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09/07/2015 | FRANCE | N°13MA00068

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 09 juillet 2015, 13MA00068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Par un jugement n° 0904422, 1002069 du 8 novembre 2012, le tribunal administratif de Nice a re

jeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée par téléco...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nice de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Par un jugement n° 0904422, 1002069 du 8 novembre 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée par télécopie le 8 janvier 2013 et régularisée par courrier le 9 janvier suivant et un mémoire enregistré le 19 juin 2015 par télécopie et régularisé par courrier le 22 juin suivant, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 novembre 2012 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique et une somme de 150 euros au titre de la contribution pour le financement du reclassement des anciens avoués ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires utilisée par le vérificateur est radicalement viciée ; la méthode " des achats " aurait pu être utilisée car l'administration n'a pas remis en cause la comptabilisation des achats et pouvait établir un coefficient de marge ; les résultats obtenus par l'administration sont incohérents et la fixation à 16 % du pourcentage entre les prestations de coloration et les prestations totales n'est pas vraisemblable ; ce ratio, très simpliste, n'est pas représentatif de l'activité diversifiée du salon de coiffure ; la période sur laquelle a été effectué le relevé des prestations n'est pas représentative de l'activité normale de son salon et ne tient pas compte des variations saisonnières d'activité, ni de l'absence d'une salariée ;

- à la méthode retenue par l'administration doit être substituée la méthode des " shampoings ", plus pertinente, qui est également utilisée par l'administration ; les recettes ainsi reconstituées s'élèvent à 114 991 euros en 2005 et 108 683 euros en 2006 ;

- l'application des pénalités de retard n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2013, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens sont irrecevables car dépourvues d'objet ;

- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur,

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., substituant Me B...du cabinet B...-Foata-Pagand, représentant M.A....

1. Considérant que M.A..., qui exploite à titre individuel un salon de coiffure dénommé " Artaban " à Nice, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que le vérificateur, après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que, par une proposition de rectification en date du 13 décembre 2007, des redressements ont été notifiés à M. A...en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur le revenu ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, dans sa séance du 9 octobre 2008, confirmé le bien fondé du rejet de la comptabilité et a émis un avis partiellement favorable au contribuable, s'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires, qui a été pris en compte par l'administration ; que des rappels de droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu, assortis des intérêts et de pénalités, ont été mis en recouvrement, respectivement les 8 juillet 2009 et 30 septembre 2009 ; que le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 8 novembre 2012, rejeté les deux demandes de M.A..., tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006 et d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que M. A...relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ; qu'en l'espèce, d'une part, il incombe à l'administration d'établir que la comptabilité de M. A...comportait de graves irrégularités et d'autre part, il incombe à l'intéressé de démontrer l'exagération des impositions qu'il conteste dès lors qu'elles ont été établies conformément à l'avis rendu le 9 octobre 2008 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

3. Considérant que M. A...était tenu en application des dispositions de l'article 54 du code général des impôts, de présenter à l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres et pièces de dépenses et de recettes de nature à justifier l'exactitude des résultats portés dans ses déclarations ; qu'il résulte de l'instruction que M. A...a présenté au vérificateur un document du type agenda mentionnant uniquement la totalisation en fin de journée des encaissements réalisés, sans produire le détail des recettes journalières et des prestations réalisées ; que cette défaillance comptable, en raison de sa gravité, autorisait l'administration à remettre en cause le caractère probant de la comptabilité de l'entreprise de M.A... ;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

4. Considérant que pour reconstituer les recettes de l'activité du salon de coiffure exploité par le requérant au titre des trois exercices contrôlés, le vérificateur a appliqué une méthode basée sur les colorations consistant à déterminer le rapport existant entre une coloration et le chiffre d'affaires global ; qu'il a ainsi comptabilisé sur une période de référence, allant du 21 septembre au 13 octobre 2007, l'ensemble des prestations réalisées dans le salon de coiffure et constaté que 66 colorations avaient été effectuées durant cette période, représentant un chiffre d'affaires de 1 180 euros pour un chiffre d'affaires total de 11 182 euros ; qu'il en a déduit qu'à chaque coloration correspond un chiffre d'affaires de 131,73 euros HT ; qu'au vu des pratiques observées du salon et des déclarations de M.A..., le vérificateur a retenu qu'un tube de 50 ml de produits colorants correspondait à une coloration, un tube de 70 ml à deux colorations et un tube Elumen à trois colorations ; qu'il a ensuite calculé les achats de colorants à partir des factures des fournisseurs et des stocks, sauf pour l'année 2004 où le stock initial n'a pas été produit, et a ainsi déterminé un nombre de colorations annuel dont il a défalqué un pourcentage de 5 % pour pertes et un nombre de 36 colorations correspondant à la consommation du personnel ; que le chiffre d'affaires reconstitué s'élève ainsi à 152 675 euros HT pour 2005 au lieu de 115 511 euros déclarés, et à 173 093 euros pour 2006 au lieu de 117 577 euros déclarés, aucun rehaussement n'ayant été retenu pour l'année 2004 ; qu'à la suite du recours hiérarchique effectué par l'intéressé en date du 31 mars 2008, par lequel celui-ci estimait que le nombre de colorations retenu était trop élevé, le service a admis de le réduire, en tenant compte des quantités préconisées par les fabricants, ces quantités étant en outre majorées ; que l'administration a ensuite suivi l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 9 octobre 2008, en portant le pourcentage de pertes à 7 % pour prendre en compte le fait que les produits colorants ne sont pas exclusivement affectés à la réalisation des colorations ;

5. Considérant, en premier lieu, que M. A...fait valoir que la méthode de reconstitution des recettes basée sur les prestations de colorations serait imprécise et aboutirait à des résultats incohérents qui ne représenteraient pas la réalité de son activité ; qu'il soutient notamment que la corrélation entre le nombre de colorations et le chiffre d'affaires global aboutit à un pourcentage de chiffre d'affaires " colorations " de 16 % qui serait beaucoup trop faible, un tel pourcentage devant plutôt s'élever à 44 % ; que toutefois, il résulte de l'instruction que la mise en oeuvre de produits colorants constitue une constante représentative de l'activité du requérant et que les éléments utilisés pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires ont été tirés de l'observation des méthodes de travail de l'intéressé, de ses propres déclarations et des données qu'il a fournies s'agissant des produits utilisés pour effectuer les colorations ; que par suite, le requérant ne démontre pas que le rapport relevé par le vérificateur entre le chiffre d'affaires tiré des colorations et le chiffre d'affaires global, qui découle des données propres à l'entreprise, serait incohérent ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le contribuable, le vérificateur n'était pas tenu de reconstituer les recettes à partir des achats réalisés en fonction des tarifs de l'ensemble des prestations réalisées ;

6. Considérant, en second lieu, que M. A...soutient que la période de référence retenue par le vérificateur, qui serait trop courte et ne tiendrait pas compte des importantes variations saisonnières de son activité dues à la situation de son salon de coiffure dans le quartier dit du " carré d'Or " à Nice, ne serait pas représentative de son activité ; que toutefois, l'intéressé n'apporte aucun élément précis permettant de démontrer que la période de référence en cause, d'environ trois semaines, durant les mois de septembre et d'octobre, ne serait pas représentative de l'activité moyenne de son établissement sur une année, dès lors qu'elle ne correspond ni à une période de forte activité comme les périodes de fêtes, ni à une période dite creuse ; que d'ailleurs, le tableau qu'il produit, recensant les recettes issues des prestations de coloration en 2009, fait apparaître que les mois de septembre et octobre sont des mois d'activité moyenne ; que la circonstance que l'employée-coloriste du requérant ait pris un jour de congé un samedi de la période de référence, jour de forte affluence, ne suffit pas pour enlever son caractère représentatif à ladite période de référence ; qu'il résulte de ce qui précède que la méthode de reconstitution utilisée par les services fiscaux, qui repose sur les données propres à l'entreprise relevées durant une période qui peut être regardée comme représentative de son activité, n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire ;

7. Considérant, en dernier lieu, que M. A...préconise l'utilisation d'une autre méthode fondée sur les shampooings consommés ; que, toutefois, le requérant ne démontre pas que l'utilisation d'une telle méthode, fondée sur les quantités de shampoing utilisées en fonction de la longueur des cheveux, serait plus précise et plus pertinente que la méthode utilisée en l'espèce par l'administration basée sur les prestations de coloration effectuées, ni qu'une telle méthode aboutirait à des résultats plus proches des réalités de son exploitation ; qu'en particulier, le requérant ne justifie pas du bien fondé du volume de shampoing utilisé par rapport aux usages constatés dans la profession ; que, dans ces conditions, la méthode proposée par M. A...ne peut pas être substituée à celle de l'administration ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...ne prouve pas le caractère exagéré de la reconstitution des recettes de son activité pour les deux exercices en litige ; qu'il ne justifie pas, par suite, de l'exagération des impositions correspondantes ;

Sur les pénalités

9. Considérant qu'il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application de la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, il résulte de l'instruction que M. A...a minoré son chiffre d'affaires de façon conséquente au cours de deux des trois années vérifiées et que ces minorations trouvaient leur origine dans des pratiques comptables irrégulières dont la gravité et le caractère répété peuvent être constatés sur tous les exercices, en particulier l'absence de détail des recettes journalières ; qu'ainsi l'administration établit, en l'espèce, l'existence d'une volonté délibérée de M. A...d'éluder l'impôt ; que dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit faire application de la majoration prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au remboursement d'une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique et d'une somme de 150 euros au titre de la contribution pour le financement du reclassement des anciens avoués :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le remboursement du droit de timbre de 35 euros que M. A...a dû acquitter au titre de la présente instance, ni en tout état de cause, le remboursement d'une somme de 150 euros au titre de la contribution pour le financement du reclassement des anciens avoués ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A...quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2015 où siégeaient :

- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,

- M. D...et Mme Chenal-Peter, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 9 juillet 2015.

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N° 13MA00068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00068
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CABINET BABLED - FOATA - PAGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-09;13ma00068 ?
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