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06/07/2015 | FRANCE | N°12MA02109

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 06 juillet 2015, 12MA02109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du bassin de Thau a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Inova, la société Berim et M. E...B...à lui payer la somme de 311 654,67 euros hors taxes en réparation de désordres affectant l'usine d'incinération des ordures ménagères de Sète, et de mettre à leur charge solidaire la somme de 20 800 euros au titre des dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.>
Par un jugement n° 1101748 du 23 mars 2012, le tribunal administratif de Montpe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du bassin de Thau a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Inova, la société Berim et M. E...B...à lui payer la somme de 311 654,67 euros hors taxes en réparation de désordres affectant l'usine d'incinération des ordures ménagères de Sète, et de mettre à leur charge solidaire la somme de 20 800 euros au titre des dépens ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1101748 du 23 mars 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mai 2012 et le 5 janvier 2015, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, représentée par la SCP Charrel et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) puis, à titre principal, de condamner solidairement la société Inova, la société Berim et M. E...B..., " au besoin, selon la proposition de partage de responsabilités faite par l'expert ", à lui payer la somme de 311 654,67 euros hors taxes au titre de la garantie de parfait achèvement ;

3°) ou, à titre subsidiaire, de les condamner, au besoin, suivant le même partage de responsabilités, à lui payer la même somme au titre de la garantie décennale ;

4°) en tout état de cause, de condamner les parties défenderesses à lui rembourser la somme de 20 800,80 euros au titre des dépens de l'instance et la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la responsabilité contractuelle de la société Berim et de M. B...ne pouvait être engagée ;

- c'est à tort qu'ils ont écarté la garantie de parfait achèvement qui a été prolongée conformément aux stipulations de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux et de l'article 9.3.1 du cahier des clauses administratives particulières ;

- au mécanisme général de prolongation de la garantie de parfait achèvement prévu par l'article 44 du cahier des clauses administratives générales s'ajoute un mécanisme de prolongation, sans décision expresse, limité aux travaux ayant fait l'objet de réserves " ou s'étant révélé pendant le délai de garantie " ;

- subsidiairement, c'est à tort que les premiers juges ont écarté l'application de la garantie décennale, dès lors que, si les désordres - qui sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage - étaient apparents au moment de la réception, leur gravité et leur ampleur ne se sont révélés qu'ultérieurement ;

- M.B..., qui devait établir la demande de permis de construire, était bien chargé d'une mission de conception ;

- les parties défenderesses doivent être condamnées, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui payer la somme de 311 654,67 euros hors taxes, " au besoin selon la proposition de partage de responsabilité faite par l'expert ", soit 30 % à la charge de M. B..., 40 % à la charge de la société Berim, 20 % à la charge de la société Inova et 10 % à la charge de la société TMIS ;

- c'est à tort que l'expert a chiffré son préjudice à 117 999,16 euros, au lieu de l'évaluer à 311 654,67 euros hors taxes.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 janvier 2013 et le 26 janvier 2015, la société par actions simplifiée Inova, représentée par la SELAS Endrös, Baum Associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes présentées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Berim et M. B...à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;

3°) à titre plus subsidiaire, si elle devait être déclarée responsable des désordres, de limiter le montant de condamnation à 117 999,16 euros, de rejeter la demande de modification du partage de responsabilité présentée par la société Berim et de dire que sa part de responsabilité ne saurait excéder 20 % du total, soit 23 599,83 euros ;

4°) en tout état de cause, de rejeter les conclusions de la communauté d'agglomération au titre des frais irrépétibles et des dépens de l'instance, de rejeter les demandes de garanties présentées par la société Berim et M. B...tant à son égard qu'à l'encontre de la société Hitachi, et de condamner solidairement les parties succombantes à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens de l'instance incluant les frais d'expertise.

La société Inova soutient que :

- la demande de la communauté d'agglomération fondée sur la garantie de parfait achèvement est irrecevable pour cause de prescription ;

- l'action en responsabilité décennale est infondée ;

- elle doit être garantie par le maître d'oeuvre et l'architecte, seuls responsables du sinistre ;

- subsidiairement, le partage des responsabilités proposé par l'expert doit être entériné ;

- le montant du préjudice proposé par l'expert doit être retenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2014, la société anonyme Berim, représentée par la SCP Cascio, Ortal, Dommée, Marc, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement et au rejet des conclusions et demandes de la communauté d'agglomération.

Elle demande à la cour, à titre subsidiaire :

1°) de limiter le montant de la condamnation à 117 999,16 euros ;

2°) de " dire et juger que les parties défenderesses seront condamnées à verser ladite somme, ainsi que les frais d'expertise, selon les pourcentages suivants : - MonsieurB... : 30 % / - BET Berim : 20 % / - Inova : 30 % / TMIS : 20 % " ;

3°) de mettre à la charge de toutes parties défaillantes la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Berim soutient que :

- l'action tendant à la mise en jeu de la garantie de parfait achèvement et de parfait fonctionnement était prescrite ;

- les dommages, apparents à la date de la réception, ne sont pas de nature décennale ;

- le préjudice devrait être limité à 117 999,16 euros comme l'a proposé l'expert ;

- l'analyse des responsabilités respectives " reste soumise à contestation ", sa part de responsabilité ne pouvant excéder 20 % et celle de la société TMIS devant être relevée à 20 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2014, M.B..., représenté par la SCP Levy, Balzarini, Sagnes, Serre, conclut, à titre principal, au rejet de la requête.

Il conclut, à titre subsidiaire :

1°) au rejet des demandes de garanties présentées par les sociétés Inova, Hitachi et Berim et dirigées contre lui ;

2°) à la condamnation des sociétés Inova, Hitachi, TMIS et Berim à le relever et garantir intégralement de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) à la limitation du préjudice indemnisé au montant de 117 999,16 euros ;

Il demande enfin à la cour de mettre à la charge des parties succombantes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'action tendant à la mise en jeu de la garantie de parfait achèvement était prescrite ;

- en sa qualité d'architecte, il ne peut être tenu à cette garantie ;

- les dommages, apparents à la date de la réception, ne sont pas de nature décennale ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut être mise en cause dès lors qu'il n'a jamais été en charge de la conception technique de l'ouvrage, dévolue aux sociétés Inova et Berim ;

- il doit être relevé et garanti intégralement par les sociétés Inova, Hitachi, Berim et TMIS ;

- le préjudice devrait être limité à 117 999,16 euros comme l'a proposé l'expert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2015, la société à responsabilité limitée TMIS, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel ;

2°) subsidiairement, de rejeter toute demande présentée à son encontre ;

3°) plus subsidiairement, de limiter toute condamnation au montant évalué par l'expert, soit 117 999,16 euros et, si la cour estimait devoir retenir une part de responsabilité à sa charge, de la limiter à une portion symbolique et de rejeter tout appel en garantie ;

4°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société TMIS soutient que :

- la demande du BET Berim tendant à ce que soit mise à sa charge 20 % d'une éventuelle condamnation est irrecevable, une telle demande ne pouvant être présentée au nom et pour le compte de l'appelante ;

- sa mise en cause par la société Inova France le 22 septembre 2008 est tardive, dès lors que le délai d'invocation la garantie de parfait achèvement est de deux ans et que les désordres visés au présent litige avaient été identifiés lors de la réception du 27 juillet 2006 par des réserves expresses relatives à la " corrosion de la charpente et des équipements " ;

- les désordres ne sont pas de la nature de ceux couverts par la garantie de bon fonctionnement, dont la mise en oeuvre était en tout état de cause tardive ;

- la garantie décennale ne peut être invoquée dès lors que les désordres étaient clairement mentionnés dans les réserves faites au moment de la réception ;

- l'oxydation constatée ne pouvait qu'alerter l'appelante sur l'évolution inéluctable des désordres ;

- l'appréciation de l'expert la mettant en cause a seulement été faite au stade du rapport final et n'a pas été débattue contradictoirement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thiele,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la communauté d'agglomération du Bassin de Thau, de Me F...pour la société Inova, et de Me A...pour la société TMIS.

Une note en délibéré présentée pour la communauté d'agglomération du Bassin de Thau a été enregistrée le 25 juin 2015.

1. Considérant que, souhaitant faire effectuer des travaux de modernisation de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Sète, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Mer et des Etangs, aux droits duquel vient la communauté d'agglomération du Bassin de Thau, a conclu, le 23 mai 2000, un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société Berim puis, le 30 juillet 2001, un marché public de travaux avec un groupement dont le mandataire était la société Inova ; que, le 27 octobre 2004, ce syndicat a conclu un contrat " pour l'assistance architecturale " avec M.B..., architecte, chargé d'assister le maître d'oeuvre pendant la phase préliminaire d'études et la constitution du dossier de demande de permis de construire ; que, le 1er septembre 2008, la communauté d'agglomération, qui a constaté la corrosion de certaines parties d'ouvrage, a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande de référé-expertise ; que l'expert a déposé son rapport le 23 juillet 2010 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la communauté d'agglomération tendant à la condamnation, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou, subsidiairement, de la garantie décennale, de la société Inova France, de la société Berim, de M. B...et de la société TMIS à lui payer la somme de 311 654,67 euros hors taxes, outre les frais et honoraires d'expertise ; que le tribunal administratif a en effet considéré, d'une part, que la garantie de parfait achèvement - qui ne pouvait s'appliquer qu'aux entrepreneurs, à l'exclusion donc de la société Berim et de M. B... - avait été invoquée après l'expiration du délai d'un an prévu par l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; qu'il a considéré, d'autre part, que la communauté d'agglomération ne pouvait se prévaloir de la garantie décennale des constructeurs, dès lors que les désordres litigieux avaient été constatés au moment de la réception et avaient fait l'objet de réserves ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité de la société Berim :

2. Considérant que, dans la mesure où elle ne donne pas lieu à l'émission de réserves, la réception des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que cette réception ne fait toutefois pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre soit recherchée à raison des manquements à son obligation de conseil du maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux ;

3. Considérant que, lors de la réception des ouvrages, le maître d'oeuvre s'est borné à émettre des réserves relatives au changement des vannes rouillées et matériels et à la remise en état des diverses parties rouillées du garde-corps et des charpentes ; que ces réserves n'avaient pas pour objet de remédier au vice de conception imputé à la société Berim - lequel vice concerne le dimensionnement de la ventilation - mais seulement de remettre en état certains éléments de construction affectés par la corrosion, sans que la source de ces désordres ait été décelée ;

4. Considérant, en outre, que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre au moment de la réception des travaux A...sur la conformité des travaux au projet tel qu'il est défini par les stipulations contractuelles ; que sa responsabilité à ce titre ne peut être mise en jeu pour n'avoir pas émis de réserve sur le vice affectant la conception même de l'ouvrage ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité contractuelle de la société Berim ne peut être engagée ; qu'il y a donc lieu de statuer sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à l'engagement de sa responsabilité décennale ;

6. Considérant qu'en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-5 du code civil, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

7. Considérant qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise, en page 76, que " [bien que Monsieur B...soit] le concepteur, de fait [et] qu'il s'agisse d'un homme de l'art, il n'[était] pas le plus compétent pour dimensionner la ventilation " et " devait s'appuyer sur le bureau d'études techniques Berim, maître d'oeuvre " ; que les erreurs de dimensionnement de la ventilation se sont traduits par une sur-ventilation et une condensation qui ont entraîné une corrosion de l'ouvrage, et notamment de sa charpente métallique ; que le vice affectant la ventilation n'était pas apparent à la date de la réception de l'ouvrage, même si ses premières manifestations ont pu être constatées à ce moment ; que, de ce fait, les désordres ne pouvaient être connus dans leur étendue ; que ce vice est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ; qu'il est donc de nature à engager la responsabilité décennale de la société Berim ;

En ce qui concerne la responsabilité de M.B... :

8. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que si la mission confiée à M. B..., architecte, était une mission d' " assistance au maître d'ouvrage " qui n'avait pas pour objet la conception technique de l'ouvrage, celui-ci a en réalité été le " concepteur de fait " du dispositif de ventilation ; que, dès lors, il doit être regardé comme ayant participé à la mission de maîtrise d'oeuvre et à l'acte de construire ; que sa responsabilité doit donc être engagée dans les mêmes conditions que celle de la société Berim ;

9. Considérant que, pour les raisons exposées aux points 2 à 4, la responsabilité contractuelle de M. B...ne peut être engagée ; qu'il y a donc lieu de statuer sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à l'engagement de sa responsabilité décennale ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, le vice relatif à la conception de la ventilation est de nature à engager la responsabilité décennale des participants à l'acte de construire, en particulier de M.B... ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, M. B...a été le concepteur de fait du dispositif de ventilation ; qu'en sa qualité d'homme de l'art ayant contribué à la conception de l'ouvrage, il ne peut s'exonérer de sa responsabilité en se prévalant du fait qu'il avait seulement une mission d'assistance architecturale et réalisait ses dessins à partir des prescriptions techniques des sociétés Berim et Inova ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Inova :

11. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 41 et 44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, dans sa version applicable approuvée par le décret du 21 janvier 1976, la réception des travaux, même lorsqu'elle est prononcée avec réserves, fait courir un délai de garantie qui est en principe d'un an ou de six mois, selon que le marché concerne ou non des travaux autres que d'entretien ou des terrassements, et pendant lequel l'entrepreneur est tenu à l'obligation dite " de parfait achèvement ", ce délai n'étant susceptible d'être prolongé que par une décision explicite du maître de l'ouvrage ; que, alors même que ces articles prévoient que, lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes, à défaut d'autre délai fixé par le responsable du marché, trois mois avant l'expiration du délai de garantie, ces dispositions ne peuvent conduire à assimiler l'absence de décision de prolongation du délai prise par le responsable du marché à une levée implicite des réserves dont la réception a été assortie ; qu'ainsi, les relations contractuelles entre le responsable du marché et l'entrepreneur se poursuivent non seulement pendant le délai de garantie, mais encore jusqu'à ce qu'aient été expressément levées les réserves exprimées lors de la réception ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les réserves émises lors des opérations préalables à la réception de l'ouvrage ne concernaient pas le vice de conception lui-même, mais seulement ses manifestations ; que ces réserves n'ont donc pu avoir pour effet de prolonger les relations contractuelles ; que le maître d'ouvrage, qui n'a pas décidé de prolonger le délai de la garantie de parfait achèvement, ne peut donc invoquer la responsabilité contractuelle de la société Inova ;

13. Considérant qu'il y a donc lieu de statuer sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à l'engagement de sa responsabilité décennale ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, le vice relatif à la conception de la ventilation est de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs, et notamment de la société Inova ;

14. Considérant qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise, en page 76, que " même si l'entreprise (...) Inova devait réglementairement s'en tenir aux prescriptions, s'agissant d'un spécialiste reconnu qui avait une obligation de résultat, elle aurait dû faire valoir son devoir de conseil et remettre en doute les prescriptions largement inadaptées " ; qu'en se bornant à soutenir que les contraintes architecturales s'imposaient à elle, la société Inova ne conteste pas le manquement ainsi relevé qui concerne seulement son devoir de conseil ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'était pas dans l'impossibilité d'exercer ce devoir de conseil, qui pouvait l'être après l'attribution du marché ; que, si un courrier du 14 mai 2008 de la société Berim fait état d'une note de calcul établie par la société Inova et portant sur " les surfaces de ventilation nécessaires ", évaluées à 30 m2 au lieu des 160 m2 prévues par le projet architectural, il ne résulte pas de l'instruction que cette note aurait eu pour objet d'attirer l'attention du maître d'oeuvre sur les éventuels désordres susceptibles de résulter de la surventilation ;

En ce qui concerne le caractère solidaire de la responsabilité :

15. Considérant que les désordres en cause résultant d'un vice qui est imputable à la fois à la société Berim, à M. B...et à la société Inova, la responsabilité décennale de ces trois constructeurs doit être engagée solidairement ;

En ce qui concerne le montant du préjudice :

16. Considérant, d'une part, que, dans son rapport, l'expert a chiffré à 116 999,16 euros (74 820 euros + 8 579,16 euros + 5 000 euros + 28 600 euros) le montant du préjudice total subi par la communauté d'agglomération - et non, comme il a été indiqué au prix d'une simple erreur de calcul qu'il y a lieu de corriger, 117 999,16 euros ;

17. Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à produire des devis portant sur la remise en état ou le remplacement des éléments de construction ou des installations, ainsi que les estimations du cabinet Merlin qu'elle a mandaté, la communauté d'agglomération - qui s'abstient, à l'exception d'une seule facture d'un montant de 3 812,60 euros émanant de la société Siemens, de faire état des dépenses réellement exposées pour remédier à ces désordres, alors qu'elle ne soutient pas ne pas avoir été en mesure de faire procéder aux travaux de reprise - n'apporte pas de contestation utile de l'estimation faite par l'expert ; que la communauté d'agglomération n'établit ni que le coût des travaux de reprise s'établirait à 181 032,01 euros, ainsi que l'a évalué le cabinet Merlin à sa demande, au lieu des 116 999,16 euros retenus par l'expert, ni que les autres travaux qu'elle mentionne auraient été rendus nécessaires par les désordres litigieux ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du bassin de Thau est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté en totalité sa demande ; qu'elle est fondée à demander la condamnation solidaire de la société Berim, de M. B...et de la société Inova à lui payer la somme de 116 999,16 euros ;

En ce qui concerne les dépens :

19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, d'un montant de 20 800 euros toutes taxes comprises, à la charge solidaire de la société Berim, de M. B... et de la société Inova, parties perdantes dans la présente instance, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne les appels en garantie présentés par M.B..., la société Berim et la société Inova :

20. Considérant que M. B...demande à être garanti des condamnations prononcées à son encontre par les sociétés Berim, Inova et TMIS ; que la société Inova demande à être garantie de ces condamnations par la société Berim et par M.B... ; que la société Berim, qui demande à la cour de " dire et juger que les parties défenderesses seront condamnées à verser ladite somme, ainsi que les frais d'expertise, selon les pourcentages suivants : - MonsieurB... : 30 % / - BET Berim : 20 % / - Inova : 30 % / TMIS : 20 % ", doit, eu égard à la teneur de son argumentaire, être regardée comme demandant à être garantie par ces personnes ; que ces conclusions, que la société Berim présente en son nom propre et non au nom de la communauté d'agglomération appelante, sont recevables ; que l'action de M. B...et de la société Berim à l'encontre de la société TMIS, à laquelle ils ne sont pas liés par contrat, est présentée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et n'est donc pas soumise au délai de deux ans de la garantie de parfait achèvement ;

21. Considérant, d'une part, que la société Berim, de M. B...et de la société Inova ont commis les fautes décrites aux points 7, 10 et 14 ;

22. Considérant, d'autre part, que l'expert indique, dans son rapport (en page 76) que " bien que cela soit tacitement admis par les acteurs précités, le charpentier, la société TMIS, au vu de l'environnement de l'incinérateur, [elle] aurait dû proposer et conseiller le choix d'un acier de classe I pour la galvanisation (10 %) cela n'est pas à l'origine du problème mais a constitué un facteur aggravant " (rapport d'expertise, page 76) ; que, toutefois, cette observation de l'expert, faite pour la première fois au stade du rapport définitif, n'a pas été discutée contradictoirement ; qu'il ne peut donc en être tenu compte qu'à titre d'élément d'information ; qu'il est constant que les matériaux utilisés par la société TMIS étaient conformes à ce qui était demandé ; que, si la ventilation avait été correctement conçue, rien ne permet de supposer que la charpente aurait été exposée à un risque de corrosion ; qu'il ne peut être fait grief à la société TMIS de n'avoir pas proposé un autre type d'acier pour la galvanisation ;

23. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Hitachi ou la société Antea auraient commis une faute de nature à engager leur responsabilité ;

24. Considérant que, compte tenu des fautes respectives de M.B..., de la société Berim et de la société Inova, de fixer à 35 %, 45 % et 20 % leurs parts de responsabilité respectives ;

25. Considérant, par suite, qu'il y a lieu de condamner M. B...à garantir les sociétés Berim et Inova à hauteur de 35 % des sommes qui pourraient leur être demandées en exécution de la condamnation solidaire prononcée au vu des motifs exposés ci-dessus ; qu'il y a lieu de condamner la société Berim à garantir M. B...et la société Inova à hauteur de 45 % de telles sommes ; qu'il y a lieu de condamner la société Inova à garantir M. B...et la société Berim à hauteur de 20 % de telles sommes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, qui n'est pas la partie tenue aux dépens dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de la société Berim, de M. B... et de la société Inova une somme de 2 000 euros à verser à la communauté d'agglomération en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a par ailleurs lieu de mettre à la charge de la société Berim et de M. B...deux sommes de 750 euros à verser à la société TMIS ; que, dans ces circonstances, il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux autres demandes ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1101748 du 23 mars 2012 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La société Berim, M. B...et la société Inova sont condamnés in solidum à payer à la communauté d'agglomération du bassin de Thau une somme de 116 999,16 euros (cent seize mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf euros et seize centimes) en réparation des préjudices causés à celle-ci.

Article 3 : La société Berim, M. B...et la société Inova sont tenus in solidum au versement d'une somme de 20 800 euros (vingt mille huit cents euros) à la communauté d'agglomération du bassin de Thau en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. B...garantira les sociétés Berim et Inova à hauteur de 35 % du montant des sommes qui leur seront demandées en exécution des articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 5 : La société Berim garantira M. B...et la société Inova à hauteur de 45 % du montant des sommes qui leur seront demandées en exécution des articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 6 : La société Inova garantira M. B...et la société Berim à hauteur de 20 % du montant des sommes qui leur seront demandées en exécution des articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 7 : La société Berim, M. B...et la société Inova sont tenus in solidum au versement d'une somme de 2 000 euros (deux mille euros) à la communauté d'agglomération du bassin de Thau en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : M. B...et la société Berim verseront chacun à la société TMIS une somme de 750 (sept cent cinquante) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des différentes parties à l'instance est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du bassin de Thau, à la société anonyme Berim, à la société par actions simplifiées Inova, à M. E...B...et à la société à responsabilité limitée TMIS.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Guerrive, président,

M. Thiele, premier conseiller,

Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 juillet 2015.

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N° 12MA02109 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02109
Date de la décision : 06/07/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-02-005 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle. Champ d'application.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SCP CASCIO-ORTAL-DOMMEE-MARC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-06;12ma02109 ?
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