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16/06/2015 | FRANCE | N°14MA01150

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 16 juin 2015, 14MA01150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision en date du 5 avril 2012 par laquelle le préfet de Corse a refusé de lui accorder, pour l'année 2012, une autorisation de pêche au corail en Corse, ensemble le rejet implicite du recours gracieux exercé le 3 juin 2012, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1200633 du 16 janvier 20

14, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M.D....

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision en date du 5 avril 2012 par laquelle le préfet de Corse a refusé de lui accorder, pour l'année 2012, une autorisation de pêche au corail en Corse, ensemble le rejet implicite du recours gracieux exercé le 3 juin 2012, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1200633 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M.D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2014 et un mémoire enregistré le 30 mars 2015, M.D..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement précité rendu le 16 janvier 2014 par le tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Corse en date du 5 avril 2012, ensemble le rejet implicite du recours gracieux exercé le 3 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- qu'il invoque l'exception d'illégalité de l'arrêté du préfet de Corse en date du 23 juillet 2006 sur lequel sont fondées les décisions attaquées ; que cet arrêté est entaché d'incompétence ;

- que le préfet de Corse, en se fondant exclusivement sur l'absence d'antériorité en matière de pêche au corail en Corse, a ajouté à l'article L. 921-6 du code rural et de la pêche maritime une condition qui n'est pas prévue ;

- que le préfet de Corse a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il bénéficie d'autorisations délivrées par la direction régionale des affaires maritimes de Marseille pour la pêche au corail depuis 1996 et d'autorisations pour la pêche à l'éponge en apnée dans les eaux marines de la région Provence Alpes Côte-d'Azur depuis 2007 et en Corse depuis 2010 ;

- que plusieurs corailleurs, qui sont tenus à des obligations déclaratives dont l'administration a connaissance, bénéficient d'autorisations depuis plusieurs années sans pour autant exercer la pêche au corail ; que les explications données par le préfet en première instance quant à la détermination de l'antériorité ne sauraient fonder un refus ; que les critères retenus par le préfet reviennent à réglementer la pêche au corail alors que le préfet est incompétent pour ce faire ; qu'il appartient à l'administration de démontrer que les autres pêcheurs ayant obtenu une autorisation bénéficiaient d'une antériorité supérieure ;

- que l'article 1er de l'arrêté du 13 juillet 2006, qui réserve le bénéfice de l'autorisation de pêche au corail, aux pêcheurs exerçant leur activité en Corse est discriminatoire ;

- que les conditions restrictives d'accès à la pêche au corail en Corse portent une atteinte injustifiée à la liberté du commerce et de l'industrie ;

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête de M.D....

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret-loi du 9 janvier 1852 ;

- le décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 ;

- l'arrêté du 6 juillet 2006 portant réglementation de la pêche au corail dans les eaux territoriales de la République française en méditerranée ;

- l'arrêté du 26 décembre 2006 établissant les modalités de répartition et de gestion collective des possibilités de pêche (quotas de captures et quotas d'effort de pêche) des navires français immatriculés dans la Communauté européenne ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,

- et les conclusions de M. Angeniol, rapporteur public ;

1. Considérant que, le 16 février 2012, M.D..., plongeur professionnel, a déposé une demande d'autorisation de pêche au corail en Corse ; que, par une décision en date du 5 avril 2012, le préfet de Corse a refusé de faire droit à sa demande au motif que le nombre d'autorisations était limité à dix et que celles-ci avaient été accordées prioritairement aux pêcheurs ayant des antériorités ; que M. D...a exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 3 juin 2012, lequel a été implicitement rejeté ; que M. D...demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions précitées ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret-loi du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime : "(...) I. - En vue d'assurer un développement économique durable du secteur de la pêche, et notamment de garantir l'accès à la ressource et la bonne utilisation de celle-ci, des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions dans lesquelles, en tenant compte des antériorités des producteurs, des orientations du marché et des équilibres socio-économiques : / a) Des autorisations de pêche sont délivrées par l'autorité administrative ou sous son contrôle. Ces autorisations ont pour objet de permettre l'exercice de la pêche par une entreprise et un navire déterminés, pendant des périodes, dans des zones, pour des espèces ou groupes d'espèces et, le cas échéant, avec des engins et pour des volumes qu'elles fixent. (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 921-1 du code rural et de la pêche maritime : " Dans le respect des objectifs mentionnés à l'article L. 911-2, la récolte des végétaux marins, l'exercice de la pêche maritime embarquée à titre professionnel ou de loisir, de la pêche maritime non embarquée à titre professionnel ou de loisir, de la pêche sous-marine à titre professionnel ou de loisir et de la pêche à pied à titre professionnel ou non peuvent être soumis à la délivrance d'autorisations. / Ces autorisations ont pour objet de permettre à une personne physique ou morale pour un navire déterminé, d'exercer ces activités pendant des périodes, dans des zones, pour des espèces ou groupe d'espèces et, le cas échéant, avec des engins et pour des volumes déterminés. Elles couvrent une période maximale de douze mois. Elles ne sont pas cessibles " ; qu'en vertu de l'article L. 921-2 dudit code : " Les autorisations mentionnées à l'article L. 921-1 sont délivrées par l'autorité administrative ou sous son contrôle, pour une durée déterminée, en tenant compte des trois critères suivants : - l'antériorité des producteurs ; - les orientations du marché ; - les équilibres économiques. (...) Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'exercice des activités mentionnées à l'article L. 921-1, les modalités de délivrance des autorisations ainsi que les modalités d'application des critères. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 10 du décret

n° 90-94 du 25 janvier 1990 pris pour l'application de l'article 3 du décret-loi du 9 janvier 1852 modifié fixant les conditions générales d'exercice de la pêche maritime dans les eaux soumises à la réglementation communautaire de conservation et de gestion : "Le ministre chargé des pêches maritimes fixe, le cas échéant, le nombre d'autorisations de pêche susceptibles d'être délivrées, en tenant compte notamment des capacités biologiques de la zone. Il peut déléguer cette compétence aux autorités administratives désignées à l'article 1er du présent décret. / Sans préjudice des dispositions de l'article L. 921-2 du code rural et de la pêche maritime, les autorisations de pêche sont délivrées par les autorités administratives définies à l'article 1er du présent décret, en tenant compte des antériorités des producteurs, des orientations du marché et des équilibres économiques (...) " ;

3. Considérant, par ailleurs, qu'en vertu de l'arrêté susvisé du 26 décembre 2006 établissant les modalités de répartition et de gestion collective des possibilités de pêche (quotas de captures et quotas d'effort de pêche) des navires français immatriculés dans la Communauté européenne, les antériorités sont définies comme les " références historiques se rapportant à l'activité de pêche maritime ou procédant d'échanges réalisés par une OP à une date donnée. Elles sont établies à partir des données déclarées par les capitaines des navires de pêche conformément aux réglementations communautaires et nationales, en application de l'article 3 du présent arrêté. Elles constituent une méthode de calcul permettant de procéder à la répartition des quotas et non un droit permettant de revendiquer ces quotas " ; que les dispositions de l'article 5 dudit arrêté définissent les antériorités en fonction du volume des captures ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que les antériorités de pêche correspondent aux quantités régulièrement déclarées par les exploitants des navires au cours de la période concernée ;

4. Considérant qu'il ressort des explications fournies par le préfet de Corse en première instance que, pour procéder à l'examen des antériorités de chaque demandeur, celui-ci examine successivement l'antériorité de pêche dans une zone donnée et pour une espèce donnée en recherchant si le pêcheur présentant sa demande disposait, l'année précédente, d'une autorisation de pêche au corail dans les eaux marines de Corse, puis l'antériorité de pêche sans zone ni espèce déterminées et, enfin, l'antériorité de la demande ;

5. Considérant que si le préfet était fondé, pour déterminer les antériorités de chaque pêcheur, à ne prendre en compte, dans un premier temps, que les pêcheurs ayant bénéficié, pour la pêche au corail, d'une autorisation l'année précédente, dans les eaux territoriales de la République française au large de la Corse, qui constituent une zone maritime distincte des eaux de méditerranée continentale, il devait néanmoins rechercher si certains des bénéficiaires de ces autorisations pouvaient, au vu des captures qu'ils avaient déclarées, se prévaloir de ladite antériorité ; qu'en se bornant à vérifier l'existence d'une telle autorisation l'année précédente sans rechercher si elle avait donné lieu à exploitation et sans tenir compte du volume des captures déclaré par les exploitants des navires, le préfet de Corse a entaché le choix des dix pêcheurs bénéficiaires des autorisations de pêche au corail en Corse, et par suite, les décisions de refus d'autorisation opposées à M.D..., d'une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du

5 avril 2012, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement ainsi que, par l'effet dévolutif de l'appel, les deux décisions attaquées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. D...en application des dispositions précitées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1200633 rendu le 16 janvier 2014 par le tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Corse en date du 5 avril 2012 ensemble le rejet implicite du recours gracieux exercé par M. D...le 3 juin 2012 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée au préfet de Corse.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Gonzales, président de chambre,

- M. Renouf, président-assesseur,

- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2015.

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N° 14MA011502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01150
Date de la décision : 16/06/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

395-04


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SCP PIERRE COLONNA D'ISTRIA - NICOLE GASIOR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-16;14ma01150 ?
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