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18/05/2015 | FRANCE | N°13MA02532

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mai 2015, 13MA02532


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 26 juin 2013, sous le n° 13MA02532, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Taxil, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

- de réformer le jugement n° 1204701 du 29 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à lui verser une somme de 600 euros ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 37 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande est ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 26 juin 2013, sous le n° 13MA02532, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Taxil, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

- de réformer le jugement n° 1204701 du 29 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à lui verser une somme de 600 euros ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 37 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande est bien fondée, comme l'a jugé le tribunal,

- l'indemnisation du préjudice est insuffisante ;

Vu la décision du 10 septembre 2013 du bureau d'aide juridictionnelle, accordant l'aide juridictionnelle totale à MmeB... ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 2 décembre 2013, présenté pour l'Etat par le ministre de l'égalité des territoires et du logement ; l'Etat conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- l'existence du préjudice matériel n'est pas établie,

- les troubles dans les conditions d'existence ont été correctement évalués par le tribunal ;

Vu le jugement attaqué

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2015 :

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de Me Taxil pour Mme B...;

1. Considérant que MmeB..., qui avait saisi la commission de médiation des Bouches-du-Rhône sur le fondement du droit opposable au logement, a été déclarée prioritaire et devant être relogée en urgence par décision de cette commission du 18 novembre 2010 ; que le préfet, conformément aux dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, avait demandé à la société Habitat Marseille Provence de procéder au logement de Mme B...dans le délai de trois mois ; que cette demande n'avait pu encore aboutir, malgré la persistance de la situation d'urgence reconnue par la commission ; que le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 6 septembre 2011 devenu définitif, enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au logement de Mme B...dans un délai de deux mois sous astreinte destinée au fonds d'aménagement urbain de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de 25 euros par jour de retard ; que Mme B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a limité la condamnation de l'Etat à une somme de 600 euros ; que l'Etat se borne à demander le rejet de la requête ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l'Etat à toute personne qui (...) n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. / Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. " ; qu'aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du même code : " (...) Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement (...) / La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. / (...) Le représentant de l'Etat dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. En Ile-de-France, il peut aussi demander au représentant de l'Etat d'un autre département de procéder à une telle désignation. (...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) " ; que selon les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code précité : " I.-Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. " ; qu'aux termes de l'article R. 441-16-1 du même code : " A compter du 1er décembre 2008, le recours devant la juridiction administrative prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 peut être introduit par le demandeur qui n'a pas reçu d'offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités passé un délai de trois mois à compter de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence. Dans les départements d'outre-mer et, jusqu'au 1er janvier 2014, dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de six mois. " ;

3. Considérant que les dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, fixent pour l'Etat une obligation de résultat dont peuvent se prévaloir les demandeurs ayant exercé les recours amiable ou contentieux prévus à l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ; que pour rendre effectif le droit à un logement décent et indépendant, dont l'Etat est le garant, le législateur a, d'une part, prescrit que le représentant de l'Etat dans le département du demandeur, ou des autres départements en ce qui concerne la région Ile-de-France, saisisse les bailleurs sociaux en vue du relogement de ce dernier dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de la commission de médiation et, en cas de refus de ces organismes, procède à l'attribution d'un logement sur ses droits de réservation, et, d'autre part, institué un recours spécifique en faveur des demandeurs prioritaires n'ayant pas reçu d'offre, devant un juge doté d'un pouvoir d'injonction et d'astreinte pour que leur relogement soit assuré ;

4. Considérant que si le préfet, conformément aux dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, a demandé à la société Habitat Marseille Provence de procéder au logement de Mme B...dans le délai de trois mois, il est constant que cette demande n'a pu encore aboutir ; que, de même, le jugement du 6 septembre 2011 du tribunal administratif de Marseille enjoignant au préfet des Bouches-du-Rhône d'assurer le relogement de Mme B...et de sa famille n'a pas été exécuté ; que cette double carence est constitutive de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les préjudices :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...vit depuis de nombreuses années, avec son époux et leurs quatre enfants, dans un logement de 47 m² n'offrant pas des conditions normales d'habitabilité ; qu'elle est personnellement fondée à demander l'indemnisation des troubles de toute nature ayant résulté de son maintien dans ces conditions de logement précaires du fait des carences fautives de l'administration ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature personnellement subis par Mme B...depuis le mois de mai 2011 et du trouble apporté à l'intéressée par la non-exécution du jugement du tribunal, en portant la somme allouée par le tribunal à 8 000 euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt ; qu'en revanche, elle n'établit pas l'existence d'un préjudice matériel tenant à la différence entre le montant des loyers qu'elle a versés durant cette période et celui qu'elle aurait pu être amenée à régler s'il lui avait été donné satisfaction ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, bien qu'incohérente, la motivation de ces conclusions permet de les regarder comme demandant à la cour de verser une somme au titre de ces dernières dispositions ; que si ces conclusions devaient être lues comme demandant également la condamnation de l'Etat à verser une somme au titre des frais non compris dans les dépens de première instance, le motif retenu par le tribunal n'est pas contesté en appel ; qu'il en résulte que la demande formulée au titre des frais non compris dans les dépens de première instance ne peut être que rejetée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Me Taxil la somme de 2000 euros, ce versement emportant renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 600 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme B...par le jugement susvisé est portée à 8 000 (huit mille) euros.

Article 2 : Le jugement susvisé est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à Me Taxil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement emportant renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me Taxil et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2015, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 mai 2015.

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N° 13MA02532 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02532
Date de la décision : 18/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-07-01 Logement.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : TAXIL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-05-18;13ma02532 ?
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