Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me K...représentant la SNC du Parc de Beaumont, de MeD..., substituant MeE..., représentant la commune de Valbonne et de Me C...représentant M. F..., M. H...et Mme G....
1. Considérant que, par un arrêté en date du 28 janvier 2011, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé M.M..., gérant de la SNC du Parc de Beaumont, à défricher, sur la parcelle cadastrées AX 71 de la commune de Valbonne, une surface de
0,4656 ha ; qu'un recours gracieux formé le 24 mars 2011 à l'encontre dudit arrêté a donné lieu à décision implicite de rejet ; que saisie d'appels, d'une part, du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (requête n° 13MA00065) et, d'autre part, de la SNC du Parc de Beaumont (requête n° 13MA00066) dirigés contre le jugement en date du 8 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé lesdites décisions, la Cour a, par arrêt avant dire-droit en date du 27 janvier 2015, ordonné une visite des lieux afin de déterminer si le déclassement, par les documents graphiques du plan local d'urbanisme approuvé le 12 décembre 2006, de l'espace boisé classé situé sur ladite parcelle et l'autorisation de défrichement litigieuse portaient atteinte à l'équilibre biologique de la région ;
2. Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 13MA00065 et 13MA00066 sont relatives à une même décision ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme de la commune de Valbonne approuvé le 12 décembre 2006 a procédé au déclassement de l'espace boisé classé sur une partie de la parcelle cadastrée AX71 et, en parallèle, classé cette zone, auparavant classée en zone naturelle d'urbanisation future (NAf) en zone urbaine (UBd) ; que MM. F...et H...ainsi que Mme G...excipent de l'illégalité du déclassement de l'espace boisé classé précité à l'appui de leurs conclusions aux fins d'annulation de l'autorisation du 28 janvier 2011 ;
4. Considérant que si l'autorisation de défrichement ne peut être délivrée que pour un projet qui respecte la réglementation d'urbanisme en vigueur, elle ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant demandant l'annulation d'une autorisation de défrichement ne saurait utilement se borner à soutenir qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l'illégalité dont il se prévaut ; que, cependant, il résulte de l'article L. 125-5 devenu L. 121-8 du code de l'urbanisme que la déclaration d'illégalité d'un document d'urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'une autorisation de défrichement a été délivrée sous l'empire d'un document d'urbanisme, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ;
5. Considérant que MM. F...et H...ainsi que Mme G...font valoir que l'autorisation de défrichement litigieuse méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme remises en vigueur, à savoir le classement de la parcelle litigieuse en espace boisé classé, lequel entraîne, en application des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, le rejet de plein droit de toute demande d'autorisation de défrichement ; que l'exception d'illégalité soulevée est, ainsi, recevable ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier ainsi que de la visite des lieux que la parcelle litigieuse, classée en zone UBd et séparée du lotissement voisin par une route, s'inscrit au coeur d'une zone classée No au Nord, constituée par une belle et très ancienne oliveraie à protéger et, N au Sud et à l'Ouest constitutive d'une forêt naturelle dense, homogène et stabilisée ; qu'il en ressort également que celle-ci est située sur un couloir écologique continu est-ouest, au surplus à proximité d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ; que, par ailleurs, il ressort d'un rapport établi en mai 2012 par le commissaire enquêteur dans le cadre d'une nouvelle révision du plan local d'urbanisme qui, bien que postérieur à la décision attaquée, peut apporter un éclairage sur l'état de l'existant et les répercussions du déclassement de l'espace boisé classé litigieux, que la réduction de la forêt à proximité de cette ZNIEFF, notamment sur la parcelle litigieuse, sera de nature à amplifier la disparition de la faune et de la flore ; qu'il résulte de ce qui précède que le déclassement, par le plan local d'urbanisme approuvé le 12 décembre 2006, de la parcelle litigieuse, est, en dépit du classement concomitant d'autres terrains de la commune en espaces boisés classés, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, ni le ministre de l'agriculture ni la SNC du Parc de Beaumont ni la commune de Valbonne en sa qualité d'intervenante volontaire ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accueilli l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme approuvé le 12 décembre 2006 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code forestier alors applicable : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire : (...) 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population (...) " ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, qu'en dépit de la faible superficie de la parcelle à défricher, du nombre et de la nature des arbres à abattre et de la compensation partielle de leur abattage, l'autorisation de défrichement contestée, bien qu'elle vise à permettre, en partie, la construction de logements sociaux, constitue une brèche importante dans une forêt dense et homogène et brise le caractère continu du couloir écologique est-ouest, portant ainsi une atteinte manifestement disproportionnée à l'équilibre biologique de la région ;
9. Considérant, en troisième lieu et au surplus, qu'aux termes de l'article L. 311-3 précité du code forestier alors applicable, l'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois ou massifs qu'ils complètent ou le maintien de la destination forestière des sols est reconnue nécessaire : " 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés, contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une superficie de 10% de la parcelle litigieuse est située en zone rouge de danger fort du plan de prévention du risque incendie de forêt approuvé par arrêté préfectoral du 23 juin 2008 tandis que les 90% restants sont situés en zone B0 de danger moyen ; que si, par un arrêté en date du 2 septembre 2011 au demeurant postérieur à la décision contestée, le préfet des Alpes-Maritimes a estimé que répondaient aux critères fixés par le plan de prévention précité la création d'une piste périmétrale au départ du chemin de Vallauris, la pose de barrières de type DFCI en entrée de piste, la pose d'un poteau incendie au niveau de l'entrée actuelle du domaine et sur la piste à moins de 300 m du premier ainsi que la présence d'une bande débroussaillée d'une largeur de 100 mètres au-delà de la piste périmétrale, le projet litigieux, qui vise à créer 63 logements et va nécessairement générer une circulation importante alors qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que la voie d'accès, particulièrement étroite ainsi qu'il a été constaté lors de la visite des lieux, sera élargie, s'inscrit en bordure immédiate d'une forêt très dense classée en zone de danger fort et augmente ainsi considérablement les risques d'incendies et de propagation rapide de ceux-ci ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants et la commune de Valbonne ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, a annulé l'autorisation de défrichement en date du 28 janvier 2011, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 24 mars 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.F..., M. H...et Mme G...le paiement de la somme demandée par la SNC du Parc de Beaumont ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SNC du Parc de Beaumont le paiement d'une somme globale de 2 100 euros qui sera versée à M.F..., M. H...et Mme G...en application des dispositions précitées ;
14. Considérant, par ailleurs, que les dispositions de l'article susmentionné prévoient seulement la mise à la charge d'une des parties à l'instance des frais exposés par une autre partie et non compris dans les dépens ; qu'elles ne sauraient recevoir application au profit ou à l'encontre d'une personne qui a la qualité d'intervenant à l'instance ; que, par suite, les conclusions présentées, sur ce fondement, par la commune de Valbonne ou à l'encontre de celle-ci ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et de la SNC du Parc de Beaumont ainsi que l'intervention volontaire de la commune de Valbonne sont rejetées.
Article 2 : L'Etat et la SNC du Parc de Beaumont verseront solidairement à M.F..., M. H... et Mme G...la somme globale de 2 100 euros (deux mille cent euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par ou à l'encontre de la commune de Valbonne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à la SNC du Parc de Beaumont, à la commune de Valbonne ainsi qu'à M. I... F..., M. J...H...et Mme B...G....
Délibéré après l'audience du 2 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2015.
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N° 13MA00065-13MA000662