Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Compagnie Rhodanienne a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet du Gard en date du 11 août 2011 en tant qu'il porte mise en demeure de déposer un dossier conforme aux dispositions des articles R. 512-2 à R. 512-9 du code de l'environnement.
Par un jugement n° 1103138 du 3 octobre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a annulé, dans cette mesure, l'arrêté du 11 août 2011.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2013 et le 27 février 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 octobre 2013 ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la SA Compagnie Rhodanienne.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait en considérant que l'activité de conditionnement de vin de la SA Compagnie Rhodanienne n'entrait pas dans le champ d'application de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement au titre de la rubrique 2251, tant à la date de l'arrêté préfectoral qu'à celle de la décision de la Cour, cette activité engendrant en outre une pollution par le rejet des effluents résultant des opérations de filtration ;
- la société ne peut prétendre au bénéfice de l'antériorité sur le fondement de l'article L. 513-1 du code de l'environnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 décembre 2014 et le 13 mars 2015, la SA Compagnie Rhodanienne, représentée par MeA..., de la Selarl A...Roy et Asssociés, conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 10 000 euros HT soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- l'arrêté préfectoral est à ce jour inapplicable dans la mesure où la réglementation en vigueur n'exige une autorisation qu'au dessus du seuil de 750 000 hectolitres par an.
Par courrier du 28 janvier 2015, les parties ont été informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable.
Par ordonnance du 11 mai 2015, la clôture de d'instruction avec effet immédiat a été prononcée.
Un mémoire présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a été enregistré le 28 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, modifiée notamment par la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 ;
- le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
- le décret n° 93-1412 du 29 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 7ème Chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SA Compagnie Rhodanienne.
1. Considérant que, par arrêté du 11 août 2011, le préfet du Gard a mis en demeure la SA Compagnie Rhodanienne, d'une part, de déposer un dossier conforme aux dispositions des articles R. 512-2 à R. 512-9 du code de l'environnement, et, d'autre part, de traiter ses effluents conformément aux dispositions de l'arrêté du 3 mai 2000 ; que, par jugement du 3 octobre 2013, le tribunal administratif de Nîmes, à la demande de la société, a annulé cet arrêté en tant qu'il porte mise en demeure de déposer un dossier conforme aux dispositions des articles R. 512-2 à R. 512-9 du code de l'environnement ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 de ce code : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat (...). Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation " ; que l'article L. 514-2 du même code dispose : " Lorsqu'une installation classée est exploitée sans avoir fait l'objet de la déclaration, de l'enregistrement ou de l'autorisation requis par le présent titre, le préfet met l'exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai déterminé en déposant, suivant le cas, une déclaration, une demande d'enregistrement ou une demande d'autorisation (...) " ; que la nomenclature annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction aujourd'hui applicable issue des décrets de 20 mars et 26 novembre 2012, prévoit dans sa rubrique 2251 que les établissements ayant pour activités la préparation ou le conditionnement de vins pour une capacité de production supérieure à 20 000 hectolitres par an sont soumis au régime de l'enregistrement ; que la rubrique 3642, relative au " traitement et transformation, à l'exclusion du seul conditionnement des matières premières ci-après, qu'elles aient été ou non préalablement transformées, en vue de la fabrication de produits alimentaires ou d'aliments pour animaux issus ", à laquelle renvoie la rubrique 2251, soumet les mêmes établissements au régime de l'autorisation pour une capacité de production, selon les calculs non contestés du ministre, supérieure à 750 000 hectolitres par an ; que, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige, la rubrique 2251 imposait une demande d'autorisation pour une capacité de production supérieure à 20 000 hectolitres par an ;
3. Considérant que la SA Compagnie Rhodanienne exerce depuis 1963 une activité de négociant en vin à Castillon-sur-Gard ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des propres écritures de la société, qu'à ce titre elle stocke du vin, qu'elle reçoit après achèvement de la vinification, et procède à une opération de filtration avant mise en bouteille ; qu'une telle activité doit être regardée comme constituant une opération de préparation et de conditionnement de vins, au sens de la rubrique 2251, laquelle n'exige nullement une opération de vinification ;
4. Considérant que si, pour contester cette analyse, la SA Compagnie Rhodanienne se prévaut de la circulaire du 14 juin 1994 relative à la rubrique 2251, au demeurant dépourvue de caractère réglementaire, celle-ci indique en tout état de cause que " Les établissements où s'inscrivent des activités de vinification (pressage, filtration...) et les opérations de soutirage ou de conditionnement y compris celles effectuées par les négociants sont concernés par cette rubrique. Le classement sera établi après évaluation de la capacité de cuverie installée, utilisée lors de la phase de vinification (capacité maximale de production annuelle) (...) " ; qu'ainsi relèvent de cette rubrique, d'une part, les établissements où s'inscrivent des activités de vinification, et, d'autre part, les opérations de soutirage ou de conditionnement y compris celles effectuées par les négociants ; que la mention relative à la capacité de cuverie utilisée lors de la phase de vinification ne peut s'entendre que comme visant les établissements pratiquant la vinification, la capacité de production des négociants, au sens des dispositions de la rubrique 2251, résultant seulement du volume de vin embouteillé en vue de sa vente, et non de la capacité de ses cuves de stockage ;
5. Considérant que, selon le rapport de l'inspection des installations classées du 28 juillet 2011, la capacité de production de la SA Compagnie Rhodanienne, telle que définie au point précédent, est de 180 000 hectolitres par an ; qu'en tout état de cause, la SA Compagnie Rhodanienne ne peut se prévaloir de ce que son activité ne porte pas atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle rejette des effluents dans le milieu naturel ; que, par suite et eu égard à ce qui a été dit précédemment, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la société n'entrait pas dans le champ d'application de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement au titre de la rubrique 2251 ;
6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par la SA Compagnie Rhodanienne ;
7. Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 513-1 du code de l'environnement, dont les dispositions sont issues de l'article 16 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement tel que modifié notamment par la loi du 4 janvier 1993 : " Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant la publication du décret (...). Les modalités de changement de classification des substances, mélanges ou produits, notamment celles tenant à la date d'entrée en vigueur de ce changement, les renseignements que l'exploitant doit transmettre au préfet ainsi que les mesures que celui-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 sont précisés par décret en Conseil d'Etat " ;
8. Considérant, d'autre part, que la rubrique 2251 a été créée par le décret du 29 décembre 1993 modifiant la nomenclature des installations classées, pris en application de la loi du 19 juillet 1976, selon sa rédaction encore en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral en litige ;
9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 35 du décret du 21 septembre 1977 applicable pendant le délai d'un an à compter du 30 décembre 1993, l'exploitant d'une installation existante souhaitant bénéficier des droits d'antériorité " doit fournir au préfet les indications suivantes : 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms et domicile ; s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique et l'adresse de son siège social, ainsi que la qualité du signataire de la déclaration ; 2° L'emplacement de l'installation ; 3° La nature et le volume des activités exercées ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles l'installation doit être rangée " ;
10. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 513-1 du code de l'environnement qu'il appartenait à la SA Compagnie Rhodanienne, à peine de déchéance, de se faire connaître du préfet, dans les formes prescrites par l'article 35 du décret du 21 septembre 1976, dans le délai d'un an à compter de la publication du décret du 29 décembre 1993 instituant la rubrique 2251 ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle exerçait son activité de négoce de de conditionnement du vin depuis trente ans en 1993 et qu'il " est évident " que " son existence n'avait pas pu échapper au représentant de l'Etat ", la SA Compagnie Rhodanienne n'établit pas que tel soit le cas ; que, dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir d'une situation juridiquement constituée la dispensant de se soumettre aux exigences de la rubrique 2251 ; que, par suite, le moyen tiré du bénéfice de l'antériorité ne peut être accueilli ;
11. Considérant, en second lieu, que, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 511-1 et L. 514-2 du code de l'environnement, le préfet peut mettre en demeure les exploitants de régulariser leur situation dans un délai déterminé en déposant une demande d'autorisation ; que cependant, saisi d'un recours de plein contentieux contre un arrêté préfectoral ayant cet objet, le juge administratif peut être amené à constater que la mesure prescrite, qui était légalement justifiée lorsqu'elle a été prise, n'est plus nécessaire à la date où il statue ; qu'il doit alors, non pas annuler l'arrêté attaqué, car une telle annulation revêt un caractère rétroactif, mais seulement l'abroger pour l'avenir ;
12. Considérant que les dispositions des articles R. 512-2 à R. 512-9 du code de l'environnement, auxquelles le préfet met en demeure la SA Compagnie Rhodanienne de se conformer, sont relatives aux installations soumises à autorisation, et en particulier à la procédure d'instruction de la demande d'autorisation ; que la SA Compagnie Rhodanienne soutient que l'arrêté en litige de mise en demeure n'est plus applicable dans la mesure où, du fait de la modification de la rubrique 2251, son activité n'est plus soumise au régime de l'autorisation ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 5 que l'activité de la SA Compagnie Rhodanienne est aujourd'hui soumise au régime de l'enregistrement ; que, dès lors, l'arrêté du 11 août 2011, en tant qu'il porte mise en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation, qui était légalement justifié à la date de son édiction, ne l'est plus à la date à laquelle la Cour statue ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du préfet du Gard en date du 11 août 2011 en tant qu'il porte mise en demeure de déposer un dossier conforme aux dispositions des articles R. 512-2 à R. 512-9 du code de l'environnement ; que, par suite, le jugement doit être annulé et l'arrêté préfectoral du 11 août 2011 doit, dans cette mesure, être abrogé ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que la SA Compagnie Rhodanienne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 octobre 2013 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Gard en date du 11 août 2011 est abrogé en tant qu'il porte mise en demeure de déposer un dossier conforme aux dispositions des articles R. 512-2 à R. 512-9 du code de l'environnement.
Article 3 : Les conclusions de la SA Compagnie Rhodanienne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la SA Compagnie Rhodanienne.
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N° 13MA04675 2
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