouvrier a droit pour chaque heure de congé payé à une rémunération égale à celle qu'il aurait perçue s'il avait été effectivement au travail. La prime de rendement continue d'être versée ; les indemnités diverses ne sont prises en compte dans le calcul de l'indemnité de congé que si elles sont attachées à l'exercice d'une profession déterminée (...) " ;
5. Considérant que les travaux sous-marins à l'aide d'un scaphandre doivent être considérés comme des travaux dangereux susceptibles de donner lieu au paiement d'une prime de plongée ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que cette prime, qui est liée à la nature de l'activité professionnelle exercée par l'intéressé, plongeur-scaphandrier de profession matriculaire, et non pas à ses modalités d'exercice, remplit les conditions pour être qualifiée de prime de fonction au sens des dispositions précitées de l'article 28 du décret du 24 septembre 1965 et supporte la retenue pour pension ; qu'il en résulte que le ministre de la défense ne pouvait sans commettre d'erreur de droit refuser à M. A...de prendre en compte l'indemnité en cause tant pour le calcul du montant de l'indemnité de congés payés qui donne lieu au versement de la rémunération que pour celui du coefficient de revalorisation servant au calcul de sa pension de retraite ; que dès lors, cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
En ce qui concerne le préjudice financier :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...revendique, en premier lieu, une indemnisation sur la base du préjudice qu'il a subi, du mois d'août 1998 jusqu'au
1er février 2004, date de son admission à la retraite pour invalidité, du fait de la différence entre le montant de ses indemnités de congés payés telles qu'elles lui ont été versées et dans le calcul desquelles le ministère de la défense a refusé de prendre en compte l'indemnité de travaux scaphandriers et, celles qu'il aurait du percevoir durant ces six années ; que le préjudice ainsi invoqué présente un caractère certain et que, compte tenu des calculs de l'appelant non sérieusement contestés par le ministre de la défense, il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à verser à M. A...la somme de 20 000 euros, tous intérêts confondus ;
7. Considérant que si l'indemnité allouée à la victime d'un dommage a pour objet de réparer l'intégralité du préjudice imputable à la personne responsable de ce dommage, elle ne saurait excéder, toutefois, le montant de ce préjudice ; que M. A...revendique, en second lieu, l'indemnisation du préjudice résultant de la minoration de sa pension de retraite, le ministère de la défense ayant, depuis la date de liquidation de sa pension, ainsi qu'il a été dit au point 5., illégalement refusé de prendre en compte dans le calcul de ladite pension, l'indemnité de travaux scaphandriers ; que ce préjudice invoqué au titre du manque à gagner sur sa pension de retraite présente un caractère certain ouvrant droit à indemnisation à compter de la date à laquelle elle a été sollicitée ; que compte tenu des calculs de M. A...non sérieusement contestés par le ministère de la défense, de l'ampleur de son préjudice et de son espérance de vie, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 90 000 euros, tous intérêts confondus ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
8. Considérant qu'il sera fait une juste réparation du préjudice moral subi par M. A...du fait de l'illégalité fautive dont il a été la victime en condamnant l'Etat à lui verser 5 000 euros à ce titre, tous intérêts confondus ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. A...en application des dispositions précitées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Toulon en date du 29 mars 2013 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser une indemnité à M. A...de 115 000 euros (cent quinze mille euros), tous intérêts confondus à la date du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à l'Etat (ministère de la défense).
Délibéré après l'audience du 23 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- MmeD..., première conseillère,
- Mme Baux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2015.
''
''
''
''
2
N° 13MA02128