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23/06/2015 | FRANCE | N°14MA02016

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 23 juin 2015, 14MA02016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Saint-Jours a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 6 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé la SA Milonga à le licencier pour motif économique et de mettre à la charge des organes de la procédure collective de la SA Milonga et, en tant que de besoin de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1400008 du 4 mars 2014, le tribunal administ

ratif de Marseille a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Saint-Jours a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 6 novembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé la SA Milonga à le licencier pour motif économique et de mettre à la charge des organes de la procédure collective de la SA Milonga et, en tant que de besoin de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1400008 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 novembre 2013 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 avril 2014 et le 13 octobre 2014, la SA Milonga, agissant par la SCP J.-P. Louiset A. Lageat en qualité de liquidateur judiciaire, représentée par la SCP d'avocats Massilia Social Code, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 14MA01909, 14MA01963 de la Cour de céans du 1er juillet 2014 ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014, de confirmer la décision de l'inspecteur du travail du 6 novembre 2013 et de mettre à la charge de M. Saint-Jours la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 620-1 du code du travail.

Elle soutient que :

- la décision du 10 octobre 2013 par laquelle l'administration a homologué le document unilatéral de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, est légale ;

- par dérogation à l'article L. 631-17 du code de commerce, l'article L. 641-4 du même code ne subordonne pas les licenciements à une autorisation du juge-commissaire, ni à une mention particulière du jugement ordonnant la liquidation ;

- la procédure de licenciement a été menée régulièrement, ce qu'a vérifié l'inspecteur du travail ;

- elle a respecté ses obligations de reclassement interne et externe, comme l'a constaté l'inspecteur du travail dans sa décision ;

- la réalité du motif économique est établie ;

- il n'y a pas transfert d'activité au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2014, M. Saint-Jours, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des organes de la procédure collective ou, en tant que de besoin, de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral de l'employeur emporte celle de l'autorisation de licenciement contestée ;

- la procédure de licenciement n'a pas été respectée dès lors que le tribunal de commerce n'a pas autorisé les licenciements, que la convocation à l'entretien préalable au licenciement n'a pas été régulière, que l'entretien préalable n'a pas été valablement mené, que l'information du comité d'entreprise sur la procédure de licenciement a été insuffisante, que l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement ne peut être identifié et que cette demande était insuffisamment motivée ;

- la société requérante a manqué à ses obligations de reclassement interne et externe ;

- le motif économique n'a pas été apprécié au niveau du secteur d'activité, lequel est constitué de l'ensemble du groupe Sodival en l'occurrence ;

- le groupe n'est confronté à aucune difficulté économique réelle ;

- la demande d'autorisation de licenciement constitue une fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail dès lors que son poste n'a pas été supprimé mais a été transféré aux établissements à l'enseigne Cultura.

Par un mémoire, enregistré le 22 janvier 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014 et au rejet de la demande présentée en première instance par M. Saint-Jours.

Il soutient que :

- en annulant l'autorisation de licenciement par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi sans préciser le raisonnement juridique qui l'a conduit à cette solution, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- l'annulation de la décision d'homologation est sans incidence sur la légalité de l'autorisation de licenciement ;

- en tout état de cause, aucune conséquence de l'illégalité de la décision d'homologation ne peut être tirée sur l'autorisation de licenciement lorsque la société est en liquidation judiciaire par application du dernier alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail ;

- l'inspecteur du travail n'avait pas à apprécier le motif économique dès lors que la liquidation judiciaire de l'entreprise avait été ordonnée par le tribunal de commerce.

II. Par un recours, enregistré le 6 mai 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2013 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Saint-Jours en première instance.

Il soutient que :

- en annulant l'autorisation de licenciement par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi sans préciser le raisonnement juridique qui l'a conduit à cette solution, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;

- l'annulation de la décision d'homologation est sans incidence sur la légalité de l'autorisation de licenciement ;

- en tout état de cause, aucune conséquence de l'illégalité de la décision d'homologation ne peut être tirée sur l'autorisation de licenciement lorsque la société est en liquidation judiciaire par application du dernier alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail ;

- l'inspecteur du travail n'avait pas à apprécier le motif économique dès lors que la liquidation judiciaire de l'entreprise avait été ordonnée par le tribunal de commerce.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...'hôte,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., pour la SCP J.-P. Louiset A. Lageat.

1. Considérant que les requêtes susvisées n° 14MA01882 et n° 14MA02016, présentées respectivement pour la SA Milonga et par le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par un jugement du 2 octobre 2013, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la SA Milonga et a désigné Me Louisen qualité de liquidateur ; que, le 10 octobre 2013, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a homologué le document élaboré par Me Louisen application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail en vue du licenciement collectif des 163 salariés de l'entreprise ; que, le 6 novembre 2013, l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône a autorisé le licenciement pour motif économique de M. Saint-Jours, membre suppléant de la délégation unique du personnel ; que, par un premier jugement du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision d'homologation du 10 octobre 2013 puis, par un second jugement du même jour, l'autorisation de licenciement du 6 novembre 2013 ; que la SA Milonga, représentée par MeC..., et le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social font appel dans les deux instances susvisées de ce second jugement ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que, pour prononcer l'annulation de la décision contestée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'homologation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 10 octobre 2013, le jugement attaqué indique que la demande d'autorisation avait été présentée sur la base du licenciement collectif pour motif économique et que, de ce fait, l'illégalité de la décision d'homologation viciait la procédure par laquelle l'inspecteur du travail s'était prononcé ; qu'en statuant ainsi, les premiers juges ont suffisamment indiqué les motifs de droit et de fait sur lesquels ils se sont fondés pour rendre leur décision ;

Sur la légalité de l'autorisation de licenciement :

4. Considérant qu'en vertu des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, le licenciement des membres de la délégation unique du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

5. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ;

6. Considérant que l'annulation, par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014, de la décision d'homologation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 10 octobre 2013 a été confirmée par un arrêt de la Cour de céans du 1er juillet 2014 et est revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée ;

7. Considérant, d'une part, que, lorsque l'employeur envisage le licenciement collectif pour motif économique de dix salariés ou plus dans une même période de trenteG..., il doit à la fois faire approuver par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le plan de sauvegarde de l'emploi qu'il a élaboré unilatéralement ou négocié avec les organisations syndicales représentatives et obtenir de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier les salariés protégés dont l'emploi est supprimé ; que ces deux obligations procèdent de la même cause, que constitue le projet de licenciement de l'employeur en raison des difficultés économiques de l'entreprise ou de sa perte de compétitivité, et s'imposent parallèlement ; que la réalité du motif économique invoqué, qu'il appartient à l'inspecteur du travail d'apprécier, est cependant indépendante de l'approbation par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du plan de sauvegarde de l'emploi devant être mis en oeuvre ; qu'il suit de là que la décision par laquelle l'inspecteur du travail se prononce sur la demande d'autorisation n'est pas prise en raison de la validation de l'accord collectif négocié au sein de l'entreprise ou de l'homologation du document unilatéral élaboré par l'employeur ;

8. Considérant qu'en l'espèce, la mise en liquidation judiciaire de la SA Milonga a conduit Me Louisà soumettre à l'homologation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi qu'il avait élaboré et simultanément, dans la mesure où une partie des emplois supprimés était occupée par des salariés protégés, à solliciter de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier ces derniers ; que la circonstance que la décision d'homologation du 10 octobre 2013 et la décision d'autorisation du 6 novembre 2013 aient été sollicitées par Me Louis en considération des mêmes éléments de fait ne suffit pas à regarder l'autorisation de licenciement comme ayant été prise, en l'espèce, en raison de l'homologation du document unilatéral élaboré par le liquidateur ;

9. Considérant, d'autre part, que le licenciement d'un salarié protégé compris dans un projet de licenciement collectif pour motif économique ne peut légalement intervenir que si le plan de sauvegarde de l'emploi a été approuvé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et si l'inspecteur du travail a donné son autorisation ; que ces deux conditions sont toutefois distinctes et autonomes ; que les procédures à l'issue desquelles les décisions administratives sont prises n'ont pas le même objet, relèvent de deux autorités différentes et obéissent à des règles qui ne sont pas identiques ; qu'en particulier, l'exercice par l'inspecteur du travail de son contrôle sur les conditions de licenciement du salarié protégé n'est pas subordonné à la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il ne lui appartient pas d'exercer son pouvoir d'appréciation sur ce point, qui ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui institué à l'article L. 1235-7-1 du code du travail ; que sa décision n'est conditionnée par celle du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ni dans le temps, ni dans son contenu, ni dans sa portée ; que le licenciement n'est autorisé, le cas échéant, qu'au regard du statut particulier dont bénéficie le salarié investi d'un mandat de représentation ou de la nécessité de maintenir dans l'entreprise des instances représentatives du personnel ; que l'autorisation, une fois délivrée, ne fait pas obstacle à la nullité du licenciement dans les cas prévus à l'article L. 1235-10 du code du travail ou, dans l'hypothèse d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaires, à l'octroi au salarié d'une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaires conformément aux prévisions de l'article L. 1233-58 du même code ; que la délivrance par l'inspecteur du travail de l'autorisation de licencier un salarié protégé ne préjudicie donc pas aux droits de l'intéressé dans la mise en oeuvre des mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi ; que, dans ces circonstances, l'autorisation de licenciement peut légalement être délivrée en l'absence de décision de validation ou d'homologation prise par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

10. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 8 et 9, l'annulation par le juge de la décision de validation ou d'homologation n'emporte pas, par voie de conséquence, celle de l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail ; qu'ainsi, la SA Milonga et le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que l'annulation de la décision d'homologation du 10 octobre 2013 impliquait d'annuler, par voie de conséquence, l'autorisation de licenciement du 6 novembre 2013 ;

11. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Saint-Jours tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

En ce qui concerne le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision d'homologation du 10 octobre 2013 :

12. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; que la décision par laquelle l'inspecteur du travail autorise le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé n'est pas prise en application de la décision de validation ou d'homologation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et n'a pas non plus cette décision pour fondement légal ; que M. Saint-Jours ne peut dès lors utilement exciper de l'illégalité de la décision d'homologation du 10 octobre 2013 à l'appui de sa contestation de l'autorisation du 6 novembre 2013 ;

En ce qui concerne les moyens relatifs à la régularité de la procédure de licenciement :

13. Considérant, en premier lieu, qu'en cas de mise en liquidation judiciaire d'une entreprise, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le licenciement des salariés ait été autorisé par le jugement ordonnant la liquidation ; que l'article L. 641-4 du code de commerce dispose que le liquidateur réalise les opérations de liquidation et qu'à ce titre, les licenciements auxquels il procède en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation, le cas échéant au terme du maintien provisoire de l'activité autorisé par le tribunal, sont soumis aux dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail ; que l'article L. 641-10 du code de commerce prévoit que, si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le tribunal peut autoriser le maintien provisoire de l'activité et que, dans ce cas, le liquidateur administre l'entreprise et procède aux licenciements dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, aux termes duquel " lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciement " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la liquidation est ordonnée avec cessation immédiate de l'activité, les dispositions de l'article L. 631-17 ne trouvent pas à s'appliquer et le liquidateur peut procéder aux licenciements sans y avoir été autorisé par le juge-commissaire, par le seul effet du jugement d'ouverture de la liquidation ; qu'en l'espèce, la liquidation judiciaire de la SA Milonga a été ordonnée sans maintien de l'activité ; que M. Saint-Jours ne peut dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 631-17 du code de commerce ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que M. Saint-Jours soutient que le courrier par lequel il a été convoqué à l'entretien préalable au licenciement et la lettre de demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspecteur du travail ne permettent pas d'identifier leur auteur et qu'il n'est dès lors pas démontré qu'ils émanent de MeC... ; que les documents incriminés sont cependant à en-tête de la SCP J.-P. Louiset A. Lageat ; qu'une comparaison avec d'autres pièces versées aux dossiers, sur lesquelles le nom de Me Louisest expressément mentionné, révèle que les signatures sont similaires ; qu'il est constant par ailleurs que l'entretien préalable au licenciement a été mené par MeC... ; que l'auteur de la lettre de saisine de l'inspection du travail se présente en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société ; que M. Saint-Jours n'invoque aucun élément de nature à mettre en doute que la signature apposée sur les documents en cause ne serait pas effectivement celle de MeC... ; que, dans ces circonstances, il n'est pas fondé à soutenir que la convocation à l'entretien préalable au licenciement et la demande d'autorisation de licenciement n'émaneraient pas du liquidateur, seul habilité à procéder à ces formalités au nom de l'entreprise ;

15. Considérant, en troisième lieu, que M. Saint-Jours fait valoir qu'au cours de l'entretien préalable à son licenciement, Me Louisn'a pas évoqué les raisons économiques du licenciement, les conséquences sur son emploi et les conditions de son reclassement interne et externe ; qu'il ressort des pièces des dossiers que la lettre de convocation du 18 octobre 2013 mentionnait que la SA Milonga avait été mise en liquidation judiciaire, que cette situation entraînait la suppression du poste de travail de l'intéressé et que, compte tenu du refus de ce dernier d'accepter les offres de reclassement individualisées qui lui ont été adressées, son licenciement pour motif économique était envisagé ; que ce courrier informait suffisamment M. Saint-Jours de l'objet de l'entretien et des motifs de la mesure envisagée ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que Me Louis se serait refusé à un échange avec le salarié sur l'un des points que celui-ci aurait souhaité aborder ; qu'il n'est pas contesté, par ailleurs, qu'au cours de l'entretien, le liquidateur lui a remis en main propre un courrier relatant l'origine des difficultés économiques de la société et exposant la procédure et les modalités de son licenciement ; qu'enfin, la circonstance que Me Louisn'ait pas évoqué les modalités de reclassement de l'intéressé n'affecte pas la régularité de l'entretien dès lors que des offres de reclassement ont été proposées antérieurement à M. Saint-Jours et que la mesure de licenciement envisagée est la conséquence de l'impossibilité de le reclasser ; que, dans ces conditions, M. Saint-Jours n'est pas fondé à soutenir que l'entretien préalable à son licenciement a été irrégulièrement mené ;

16. Considérant, en quatrième lieu, qu'il est contant que, préalablement à la consultation du comité d'entreprise, une note d'information a été adressée à ses membres dans laquelle étaient exposées les difficultés économiques de la SA Milonga ayant conduit à sa liquidation judiciaire ; qu'y était mentionné également le résultat net déficitaire du groupe au cours des trois dernières années et était indiquée l'existence de 253 postes ouverts au reclassement au sein du groupe ; qu'au cours de la réunion du comité, Me Louisa rappelé les éléments contenus dans la note précitée, a fait part du refus des dix salariés protégés que comptait l'effectif de l'entreprise d'accepter les offres de reclassement qui leur ont été faites et a réitéré, en cours de séance, auprès de chacun d'eux, excepté M. E...qui n'était pas présent, la ou les dernières propositions formulées ; que, si la situation économique du groupe n'a pas été évoquée de manière détaillée, l'information délivrée était suffisante compte tenu de la mise en liquidation de la société emportant nécessairement la suppression de l'ensemble des emplois et de l'objet de la consultation, qui était de donner un avis sur le licenciement des salariés protégés ; que le comité d'entreprise a été informé par ailleurs des propositions de reclassement faites individuellement à chacun des salariés concernés et du refus de ces derniers de les accepter ; que si les démarches effectués par Me Louis en vue du reclassement de M. Saint-Jours ont été évoquées de manière succincte, les membres du comité n'ont posé aucune question lors de la séance et se sont tous abstenus au moment du vote ; que M. Saint-Jours n'est dès lors pas fondé à soutenir que le comité d'entreprise n'aurait pas été mis à même d'émettre un avis sur son licenciement en toute connaissance de cause ;

17. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la demande d'autorisation de licenciement manque en fait ; que, contrairement à ce que soutient M. Saint -Jours, Me Louispouvait se borner à mentionner dans sa lettre du 31 octobre 2013, au titre de la cause économique du licenciement, la décision du tribunal de commerce du 2 octobre 2013 ouvrant la liquidation sans poursuite d'activité de la société ;

En ce qui concerne les moyens relatifs aux manquements de l'employeur à son obligation de reclassement interne :

18. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit au point 9, il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail d'exercer un contrôle sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que, par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant du dispositif de reclassement interne prévu dans le plan est inopérant dirigé contre la décision autorisant le licenciement de M. Saint-Jours ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que les démarches entreprises par Me Louis auprès du groupe auquel appartient la SA Milonga ont permis de réunir 253 postes ouverts au reclassement au sein de la société Socultur, les autres filiales du groupe ayant indiqué qu'elles ne pouvaient accueillir aucun salarié ; qu'à partir de cette liste, Me Louis a proposé par un courrier du 8 octobre 2013 à M. Saint-Jours, qui avait le statut de cadre, seize postes de même catégorie, avec reprise d'ancienneté, en joignant à son envoi la liste de l'ensemble des 253 postes ouverts au reclassement ; qu'il n'est pas contesté que ces propositions, qui mentionnaient le type d'emploi, le lieu, le statut, le secteur d'activité, le type de contrat, la base horaire hebdomadaire, la date de prise de poste et le salaire de base, étaient précises ; que le salarié a refusé ces offres ; que, le 23 octobre 2013, Me Louis a proposé à l'intéressé un nouveau poste de chef de secteur, portant sur des fonctions différentes mais sans mobilité géographique et avec un niveau de rémunération équivalent ; que M. Saint -Jours a opposé un second refus ; que, si ce dernier fait valoir que les postes qui lui ont été offerts ne correspondaient pas à ses qualifications et à son niveau de rémunération, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que d'autres emplois convenant davantage à son profil étaient disponibles au sein du groupe et ne lui auraient pas été proposés ; que, par ailleurs, la société Socultur avait mis en place une cellule de reclassement destinée à délivrer aux salariés intéressés toute information utile sur les emplois offerts et s'engageait à dispenser en interne à ceux acceptant une offre une formation ou une adaptation à leur nouveau poste de travail ; que, dans ces circonstances, M. Saint-Jours n'est pas fondé à soutenir que Me Louis aurait manqué à ses obligations de reclassement interne, compte tenu des moyens et du temps dont il disposait ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission paritaire de l'emploi :

20. Considérant qu'il résulte des articles 5 et 15 de l'accord interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi que Me Louisavait l'obligation, préalablement à la saisine de l'inspecteur du travail, de saisir la commission paritaire de l'emploi et de la formation professionnelle instituée par l'avenant n° 12 du 29 juin 2001 à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires ; que l'article 6 de cet avenant précisait que le secrétariat de la commission était assuré par le secrétariat de la convention collective nationale ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 4 octobre 2013, Me Louisa adressé une télécopie audit secrétariat l'informant de la recherche de solutions de reclassement pour les 163 salariés de la SA Milonga ; que le moyen tiré de l'absence de saisine de ladite commission manque en fait ;

En ce qui concerne les moyens relatif aux manquements de l'employeur à son obligation de reclassement externe :

21. Considérant que, lorsqu'en vertu de l'article L. 1233-58 du code du travail, le liquidateur est tenu de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures destinées à favoriser le reclassement du personnel dont le licenciement ne peut être évité, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, de s'assurer que celui-ci a accès aux mesures de reclassement externe prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires ; qu'en revanche, il ne lui appartient pas d'apprécier le respect par le liquidateur de ses obligations de reclassement externe, lequel ne peut intervenir qu'après le licenciement du salarié ; que cette appréciation, au moment où l'inspecteur du travail statue, ne peut être dissociée de celle portée sur les mesures collectives prévues dans le plan et, par suite, ne peut faire l'objet d'un contentieux distinct de celui de la décision de validation ou d'homologation prise par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'en outre, l'autorisation de licenciement, une fois délivrée, ne fait pas obstacle à ce que le salarié mettre en cause les modalités de son reclassement externe à l'occasion de la contestation de son licenciement personnel devant la juridiction judiciaire ; qu'ainsi, M. Saint-Jours, qui ne soutient pas que la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi révélerait une discrimination à son égard liée à l'exercice de son mandat, ne peut utilement se prévaloir de manquements de Me Louis à ses obligations de reclassement externe ; que les moyens tirés de ce que l'inspecteur du travail n'aurait pas vérifié le respect par le liquidateur de ces obligations et n'aurait pas motivé sa décision sur ce point, sont également inopérants ;

En ce qui concerne les moyens relatifs au motif économique du licenciement :

22. Considérant qu'il résulte des articles L. 640-1 et suivants du code de commerce qu'il incombe au tribunal de commerce d'apprécier si les difficultés économiques d'une entreprise en cessation de paiement rendent son redressement manifestement impossible et imposent sa liquidation judiciaire ; que, si le tribunal a la faculté, en application de l'article L. 641-10, d'autoriser provisoirement le maintien de l'activité, le liquidateur ne peut dans ce cas procéder à des licenciements qu'après autorisation du juge-commissaire dans les conditions prévues à l'article L. 631-17 ; qu'à défaut pour le tribunal de faire usage de cette faculté, le jugement ouvrant la liquidation emporte la cessation immédiate de l'activité et la suppression de l'ensemble des emplois ; qu'ainsi, dans les deux hypothèses, le législateur a entendu que, lorsqu'est ordonnée la liquidation judiciaire de l'entreprise, la réalité des difficultés économiques et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective ; que, dès lors que la liquidation judiciaire a été ouverte, ces éléments du motif de licenciement ne peuvent être contestés qu'en exerçant les voies de recours ouvertes soit contre l'ordonnance du juge-commissaire, soit contre le jugement du tribunal de commerce ;

23. Considérant que, par son jugement du 2 octobre 2013, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la SA Milonga ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que l'inspecteur du travail n'aurait pas apprécié la réalité du motif économique au niveau du secteur d'activité dont relève la SA Milonga au sein du groupe Sodival et de ce que les difficultés économiques invoquées ne seraient pas réelles, sont inopérants ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail :

24. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le personnel et les moyens corporels et incorporels de la SA Milonga aient été repris par la société Socultur dans des conditions telles que cette reprise puisse être regardée comme constitutive d'un transfert d'une entité économique autonome ; que, par suite, M. Saint-Jours n'est pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement pour motif économique le concernant n'aurait été mise en oeuvre qu'en vue de faire échec au transfert de son contrat de travail par fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Milonga et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 novembre 2013 ;

Sur les frais d'instance :

26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Milonga et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, la somme que M. Saint-Jours demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions de la SA Milonga tendant à la condamnation de M. Saint-Jours à verser la somme de 1 500 euros " au visa de l'article L. 620-1 du code du travail ", ne sont pas assorties de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier la portée, outre que les dispositions invoquées ont été abrogées le 1er mai 2008 ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Saint-Jours devant le tribunal et le surplus des conclusions des parties en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Milonga, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. H... Saint-Jours.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2015, où siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Paix, président assesseur,

- M.A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2015.

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N° 14MA01882 et 14MA02016

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02016
Date de la décision : 23/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Chose jugée - Chose jugée par le juge administratif.

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs - Annulation par voie de conséquence.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Exception d'illégalité.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Annulation par voie de conséquence.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP MASSILIA SOCIAL CODE ; SCP MASSILIA SOCIAL CODE ; SCP MASSILIA SOCIAL CODE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-23;14ma02016 ?
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