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09/07/2015 | FRANCE | N°14MA00512

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2015, 14MA00512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1201392 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2014, et un mémoire enregistré le 5 juin 2015, non communiqué, M. A..., représenté par la SCP BBLM, agissant par MeC..., demand

e à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1201392 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2014, et un mémoire enregistré le 5 juin 2015, non communiqué, M. A..., représenté par la SCP BBLM, agissant par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 ;

2°) de lui accorder la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la plus-value en litige satisfait aux conditions du texte légal pour être exonérée dès lors que les termes " faire valoir ses droits à la retraite " renvoient nécessairement à la date à laquelle le droit est ouvert et, ayant été demandé par anticipation, acquis au bénéficiaire qui vient d'atteindre l'âge légal ;

- le bénéficiaire doit être considéré, à cette date, comme ayant " fait valoir " ses droits à la retraite ;

- les dispositions réglementaires du décret du 21 novembre 2006 sont entachées d'illégalité en ce qu'elles restreignent le champ d'application législatif du régime prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la nature du décret litigieux est un décret en Conseil d'Etat dont le texte a été soumis pour avis à la plus haute juridiction ;

- le requérant n'ayant pas respecté les conditions posées au c du 2° du l de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, il ne peut se prévaloir de l'exonération de la plus-value réalisée lors de la cession des titres détenus depuis plus de huit ans prévue en faveur des dirigeants de PME.

Par un mémoire distinct, enregistré le 3 juin 2015, le requérant demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 150-0 D ter du code général des impôts.

Il soutient que :

- la question prioritaire de constitutionnalité est applicable au litige ;

- la question porte sur une disposition qui n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

- l'article 150-0 D ter du code général des impôts méconnaît le principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques et l'article 34 de la Constitution en ce que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M.A....

1. Considérant que M. A...a déclaré au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2008 une plus-value d'un montant de 5 673 808 euros dans l'imprimé 2074 DIR de déclaration des plus ou moins-values de cessions de titres réalisées en 2008 par des dirigeants de petites et moyennes entreprises en vue de leur départ en retraite ; qu'ayant indiqué sur cet imprimé qu'il détenait ces titres depuis plus de huit ans, il a appliqué un abattement pour une durée de détention de 100 %, de sorte que le résultat, imposable à l'impôt sur le revenu, était réduit à 0 euros ; que, le 21 septembre 2010, le service des impôts des particuliers de Cavaillon lui a adressé une demande de renseignement fondée sur l'article L. 10 du livre des procédures fiscales sur les conditions dans lesquelles avaient été réalisées les cessions de titres placées sous le régime spécial prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts pour les dirigeants de PME partant à la retraite ; qu'au vu des éléments d'information apportés par le contribuable, l'administration fiscale a, par proposition de rectifications en date du 21 décembre 2008, remis en cause l'exonération de la plus-value réalisée le 28 novembre 2008 par M. A...lors de la cession de titres détenus dans la société par actions simplifiée Lisanydis ; que ces rectifications ont été confirmées par lettre 3926 du 28 février 2011 ; que M. A...interjette régulièrement appel du jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...). Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique (...) " ; qu'aux termes de l'article 150-0 D bis du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies. (...) " ; qu'aux termes de l'article 150-0 D ter du même code : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50% des droits de vote ou, en cas de seule détention de l'usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ; / 2° Le cédant doit : (...) / c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite, soit dans l'année suivant la cession, soit dans l'année précédant celle-ci si ces évènements sont postérieurs au 31 décembre 2005 ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts, applicable en l'espèce : " Pour l'application du c du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, la date à laquelle le cédant fait valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, s'il n'a été affilié auprès d'aucun régime obligatoire de base pour cette activité, dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité." ;

3. Considérant que le requérant soutient que le législateur a méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, dans la mesure où il n'a pas indiqué dans l'article 150-0 D ter du code général des impôts la définition juridique précise du vocable " faire valoir ses droits " et a renvoyé cette définition à un décret pris en Conseil d'Etat, en l'occurrence l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts, lequel est venu préciser que " faire valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis " et que l'administration a défini la date d'entrée en jouissance en pension par voie d'instruction administrative du 22 janvier 2007 5 C-1-07 n° 154 à 156 et du 7 avril 2009 5 C-2-09 n° 11 ; que toutefois la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

4. Considérant que le requérant soutient que le critère, retenu par l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts, d'entrée en jouissance de la pension aboutit à ce que des situations similaires soient traitées différemment, dès lors que, comme le relève l'administration elle-même dans ses instructions susmentionnées, l'entrée en jouissance de la pension intervient, pour le régime des salariés, le 1er jour du mois suivant le dépôt de la demande ou, si l'assuré en fait la demande, à une date ultérieure qui sera nécessairement le 1er jour d'un mois, et, pour le régime des professions libérales, le 1er jour du trimestre civil qui suit la demande de l'intéressé, cette différence de traitement n'étant pas justifiée ; que, par suite, le requérant soutient qu'en ne définissant pas l'évènement permettant de considérer que le contribuable a fait valoir ses droits à la retraire et en confiant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les conditions d'application du texte légal, le législateur aurait méconnu l'étendue la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution et le principe d'égalité devant les charges publiques ;

5. Considérant toutefois que la disposition en litige de l'article 150-0 D ter du code général des impôts n'a pas pour objet ou pour effet de porter atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ; que le requérant ne saurait utilement, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité qui porte sur la conformité ou non au principe à valeur constitutionnel d'égalité devant l'impôt et les charges publiques de dispositions législatives du code général des impôts, contester l'interprétation donnée par l'administration à ces dispositions ; que les dispositions de l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts ont un caractère réglementaire et, comme celles des instructions du 22 janvier 2007 5 C-1-07 n°154 à 156 et du 7 avril 2009 5 C-2-09 n°11, ne sont, par suite, pas au nombre des dispositions législatives visées par l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles ne sont, en conséquence, pas susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'enfin, si, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ", la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour M. A...;

Sur le bien fondé des impositions :

7. Considérant que pour remettre en cause l'exonération de la plus-value réalisée à la suite de la cession des titres de la société Lisanydis par M.A..., l'administration fiscale s'est fondée sur le non respect des conditions prévues à l'article 150-0 D ter du code général des impôts et la circonstance que M. A...avait fait valoir ses droits à la retraite au-delà du délai de douze mois, décompté de date à date, à partir de la date de cession des titres ; que la date à laquelle le cédant fait valoir ses droits à la retraite s'entend de la date d'entrée en jouissance des droits qu'il a acquis, soit pour le régime des salariés, le 1er jour du mois suivant le dépôt de la demande ou si l'assuré en fait la demande, à une date ultérieure qui sera nécessairement le 1er jour d'un mois ; qu'au cas particulier, M. A...né le 27 novembre 1949 ayant été salarié de la SAS Lisanydis jusqu'au 27 novembre 2009, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2009, soit au-delà du délai d'un an apprécié de date à date à compter de la date de cession des titres le 28 novembre 2008 ;

8. Considérant que M. A...fait valoir que l'administration se fonde sur l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts issu du décret n° 2006-1421 qui aurait restreint illégalement le champ d'application de la loi dont il devait fixer les conditions d'application et que la date d'ouverture de ses droits à la retraite au sens de la législation de la sécurité sociale intervenait le jour de son 60ème anniversaire, soit le 27 novembre 2009 ; que, toutefois, l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts n'a pas illégalement ajouté à l'article 150-0 D ter du code général des impôts en précisant que la date à laquelle le cédant fait valoir ses droits à la retraite s'entend du point de départ de la jouissance du droit à pension ; que, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, ces dispositions ne sont pas davantage contraires au principe d'égalité des contribuables devant les charges publiques du fait de la différence de traitement que connaîtraient des cédants non salariés et des cédants professionnels libéraux, dès lors que ces contribuables ne se trouvent pas dans la même situation ;

9. Considérant qu'il est constant que M.A..., né le 27 novembre 1949, qui a cédé le 28 novembre 2008 les 4 999 parts qu'il détenait de la SAS Lisanydis pour un montant net total de 5 596 799 euros, a déposé une demande de départ à la retraite le 18 août 2009 auprès de la CRAM Sud-Est et est entré en jouissance de son droit à pension le 1er décembre 2009 ; qu'ainsi, le délai d'un an à partir de la date de la cession se décomptant de date à date par période de douze mois, M. A...ne remplissait pas, à la date de la cession, la condition prévue par le c) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts et ne pouvait, dès lors, prétendre au bénéfice de l'abattement prévu par cet article sur le gain net retiré de cette cession ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquences, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour M. A...est rejetée.

Article 2 : La requête de M. A...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pourny, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Haïli, premier conseiller,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2015.

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N° 14MA00512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00512
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP H. BINISTI , B. BOUQUET, C. LASSALLE, F. MAUREL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-09;14ma00512 ?
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