Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...C...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2011 du préfet de l'Hérault ayant rejeté sa demande d'admission provisoire au séjour et transmis sa demande d'asile en procédure prioritaire, et de l'arrêté du 5 juin 2013 de ce même préfet portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant la Somalie comme pays de destination.
Par une ordonnance n° 1304477 en date du 28 octobre 2013, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. C...A....
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 21 février 2014, M. C...A..., ayant pour avocat Me E...B..., demande à la cour administrative d'appel de Marseille :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1304477 du 28 octobre 2013 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux litigieux ;
3°) subsidiairement, d'ordonner le sursis à statuer et le renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne pour qu'il soit statué sur la conventionnalité de l'article L.742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 39 de la directive 2005/85/CE ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation de séjour ou un titre de séjour dans un délai de trois jours, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande d'admission au séjour ;
6°) de condamner l'Etat à verser à Me B...une somme de 1 200 euros TTC en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- c'est à tort que le juge de premier ressort a rejeté sa requête par ordonnance sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- les conclusions dirigées contre la décision du 7 octobre 2011 n'étaient pas tardives dès lors que la notification de cette décision a été faite en violation de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- un interprète en langue arabe lui a été imposé sans qu'il lui ait été demandé s'il déclarait comprendre cette langue qu'il ne parle pas ;
- en l'espèce, le préfet ne rapporte pas la preuve du caractère inexploitable de ses empreintes digitales et ne peut invoquer une situation de fraude délibérée au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour doit entraîner l'annulation de la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porte atteinte au droit au recours effectif tel que protégé par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 35 de la directive 2005/85/CE, la combinaison des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6 de ladite convention ;
- ledit article, qui autorise l'éloignement de l'étranger dont la demande a été rejetée par l'OFPRA, prive l'intéressé d'un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- en cas de rejet de ce moyen, il reviendra à la Cour d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'irrégularité de la procédure fondée sur une fraude qui n'était pas caractérisée entraîne l'illégalité de l'arrêté du 5 juin 2013 ;
- l'arrêté du 5 juin 2013 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français l'empêche de bénéficier d'un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- la Cour nationale du droit d'asile estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner le recours d'un demandeur d'asile qui a été renvoyé dans son pays d'origine ;
- la possibilité de saisir le tribunal administratif, qui ne statue pas sur l'asile, d'un recours contre la mesure d'éloignement ne saurait remplacer la saisine de la Cour nationale du droit d'asile ;
- la décision fixant la Somalie comme pays de destination est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'était pas lié par la décision de rejet de sa demande d'asile ;
- il n'a pas été mis à même d'indiquer les éléments utiles à l'examen des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- il encourt des risques réels pour sa vie en cas de retour en Somalie ;
- la Somalie connaît depuis plus de 20 ans et une situation de guerre civile et de violence généralisée aggravée par une sècheresse ayant entraîné un déplacement des populations ;
- la Cour nationale du droit d'asile accorde aux ressortissants somaliens la protection subsidiaire ou le statut de réfugié.
Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2015, le préfet de l'Hérault demande à la cour de rejeter la requête de M. C...A....
Il soutient que :
- en l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté, par ordonnance, la demande dont il était saisi ;
- la décision portant refus d'admission provisoire au séjour, qui a été régulièrement notifiée, est aujourd'hui définitive et ne peut être contestée par voie d'exception d'illégalité ;
- l'obligation de quitter le territoire critiquée n'est pas entachée d'illégalité ;
- dans les circonstances de l'espèce, le requérant n'invoque aucun motif justifiant l'illisibilité de ses empreintes ;
- l'intéressé s'est délibérément placé, par son comportement, dans l'impossibilité de faire instruire sa demande d'asile ;
- la fraude est avérée en ce que l'OFPRA n'a pas requalifié la demande d'asile du requérant en procédure normale ;
- le moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé ;
- la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.
Par une décision en date du 22 janvier 2014 le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C...A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guerrive,
- et les observations de MeD..., représentant M. C...A....
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
1. Considérant que, par décision du 7 octobre 2011, le préfet de l'Hérault a refusé d'admettre provisoirement au séjour M. F...C...A...et que, par arrêté du 5 juin 2013, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois en fixant le pays de destination ;
Sur la décision du préfet de l'Hérault portant refus d'admission provisoire au séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention ou de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien ou de placement ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. (...) " ;
3. Considérant que la décision par laquelle le préfet refuse une autorisation provisoire au séjour à un étranger résidant sur le territoire français et qui a présenté une demande d'admission au séjour ne constitue pas une " mesure de non-admission en France " au sens de ces dispositions ; que l'absence de notification, dans une langue comprise par l'intéressé, de la décision refusant l'admission provisoire au séjour, n'a donc pas pour effet de rendre inopposable à ce dernier le délai de recours contentieux contre cette décision ;
4. Considérant que la demande de M. C...A...dirigée contre la décision du 7 octobre 2011 était donc tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
5. Considérant qu'en application de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue par priorité sur les demandes émanant des personnes auxquelles l'admission provisoire au séjour au titre de l'asile a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'en vertu du 4° de ce dernier article, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée si sa demande " repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés au 2° et 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, " Toute personne visée par le présent règlement est informé par l'Etat membre d'origine...d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées " ; qu'aux termes de l'article 4 : " Collecte, comparaison et comparaison des empreintes digitales. I. chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'asile âgé de 14 ans au moins et transmet rapidement à l'unité centrale les données visées à l'article 5, paragraphe I, point a) à f). La procédure de relevé des empreintes digitales est déterminée conformément à la pratique nationale de l'Etat membre concerné et dans le respect des dispositions de sauvegarde établies dans la convention européenne des droits de l'homme et dans la convention des nations unies relative aux droits de l'enfant " ;
7. Considérant que l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile doit justifier de son identité, de manière à permettre aux autorités nationales de s'assurer notamment qu'il n'a pas formulé d'autres demandes ; qu'il résulte, en particulier, des dispositions du règlement du 11 décembre 2000 que les demandeurs d'asile âgés de plus de 14 ans ont l'obligation d'accepter que leurs empreintes digitale soient relevées ; que l'altération volontaire et réitérée des empreintes digitales, ne permettant pas leur identification et interdisant par là même aux autorités nationales de s'assurer notamment que le demandeur d'asile n'a pas formulé d'autres demandes dans un autre Etat membre, peut être regardée, sous le contrôle du juge, comme relevant une intention de fraude au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant qu' il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, M. C...A...a été reçu le 26 septembre 2011 à la préfecture de l'Hérault afin qu'il soit procédé au relevé de ses empreintes digitales, lesquelles se sont alors révélées inexploitables ; que cette opération a été renouvelée le 7 octobre 2011 sans davantage de succès ; que par une décision du 7 octobre 2011, le préfet, se fondant sur les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a refusé à M. C...A...son admission au séjour au motif que sa demande, dont les empreintes s'étaient révélées inexploitables, reposait sur une fraude délibérée ; que toutefois, le délai de 11 jours qui a séparé les deux relevés d'empreintes ne permettait pas une reconstitution des empreintes de l'intéressé ; que, dans ces conditions, le préfet, sur lequel repose la charge de la preuve de l'altération volontaire et réitérée de empreints digitales du demandeur, ne pouvait déduire de ces deux relevés effectués à seulement 11 jours d'intervalle que le caractère illisible des empreintes de M. C...A...ne résultait pas de circonstances indépendantes du comportement du requérant mais procédait nécessairement de sa volonté de faire obstacle à l'identification de ses empreintes ; qu'en se fondant sur ce seul motif pour rejeter sa demande d'admission au séjour, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'illégalité ; qu'il s'ensuit que M. C...A...disposait du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile, saisie en l'espèce par l'intéressé, statue sur son recours dirigé contre la décision du 30 avril 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'ainsi, en prenant à l'encontre de l'intéressé un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français alors que la Cour nationale du droit d'asile ne s'était pas encore prononcée, le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit ;
9. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C...A...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
10. Considérant que M. C...A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à MeB..., conseil de M. C...A..., de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 28 octobre 2013 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier, rendue dans l'instance n°1304477, est annulée.
Article 2 : L'arrêté du 5 juin 2013 du préfet de l'Hérault refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...A...et lui faisant obligation de quitter le territoire français est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de procéder à un nouvel examen de la situation de
M. C...A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. C...A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C...A..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2015, où siégeaient :
- M. Guerrive, président rapporteur,
- M. Thiele, premier conseiller,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique le 22 juin 2015.
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N° 14MA00884