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18/05/2015 | FRANCE | N°13MA02768

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mai 2015, 13MA02768


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2013, sous le n° 13MA02768, présentée pour la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout, domiciliée..., par Me Sagnes, avocat ;

La société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1005075 du 13 mai 2013 du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat du paiement de la somme de 415 965 euros HT,

- de rejeter la demande d'appel en garantie formulée par l'Etat,

- de co

ndamner l'Etat à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2013, sous le n° 13MA02768, présentée pour la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout, domiciliée..., par Me Sagnes, avocat ;

La société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1005075 du 13 mai 2013 du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat du paiement de la somme de 415 965 euros HT,

- de rejeter la demande d'appel en garantie formulée par l'Etat,

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé,

- la société n'a commis aucune faute ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 23 décembre 2013, présenté pour l'Etat par le ministre de l'économie et des finances, par Me Buès, avocat ; il conclut au rejet de la requête, et à titre subsidiaire à ce que la condamnation soit ramenée à une somme ne comprenant pas les 17 % de frais généraux accordés par le tribunal ; il conclut en outre à la condamnation de la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout à lui verser une somme de 5000 euros augmentée de la TVA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que Atelier devait garantir l'Etat,

- le taux de 17 % de frais généraux est excessif ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 13 avril 2015, présenté pour la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout, domiciliée..., par Me Sagnes, avocat ; la société conclut aux mêmes fins que la requête ; elle soutient au surplus que :

- le principe de l'unicité du décompte interdit sa mise en cause ultérieurement à la fin des rapports contractuels,

- sa mise en cause ne repose sur aucun fondement juridique, ni sur aucun fondement factuel ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 15 avril 2015, présenté pour la société Eiffage construction Roussillon, dont le siège social est situé 16 cours Lazard Escarguel à Perpignan (66000), par Me Jehan de La Marque, avocat ; elle conclut au rejet de l'appel provoqué de l'Etat et à la condamnation dudit succombant à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- les conclusions de l'Etat sont irrecevables car nouvelles en appel,

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le taux de frais généraux était de 17 % ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 17 avril 2015, présenté pour l'Etat par le ministre des finances et des comptes publics, par Me Buès, avocat ; l'Etat conclut aux mêmes fins que précédemment ; il soutient au surplus que :

- le caractère unique du décompte ne peut lui être opposé,

- ses conclusions comme ses moyens sont recevables dès lors que l'on a discuté en première instance de la question des frais généraux, et qu'un moyen nouveau en appel est recevable,

- le moyen est fondé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2015 :

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout et Me B...pour le ministre des finances et des comptes publics ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré reçue le 24 avril 2015, présenté pour la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout, par Me Sagnes, avocat ;

1. Considérant que par acte d'engagement du 13 octobre 2006, la société Eiffage construction Roussillon s'est vu confier par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le lot n° 1 " fondations spéciales - gros oeuvre - génie civil " du marché à prix forfaitaire relatif à la construction d'un bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) à Porta, dans les Pyrénées-Orientales, d'un montant initial de 3 975 000 euros HT soit 4 754 100 euros TTC ; que la maîtrise d'oeuvre de ces travaux a été confiée à la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout et le lot OPC (Ordonnancement, pilotage et coordination) a été attribué à la société Coordination Bâtiment et TP Ingénierie Travaux (CBIT) ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à la société Eiffage construction Roussillon la somme de 482 078,17 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 12 novembre 2010 ; que la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout relève appel du jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat des condamnations mises à sa charge dans la limite de 415 965 euros HT, et à le garantir en totalité des frais et honoraires d'expertise ;

Sur l'appel principal et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la motivation insuffisante du jugement en tant qu'il fait droit à l'appel en garantie de l'Etat :

Sur le fond :

2. Considérant que, pour condamner l'Etat, le tribunal a relevé " que les travaux de gros oeuvre n'ont pas démarré conformément à ce qui était prévu au marché, modifiant ainsi le calendrier prévisionnel d' exécution des travaux et que les travaux d'alimentation électrique et en eau du chantier, ainsi que les travaux de construction d'un mur de soutènement ont également subi du retard et que ces différents retards, qui ne sont pas imputables à la société Eiffage construction Roussillon, ont gravement affecté le déroulement d'ensemble des travaux du lot gros oeuvre ", que " les retards dans l'exécution du marché résultent d'un défaut de contrôle et de coordination du chantier, imputable au maître d'ouvrage " et pour condamner la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout à garantir l'Etat, " que les retards pris dans l'exécution du chantier en cause, se traduisant par sa désorganisation et qui ont motivé la condamnation au point 9 ci-dessus, apparaissent imputables au maître d'oeuvre qui n'a pas pleinement exécuté la mission de direction de l'exécution du chantier qui lui incombait " ; que, toutefois, l'Etat n'invoque aucune faute dans la mission du maître d'oeuvre qui aurait été à l'origine des retards qui ont été indemnisés par le tribunal au profit de la société Eiffage construction Roussillon ; que le rapport d'expertise déposé dans le cadre du dossier de première instance ne mentionne pas que la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout serait à l'origine des retards en cause ; que par ailleurs, l'avenant n° 5 au contrat de maîtrise d'oeuvre stipule que " le délai d'exécution, fixé initialement à 20 mois a été porté à 35 mois, pour partie du fait des conditions météorologiques, et pour partie du fait de retards considérables des entreprises de travaux. Cela a pour conséquence un rallongement de la mission DET engendrant des frais pour groupement de maîtrise d'oeuvre sans que ces prolongations de délais lui soient imputables " ; qu'ainsi aucune pièce du dossier ne permet d'établir que le maître d'oeuvre aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à garantir l'Etat d'une partie des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur l'appel provoqué :

3. Considérant que, par la voie de l'appel provoqué, qui est recevable dès lors que le présent arrêt aggrave sa situation, l'Etat demande la réduction de la somme qu'il a été condamné à verser à la société Eiffage construction Roussillon ; que dans ce cadre, il est recevable à contester l'intégralité de la condamnation prononcée à son encontre ; que la fin de non recevoir opposée par la société doit être écartée ;

4. Considérant que le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la société Eiffage construction Roussillon une somme de 415 965 euros HT au titre des retards pris dans l'exécution du marché ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal le coefficient contesté de " frais généraux " ne s'élevait pas à 1,7 %, mais à 17 %, que l'expert a ainsi justifié : " à défaut de pièces comptables fournies par la société Eiffage construction Roussillon, le taux de 1,17 a été analysé et retenu. En effet, ce taux intègre outre les frais généraux, la part bénéficiaire escomptée par l'entreprise. Il permet de passer d'un déboursé à un prix de revient, puis à un prix de vente. Compte tenu de cette précision, ce taux de 1,17 (relativement faible) me paraît justifié " ; que toutefois, si l'indemnisation du préjudice subi du fait de retard dans l'exécution du marché peut comprendre des sommes représentatives de frais généraux, elle ne peut intégrer des sommes représentatives de la marge bénéficiaire attendue ; que, compte tenu des pratiques habituelles de la profession, il y a donc lieu de fixer à 8 % le coefficient de majoration représentatif des frais généraux supplémentaires résultant des retards de chantier ; qu'il en résulte que la somme de 415 965 euros que l'Etat a été condamné à verser à ce titre à la société Eiffage construction Roussillon au titre des retards de chantier doit être ramenée à 383 967 euros ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer en ce sens le jugement attaqué en ramenant à 450 080,17 euros le montant total de la condamnation prononcée par les premiers juges ;

5. Considérant que la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance, la demande de l'Etat fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à ce titre, qu'il versera à la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout ; qu'il y a également lieu de rejeter les conclusions présentées par la société Eiffage construction Roussilon à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1005075 du 13 mai 2013 susvisé du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'appel en garantie de l'Etat dirigé contre la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout est rejeté.

Article 3 : La somme de 482 078,17 euros HT que l'Etat a été condamné à verser à la société Eiffage construction Roussillon par l'article 1er du jugement est ramenée à la somme de 450 080,17 euros (quatre cent cinquante mille quatre-vingts euros et 17 centimes) HT.

Article 4 : L'article 1er du jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5: Le surplus des conclusions du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 6 : L'Etat versera à la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la société Eiffage construction Roussillon fondées sur les dispositions de l'article L 761 sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelier d'architecture Emmanuel Nebout, au ministre des finances et des comptes publics et à la société Eiffage construction Roussillon.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2015, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 mai 2015

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N° 13MA02768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02768
Date de la décision : 18/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SCP LEVY - BALZARINI - SAGNES - SERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-05-18;13ma02768 ?
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