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22/06/2015 | FRANCE | N°12MA05021

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 22 juin 2015, 12MA05021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat " 13 Habitat " a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société Socotec et la société Axa France Iard à lui verser la somme de 2 336 687 euros à parfaire, en réparation du préjudice résultant des fautes commises par la société Socotec dans l'exécution du marché relatif au diagnostic pour la recherche d'amiante ;

Par un jugement n° 0908750 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2012...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat " 13 Habitat " a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société Socotec et la société Axa France Iard à lui verser la somme de 2 336 687 euros à parfaire, en réparation du préjudice résultant des fautes commises par la société Socotec dans l'exécution du marché relatif au diagnostic pour la recherche d'amiante ;

Par un jugement n° 0908750 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2012 et le 8 juillet 2014, l'office public de l'habitat " 13 Habitat ", représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2012 en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre la société Socotec ;

2°) de condamner la société Socotec à lui verser la somme de 462 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses carences dans l'exécution de sa mission de diagnostic amiante ;

3°) de condamner la société Socotec à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où les premiers juges ont omis de statuer sur le principe de la responsabilité de la société Socotec ; il est insuffisamment motivé ;

- la société Socotec a manqué à son devoir de conseil ;

- elle n'a pas assuré l'exécution du marché dans les conditions règlementaires applicables à la recherche d'amiante ;

- elle était tenue à une obligation de résultat ;

- son préjudice est constitué par l'obligation dans laquelle il s'est trouvé, suite à la découverte de la présence d'amiante, d'ordonner l'interruption des travaux puis de prononcer la résiliation du marché de travaux confié à la société Eiffage et de dédommager cette dernière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2015, la société Socotec France, nouvelle dénomination de la société Socotec, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la demande formée par 13 Habitat et à la condamnation de 13 Habitat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par 13 Habitat ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en application du principe selon lequel une personne, publique ou privée, ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, la réparation éventuellement due par l'auteur d'un diagnostic " amiante " insuffisant doit être, alors que d'autres diagnostics ont été réalisés par d'autres intervenants, proportionnée à l'étendue de son intervention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 2 janvier 2002 relatif au repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant démolition ;

- l'arrêté du 22 août 2002 relatif aux consignes générales de sécurité du dossier technique " amiante ", au contenu de la fiche récapitulative et aux modalités d'établissement du repérage ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Socotec France.

1. Considérant que dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine, l'OPAC Sud, devenu office public de l'habitat " 13 Habitat ", a décidé de procéder à la réhabilitation de la cité des Flamants, située à Marseille ; que cette réhabilitation prévoyait notamment la démolition de quelques immeubles, la réhabilitation des immeubles conservés et la construction de logements neufs ; qu'en préalable à cette opération, l'OPAC Sud a conclu avec la société Socotec le 6 novembre 2006 un marché de fournitures courantes et de services portant sur le diagnostic de la présence d'amiante dans les matériaux mis en oeuvre à l'intérieur des logements et des locaux du " pôle de services " ; que le 21 octobre 2008, l'OPAC Sud a conclu un marché de travaux avec la société Eiffage Construction Provence portant sur la réhabilitation des bâtiments A et de 40 logements diffus dans les bâtiments B et D, d'une durée de 18 mois et d'un montant total de 6 633 438,08 euros TTC ; que, lors d'une inspection réalisée en juin 2009 à la demande de la caisse régionale d'assurance maladie et portant sur la prévention des risques professionnels, la présence d'amiante dans l'enduit de lissage utilisé au droit des jonctions et découpes des cloisons en plâtre et en rebouchage des défauts en plancher haut a été révélée ; qu'à la suite de ce constat, l'OPAC Sud a décidé le 10 juillet 2009 d'arrêter le chantier puis a prononcé le 25 novembre suivant la résiliation du marché conclu avec la société Eiffage Construction Provence, pour motif d'intérêt général ; que l'office public de l'habitat " 13 Habitat " relève appel du jugement du 16 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Socotec à réparer les préjudices résultant des manquements à ses obligations contractuelles et règlementaires ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'au soutien de sa requête, l'office public de l'habitat " 13 Habitat " se prévaut de manquements de la société Socotec France à ses obligations contractuelles et aux obligations réglementaires en matière d'élaboration d'un diagnostic amiante ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 1334-27 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable : " Les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article R. 1334-23 sont tenus, préalablement à la démolition de ces immeubles, d'effectuer un repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et de transmettre les résultats de ce repérage à toute personne physique ou morale appelée à concevoir ou à réaliser les travaux./ Ce repérage est réalisé selon les modalités prévues au septième alinéa de l'article R. 1334-26./ Un arrêté des ministres chargés de la construction, du travail et de la santé définit les catégories de matériaux et produits devant faire l'objet de ce repérage ainsi que les modalités d'intervention. " ; que l'article R. 1334-26 du même code dispose que les propriétaires des immeubles ainsi concernés doivent tenir à jour un dossier technique " Amiante ", lequel comporte, notamment, la localisation précise des matériaux et produits contenant de l'amiante ainsi que, le cas échéant, leur signalisation, ainsi que l'enregistrement de l'état de conservation de ces matériaux et produits ; que ce dossier technique est établi sur la base d'un repérage portant sur les matériaux et produits figurant sur la liste définie à l'annexe 13-9 et accessibles dans travaux destructifs, les propriétaires étant tenus de faire appel, pour ce repérage, à une personne répondant aux conditions posées par l'article R. 1334-29 de ce code ;

4. Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 2 janvier 2002, le repérage des matériaux et produits doit notamment porter sur les murs et cloisons (enduits projetés et joints de dilatation) sur les cloisons légères et préfabriquées (panneaux de cloisons, jonction entre panneaux préfabriqués et pieds/têtes de cloison) et sur les revêtements de sol (dalles plastiques, colles bitumineuses) ; que l'arrêté du 22 août 2002 susmentionné dispose notamment que " l'objectif du repérage est d'identifier et de localiser les matériaux et produits contenant de l'amiante incorporés dans l'immeuble et susceptibles de libérer des fibres d'amiante en cas d'agression mécanique résultant de l'usage des locaux (chocs et frottements) ou générée à l'occasion d'opérations d'entretien ou de maintenance " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'annexe de cet arrêté : " Dans un premier temps, l'opérateur de repérage recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits, accessibles sans travaux destructifs, qui correspondent à la liste définie en annexe du décret n°96-97 du 7 février 1996 modifié et qui sont susceptibles de contenir de l'amiante. S'il a connaissance d'autres produits ou matériaux réputés contenir de l'amiante, il les repère également./ Il examine de façon exhaustive tous les locaux qui composent le bâtiment. La définition de zones présentant des similitudes d'ouvrage permet d'optimiser les investigations à conduire en réduisant le nombre de prélèvements qui sont transmis pour analyse./ Lorsque, dans des cas qui doivent être précisément justifiés, certains locaux ne sont pas accessibles, l'opérateur de repérage émet les réserves correspondantes et préconise les investigations complémentaires qui devront être réalisées./ Dans un second temps, et pour chacun des ouvrages ou composants repérés, en fonction des informations dont il dispose et de sa connaissance des matériaux et produits utilisés, il atteste, le cas échéant, de la présence d'amiante. En cas de doute, il détermine les prélèvements et analyses de matériaux nécessaires pour conclure. Lorsqu'un produit ou matériau est considéré comme étant " susceptible de contenir de l'amiante ", l'opérateur de repérage ne peut conclure à l'absence d'amiante sans avoir recours à une analyse (...) " ; que l'opérateur de repérage, doit, selon l'article 4 de cette annexe, préciser l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante pour chacune de leurs localisations et préconiser des mesures d'ordre général, adaptées à l'ampleur de la dégradation ;

5. Considérant que le marché conclu avec la société Socotec portait sur le diagnostic de la présence d'amiante dans les matériaux mis en oeuvre à l'intérieur des logements et des locaux du pôle de services, certains étant destinés à être réhabilités et d'autres à être démolis ; que, pour ce qui concerne la réhabilitation, le cahier des clauses particulières mentionne le type de travaux projetés, comprenant la mise aux normes de l'électricité, la réfection partielle ou totale des sols pvc, la rénovation du chauffage, la réhabilitation des balcons métalliques, la réfection de l'étanchéité des toitures-terrasses et, enfin, le traitement des façades et des pignons ; que la mission confiée à la société Socotec portait spécifiquement sur le diagnostic de la présence d'amiante dans les matériaux mis en oeuvre à l'intérieur des logements et des locaux du pôle de services ;

6. Considérant que la société Socotec a effectué sa mission sur l'ensemble des bâtiments concernés, mentionnant dans ses rapports les logements inaccessibles soit du fait de 13 Habitat soit du fait des locataires ; que le technicien mentionne dans ses rapports de repérage avoir recherché les matériaux et produits directement concernés par les travaux et mentionnés à l'annexe A de la norme NFX 46.020 ; que cette norme prévoit notamment qu'un repérage des enduits projetés, lisses ou talochés doit être effectué sur les murs et cloisons " en dur " par une inspection visuelle et un sondage à mi-hauteur sur toute l'épaisseur jusqu'au support ; qu'elle prévoit également, s'agissant des cloisons légères ou préfabriquées, la vérification des joints à raison d'un sondage par 1 000 m² ; qu'il résulte de l'instruction que le technicien n'a pas mentionné dans les travaux prévus, alors que ceux-ci figuraient au cahier des clauses particulières, la mise aux normes de l'électricité ; que s'il a effectué un repérage de la peinture des cloisons murales ainsi que son analyse, il n'a cependant pas procédé à un repérage des enduits ni à un sondage à mi-hauteur, contrairement à ce qui est préconisé par la norme précitée ; que c'est précisément au droit des jonctions et découpes des plaques en cloisonnement et en rebouchage des défauts en plancher haut qu'a été détectée la présence d'amiante dans l'enduit de lissage beige ;

7. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par la société Socotec France, les travaux portaient, ainsi qu'il a été dit, sur l'ensemble des pièces des logements et non seulement sur la cuisine et la salle de bains, la mise aux normes de l'électricité étant prévue dans l'intégralité des logements ; que, par suite, en s'abstenant de procéder à un repérage et à un sondage tels que prévus par les dispositions réglementaires susmentionnées, la société Socotec a manqué à ses obligations contractuelles ;

8. Considérant que, nonobstant la circonstance qu'un nouveau diagnostic amiante a été réalisé ultérieurement par la société Bred Expertises, il ressort notamment du rapport de l'inspection réalisée les 10 et 12 juin 2009 à la demande de la caisse régionale d'assurance maladie que la présence d'amiante a été révélée dans les immeubles ayant fait l'objet du diagnostic amiante par la société Socotec et que la résiliation du marché conclu par Habitat 13 avec la société Eiffage Construction Provence a été prononcée pour répondre aux recommandations d'une des sociétés ayant conduit les nouvelles investigations et conclu à la présence d'importantes quantités d'amiante dans les bâtiments concernés ; que, par suite, le lien de causalité entre les manquements de la société Socotec France et le préjudice financier résultant de la résiliation du marché conclu avec la société Eiffage Construction Provence est établi ; que, par conséquent, la responsabilité de la société Socotec doit être retenue ;

9. Considérant que " 13 Habitat " demande la condamnation de la société Socotec France à lui verser la somme totale de 430 000 euros, correspondant à l'indemnité de résiliation versée à la société Eiffage Construction Provence ; que, toutefois, par requête séparée, elle conclut également à la condamnation de la société Bred Expertises à lui verser la même somme ; qu'en vertu du principe selon lequel la victime d'un dommage ne peut demander à chaque coauteur que la réparation de la fraction du dommage correspondant à la part de responsabilité personnellement encourue par chacun d'eux et dès lors que la société Socotec et la société Bred Expertises, en ne respectant pas leurs obligations contractuelles en matière de repérage de l'amiante, ont contribué chacune à la réalisation du dommage, il y a lieu de condamner la société Socotec France à verser la somme de 215 000 euros à 13 Habitat ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'office public de l'habitat " 13 Habitat " est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Socotec France, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Socotec France une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'office public de l'habitat " 13 Habitat " et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0908750 du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La société Socotec France est condamnée à verser la somme de 215 000 (deux cent quinze mille) euros à l'office public de l'habitat " 13 Habitat ".

Article 3 : La société Socotec France versera la somme de 1 000 (mille) euros à l'office public de l'habitat " 13 Habitat " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat " 13 Habitat " et à la société Socotec France.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2015, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- M. Thiele, premier conseiller,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 juin 2015.

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N° 12MA05021

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA05021
Date de la décision : 22/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : RODIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-22;12ma05021 ?
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