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24/06/2015 | FRANCE | N°13MA01137

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Chambres réunies, 24 juin 2015, 13MA01137


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2013, présentée pour la commune de Castries, représentée par son maire en exercice, par la Selarl d'avocats Valette-Berthelsen ;

La commune de Castries demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003917 et n° 1003921 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions de son maire des 7 et 27 juillet 2010 refusant à la SARL Serenis, respectivement, un permis de construire et un permis d'aménager ;

2°) de rejeter les demandes de la société Serenis devant le tribunal admi

nistratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de la société Serenis une som...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2013, présentée pour la commune de Castries, représentée par son maire en exercice, par la Selarl d'avocats Valette-Berthelsen ;

La commune de Castries demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003917 et n° 1003921 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions de son maire des 7 et 27 juillet 2010 refusant à la SARL Serenis, respectivement, un permis de construire et un permis d'aménager ;

2°) de rejeter les demandes de la société Serenis devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de la société Serenis une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que le tribunal administratif a admis que la SARL Serenis pouvait se prévaloir de permis tacites, alors que si le délai d'instruction avait été initialement fixé à trois mois, une demande de pièces complémentaires a été notifiée dans le délai d'un mois après le dépôt des dossiers, que les pièces complémentaires produites ont révélé que le délai d'instruction devait être fixé à six mois s'agissant d'un établissement recevant du public et que la société pétitionnaire ne pouvait prétendre à une cristallisation du délai de trois mois initialement notifié ;

- que le refus de permis de construire du 7 juillet 2010 est fondé dès lors que le projet n'est pas conforme aux articles 3 et 4 du règlement de la zone VNA du plan d'occupation des sols ;

- que le refus de permis d'aménager du 27 juillet 2010 a été signé par une autorité compétente disposant d'une délégation régulière ; que ce refus est par ailleurs fondé pour les mêmes motifs que ceux opposés à la demande de permis de construire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrées le 26 mars 2013, les pièces produites pour la commune de Castries, justifiant de l'accomplissement des formalités de notification de la requête à la société Serenis au titre de l'article R. 600-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistrées les 25 novembre et 3 décembre 2014, les pièces complémentaires produites pour la commune de Castries ;

Vu les communications adressées à la société Serenis, revenues au greffe de la Cour avec les mentions "n'habite pas à l'adresse indiquée" ou "n'est plus domiciliée ici" ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2015 :

- le rapport de M. Portail, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Serenis a déposé le 1er octobre 2009 une demande de permis de construire pour la réalisation d'un centre d'hébergement de loisirs touristiques comportant des bâtiments à usage notamment de bureaux et de restauration ainsi qu'une cinquantaine d'emplacements de mobil-homes, sur un terrain situé à Castries, au lieu dit le Pioch Viala ; que le 12 janvier 2010, elle a présenté une demande de permis d'aménager concernant le même projet ; que le maire de Castries a rejeté la demande de permis de construire par arrêté du 7 juillet 2010 et la demande de permis d'aménager par arrêté du 27 juillet 2010 ; que par le jugement du 20 décembre 2012 dont la commune de Castries relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction est déterminé dans les conditions suivantes : / a) Un délai de droit commun est défini par la sous-section 2 ci-dessous. En application de l'article R. 423-4, il est porté à la connaissance du demandeur par le récépissé ; / b) Le délai de droit commun est modifié dans les cas prévus par le paragraphe 1 de la sous-section 3 ci-dessous. La modification est notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt de la demande ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " ; qu'aux termes de l'article R. 422-22 : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-38 : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un courrier électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-39 : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 423-42 : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ. / b) Les motifs de la modification de délai ; (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le service instructeur a, dans le délai d'un mois courant à compter du dépôt du dossier de demande de permis de construire ou d'aménager, demandé la production de pièces manquantes, le délai d'instruction ne commence à courir qu'à compter de la réception des pièces demandées ; qu'il en résulte également que, dès lors que le délai d'instruction ne court qu'à compter de la réception d'un dossier complet, le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier dont l'autorité compétente dispose pour indiquer au demandeur une modification du délai d'instruction, doit s'entendre comme visant la date de dépôt d'un dossier complet, dès lors qu'avant cette date aucun délai d'instruction n'a commencé à courir ;

4. Considérant, en ce qui concerne la demande de permis de construire, qu'il est constant que le service instructeur a demandé à la société Serenis, par lettre datée du 28 octobre 2009, adressée dans le délai d'un mois à compter du dépôt initial du dossier, de compléter celui-ci en application des dispositions précitées de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ; qu'il est également constant qu'après réception des pièces réclamées, le 12 janvier 2010, le service instructeur a notifié au pétitionnaire un nouveau délai d'instruction de six mois au titre du c) de l'article R. 423-28 du code de l'urbanisme applicable aux projets portant sur un établissement recevant du public, par lettre datée du 9 février 2010, parvenue à la société Serenis dans le mois suivant la réception du dossier complet ;

5. Considérant, en ce qui concerne la demande de permis d'aménager, qu'il est constant que le service instructeur a demandé à la société Serenis, par lettre datée du 9 février 2010, adressée dans le délai d'un mois à compter du dépôt initial du dossier, de compléter celui-ci en application des dispositions précitées de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ; qu'il est également constant qu'après réception des pièces réclamées, le 2 mars 2010, le service instructeur a notifié au pétitionnaire un nouveau délai d'instruction de six mois, par lettre datée du 31 mars 2010, parvenue à la société Serenis dans le mois suivant la réception du dossier complet ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé contenant l'arrêté du 7 juillet 2010 portant refus de permis de construire a été présenté à la société Serenis au plus tard le 9 juillet 2010, soit avant l'expiration du délai d'instruction de six mois ayant couru, en vertu de ce qui a été dit au point 3, à compter du 12 janvier 2010, date de réception du dossier complet ; qu'il ressort également des pièces du dossier, que l'arrêté du 27 juillet 2010 portant refus de permis d'aménager a été notifié à la société Serenis le 4 août 2010, soit avant l'expiration du délai d'instruction de six mois ayant couru à compter du 2 mars 2010, date de réception du dossier complet ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Castries est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les refus de permis en litige, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que la société Serenis était titulaire de permis tacites, au motif que la modification des délais d'instruction, faite plus d'un mois après le dépôt initial des dossiers, n'était pas opposable au pétitionnaire et que les refus devaient dès lors être regardés comme des retraits d'autorisations tacites, intervenus en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ;

8. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la société Serenis ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 423-14 du code de l'urbanisme :" Lorsque la décision est prise au nom de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale, l'instruction est faite au nom et sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-15 du même code : " Dans le cas prévu à l'article précédent, l'autorité compétente peut charger des actes d'instruction : / a) Les services de la commune ; (...) " ;

10. Considérant, d'une part, que la lettre du 28 octobre 2009 par laquelle le service instructeur a demandé à la société Serenis de compléter sa demande de permis de construire a été signée par Mme A..."par délégation du maire et pour la directrice du foncier et de l'aménagement opérationnel" ; qu'en indiquant que Mme A...dispose d'une délégation du maire, cette décision mentionne la qualité de son auteur ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 doit, par suite et en tout état de cause, être écarté ;

11. Considérant, d'autre part, que par arrêté du 10 mars 2009, ayant fait l'objet d'une transmission au représentant de l'Etat et d'un affichage le 11 mars 2009, le maire de Castries a donné délégation à Mme A...et Mme B...pour signer les lettres de demande de pièces manquantes et les lettres de majoration et de prolongation du délai d'instruction ; qu'ainsi, et en tout état de cause, les moyens selon lesquels les décisions portant demande de pièces complémentaires et prolongation du délai d'instruction adressées à la société Serenis auraient été signées par une autorité incompétente, doivent également être écartés ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que le paragraphe II de l'article 4 du règlement de la zone V NA du plan d'occupation des sols la commune de Castries relatif à l'assainissement et aux eaux usées prévoit que : " Toute construction ou installation nouvelle doit être raccordée par des canalisations souterraines au réseau public d'assainissement. " ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis émis le 1er novembre 2009 par la communauté d'agglomération de Montpellier, que les parcelles d'assiette du projet en litige ne sont pas desservies par un réseau public d'assainissement ; que, pour ce seul motif, le maire de la commune de Castries pouvait légalement rejeter les demandes de permis de construire et d'aménager de la société Serenis ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Castries est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés de son maire des 7 et 27 juillet 2010 refusant respectivement un permis de construire et un permis d'aménager à la société Serenis ; qu'elle est par suite fondée à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes de première instance de la société Serenis ;

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Serenis une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Castries et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Serenis devant le tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.

Article 3 : La société Serenis versera à la commune de Castries une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Castries et à la société Serenis.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Sill, président de la Cour ;

M. Boucher, président de la 9ème chambre ;

M. d'Hervé, président de la 1ère chambre ;

M. Portail, président-assesseur ;

Mme Josset, président-assesseur ;

Mme Busidan, premier conseiller ;

Mme Féménia, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 24 juin 2015.

Le rapporteur,

P. PORTAIL

Le président,

J. SILL

Le greffier,

S. DUDZIAK

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 13MA01137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Chambres réunies
Numéro d'arrêt : 13MA01137
Date de la décision : 24/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-02-02-01 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PERMIS DE CONSTRUIRE. PROCÉDURE D'ATTRIBUTION. INSTRUCTION DE LA DEMANDE. DÉLAI D'INSTRUCTION. - DÉLAI D'UN MOIS À COMPTER DE LA RÉCEPTION OU DU DÉPÔT DU DOSSIER IMPARTI AU SERVICE INSTRUCTEUR POUR INDIQUER AU DEMANDEUR D'UN PERMIS DE CONSTRUIRE OU D'AMÉNAGER UNE MODIFICATION DU DÉLAI D'INSTRUCTION DE DROIT COMMUN. DÉLAI COURANT À COMPTER DE LA RÉCEPTION OU DU DÉPÔT D'UN DOSSIER COMPLET.

68-03-02-02-01 En vertu de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, lorsque le service instructeur a, dans le délai d'un mois courant à compter du dépôt du dossier de demande de permis de construire ou d'aménager, demandé la production de pièces manquantes, le délai d'instruction ne commence à courir qu'à compter de la réception des pièces demandées. Par suite, le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier dont l'autorité compétente dispose en vertu de l'article R. 423-42 du même code pour indiquer au demandeur une modification du délai d'instruction, doit s'entendre comme visant la date de dépôt d'un dossier complet, dès lors qu'avant cette date aucun délai d'instruction n'a commencé à courir.


Composition du Tribunal
Président : Mme SILL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL VALETTE-BERTHELSEN ; SELARL VALETTE-BERTHELSEN ; VALETTE - BERTHELSEN - CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-24;13ma01137 ?
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