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23/04/2015 | FRANCE | N°14MA04657

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 23 avril 2015, 14MA04657


Vu la décision n° 372221 en date du 19 novembre 2014, enregistrée le 25 novembre 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA04657, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit pour Mme C...D..., a annulé l'arrêt n° 11MA02303 du 15 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant ladite Cour ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 juin 2011, sous le n° 11MA02303, présentée pour Mme C...D..., demeurant..., par MeA... ;

Mme D...demande à la Cour

:

1°) d'annuler le jugement n° 0903370 du 16 mai 2011 par lequel le tri...

Vu la décision n° 372221 en date du 19 novembre 2014, enregistrée le 25 novembre 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA04657, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit pour Mme C...D..., a annulé l'arrêt n° 11MA02303 du 15 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant ladite Cour ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 juin 2011, sous le n° 11MA02303, présentée pour Mme C...D..., demeurant..., par MeA... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903370 du 16 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 9 avril 2009 du silence gardé par le maire de la commune de Marseille sur sa demande tendant à l'indemnisation par la commune de Marseille des conséquences dommageables résultant de l'accident mortel subi par son époux le 5 février 2006 lors d'une randonnée dans la calanque des Pierres Tombées à Sugiton et à la condamnation de la commune à lui verser la somme totale de 221 730 euros au titre du préjudice subi résultant de cet accident ;

2°) à titre principal, de faire droit à sa demande, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de un euro symbolique ;

3°) de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de MeE..., pour Mme D...et de MeB..., pour la commune de Marseille ;

1. Considérant que le 5 février 2006 M.D..., randonneur expérimenté qui faisait une marche dans les calanques de Cassis, a fait une pause sur une petite plage naturelle au lieu-dit "les Pierres Tombées" située dans le site de la calanque de Sugiton ; qu'un bloc de pierre d'un poids d'environ vingt tonnes s'est brusquement détaché de la falaise surplombant la plage et s'est effondré sur M. D...dont il a causé le décès ; que MmeD..., estimant que la responsabilité de la commune de Marseille était engagée dans la survenue de cet accident, a formé une réclamation préalable indemnitaire, notifiée le 9 février 2009 au maire de Marseille, laquelle est restée sans réponse ; qu'elle a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et la condamnation de la commune à lui verser la somme totale de 221 730 euros au titre du préjudice subi résultant du décès de son époux ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que l'accident de M. D...s'est produit antérieurement à l'entrée en vigueur dudit code ; qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble géologique de la calanque de Sugiton, lequel inclut le lieu de l'accident et tout particulièrement la calanque des Pierres Tombées, est resté en son état naturel et sauvage qui le rend difficile d'accès ; que ce site ne peut, dès lors, être regardé comme directement affecté à l'usage du public ni comme affecté à un service public et spécialement aménagé à cet effet, malgré la signalisation qui y a été implantée en vue d'avertir les randonneurs du danger qu'il y a à le parcourir et les travaux de purge de la falaise qui y ont été effectués, lesquels ne revêtent pas le caractère de travaux publics ; qu'il ne fait donc pas partie du domaine public de la commune de Marseille ; que, par suite, les conclusions tendant à engager la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien de ce bien du domaine privé, présentées par Mme D...devant les premiers juges, ont été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'en rejetant la demande de Mme D...en statuant au fond du litige, le tribunal administratif de Marseille, qui était tenu de relever d'office l'incompétence de la juridiction administrative, a méconnu son office et, par suite, commis une erreur de droit ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions précitées de MmeD... ; qu'il y a lieu pour la Cour de statuer sur ce point par la voie de l'évocation et, pour le surplus, par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur la responsabilité de la commune :

4. Considérant que, pour les mêmes raisons qu'exposées au point 2, ni la plage ni la falaise de la Calanque des Pierres Tombées ne sauraient être regardées comme constitutives d'un ouvrage public ou comme appartenant au domaine public de la commune de Marseille ; qu'il suit de là que les conclusions de l'appelante présentées sur le fondement, d'une part, du défaut d'entretien normal de l'ouvrage ou du domaine public et, d'autre part, sur le fondement de l'article 1384 du code civil ont été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'elles doivent, par suite, être rejetées ;

5. Considérant que Mme D...recherche également la responsabilité de la commune de Marseille sur le terrain de la carence fautive du maire de cette commune dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 2 il résulte de l'instruction que l'accident dont M. D...a été victime s'est produit dans l'ensemble géologique de la calanque de Sugiton, lequel inclut le lieu de cet accident, et que, tout particulièrement la calanque des Pierres Tombées est restée en son état naturel et sauvage qui la rend difficile d'accès ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la comparaison de la photographie des lieux publiée dans le quotidien " La Provence ", du vendredi 13 janvier 2006, annexée au mémoire de Mme D... enregistré le 27 mai 2010 au greffe du tribunal administratif de Marseille et de la photographie des mêmes lieux, annexée au mémoire produit devant la même juridiction le 14 octobre 2010 par la commune de Marseille, que l'accès à la calanque de Sugiton qui mène à celle des Pierres Tombées, était signalé par un panneau portant la mention " Ville de Marseille, Domaine de Luminy, Calanque de Sugiton, Accès Dangereux, Attention chutes de Pierres " ; qu'il ressort des pièces versées au dossier par la commune de Marseille que la falaise qui surplombe cette plage rocheuse, restée dans un état totalement naturel, ne menace aucune habitation ou ouvrage humain et a fait l'objet de travaux de purge effectués par la société Simeco du 3 au 14 février 2003 ;

6. Considérant que si la requérante fait valoir que, malgré cette configuration, la calanque est fréquentée traditionnellement par des randonneurs et des naturistes et qu'eu égard au risque particulier qu'elle présente du fait de sa situation au pied d'une falaise verticale, elle aurait dû faire l'objet d'une signalisation particulière ou aurait même du être interdite aux promeneurs, comme elle l'a d'ailleurs été après l'accident litigieux, dans l'attente d'une expertise de la roche avant sa réouverture au public, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'aucun élément, antérieurement à l'accident, ne permettait de supposer que la falaise aurait présenté un risque imminent ou exceptionnel d'effondrement, d'autre part, que les promeneurs qui s'engagent dans le massif des calanques ne peuvent ignorer les risques, habituels sur des sentiers présentant les mêmes caractéristiques que ceux d'une zone de montagne, auxquels ils s'exposent et qu'ils étaient en mesure, avertis par la signalisation précitée, par le nom même de l'endroit et en voyant la haute paroi verticale surplombant le lieu, d'évaluer qu'une halte sur cette plage non aménagée pouvait présenter un risque important d'éboulement ; que, par suite, la requérante, qui ne produit aucun début d'élément technique de nature à justifier, comme elle le demande, la désignation d'un expert, n'établit pas qu'il existait un risque exceptionnel de chute de pierres excédant celui auquel un randonneur pouvait s'attendre et de nature à justifier que le maire prenne d'autres mesures que celles décrites ci-dessus dans l'usage des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 2212-2, 5° du code général des collectivités territoriales ; que, dans ces circonstances, le moyen tiré par la requérante de la carence fautive du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur la demande formée par Mme D... au titre du défaut d'entretien du domaine privé de la commune, que cette demande doit être rejetée comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître et que le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme D...à verser à la commune de Marseille la somme qu'elle demande sur le même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 2011 est annulé en tant qu'il statue sur la demande formée par Mme D...au titre du défaut d'entretien du domaine privé de la commune. Cette demande est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à la commune de Marseille et à la Caisse des dépôts et consignations.

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N° 14MA04657 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04657
Date de la décision : 23/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre FIRMIN
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BOUTEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-23;14ma04657 ?
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