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21/04/2015 | FRANCE | N°14MA00016

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 avril 2015, 14MA00016


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2014, présentée pour M. C... F..., demeurant..., M. B... F..., demeurant..., Mme D...F..., demeurant..., et Mme E...F..., demeurant..., par Me G... ;

Les consorts F...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300700 du 8 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné, pour contravention de grande voirie, M. C... F...à verser une amende de 1 000 euros, à payer à l'Etat la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et à remettre en état le domaine public mariti

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Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2014, présentée pour M. C... F..., demeurant..., M. B... F..., demeurant..., Mme D...F..., demeurant..., et Mme E...F..., demeurant..., par Me G... ;

Les consorts F...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300700 du 8 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné, pour contravention de grande voirie, M. C... F...à verser une amende de 1 000 euros, à payer à l'Etat la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et à remettre en état le domaine public maritime en procédant au retrait des clôtures qui y sont implantées au droit de la parcelle cadastrée MI 104 dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) d'annuler la procédure de contravention de grande voirie ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 6 juillet 1982 ;

4°) de rejeter la demande de l'Etat présentée au titre des frais d'instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de M. C... F..., la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code pénal ;

Vu le décret n° 66-413 du 17 juin 1966 portant application de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime ;

Vu le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 relatif aux peines d'amende applicables aux infractions de grande voirie commises sur le domaine public maritime en dehors des ports ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., pour les consortsF... ;

1. Considérant que, le 21 septembre 2012, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de M. C...F...pour avoir installé, sans autorisation, sur le domaine public maritime une clôture d'une emprise d'environ 60 m2 ; que, par l'article 1er du jugement du 8 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser une amende de 1 000 euros et à payer à l'Etat la somme de 50 euros au titre des frais engagés pour l'établissement du procès-verbal et, par l'article 2 du jugement, l'a condamné à remettre le site en état dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision ; que M. C...F..., M. B...F..., Mme D...F...et Mme E... F...font appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité :

2. Considérant qu'en vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort est ouvert aux parties présentes à l'instance sur laquelle le jugement qu'elles critiquent a statué ; qu'il résulte cependant de l'instruction que seul M. C... F...a été poursuivi pour contravention de grande voirie ; que, si les mémoires en défense des 1er mars et 11 juillet 2013 ont été présentés également au nom de ses enfants, M. B... F..., Mme D...F...et Mme E... F...doivent être regardés comme étant intervenus volontairement à l'instance ;

3. Considérant que l'intervenant en défense à la demande de première instance ne peut faire appel du jugement faisant droit à cette demande que si, à défaut d'intervention, il aurait eu qualité pour former tierce-opposition à ce jugement ; qu'en vertu de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, une personne ne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle que si elle préjudicie à ses droits ;

4. Considérant qu'eu égard au caractère personnel des peines pouvant être prononcées contre le contrevenant de grande voirie, M. B...F..., Mme D...F...et Mme E... F...ne justifient d'aucun droit auquel le jugement ait préjudicié en statuant sur l'action publique exercée contre M. C...F... ; qu'il en est de même de la demande de condamnation au titre des frais d'établissement du procès-verbal dirigée par l'Etat contre ce dernier ; que, dès lors, ils n'auraient pas eu qualité, s'ils n'étaient pas intervenus dans l'instance, pour former tierce opposition contre le jugement du 8 novembre 2013 en tant qu'il a statué sur l'action publique et sur les frais susmentionnés ; qu'il suit de là que M. B...F..., Mme D...F...et Mme E... F...ne sont pas recevables à faire appel de l'article 1er du jugement attaqué ;

5. Considérant, en revanche, que le jugement attaqué, en tant qu'il ordonne la remise en état des lieux par la suppression de la clôture litigieuse, préjudicie à leurs droits en leur qualité de nus-propriétaires de la parcelle MI 104 dont les limites incluent, selon eux, la bande de terrain sur laquelle l'ouvrage est implanté ; qu'ainsi, ils auraient eu qualité, s'ils n'étaient pas intervenus dans l'instance, pour former tierce opposition contre le jugement en tant qu'il a condamné M. C... F...à procéder à l'enlèvement de ladite clôture ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, M. B...F..., Mme D...F...et Mme E... F...sont recevables à faire appel de l'article 2 du jugement attaqué ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Considérant que les consorts F...font grief au jugement attaqué de ne pas avoir visé le mémoire qu'ils ont produit devant les premiers juges le 29 octobre 2012 ; qu'il résulte cependant de l'instruction que le préfet de l'Hérault n'a saisi le tribunal en application de l'article R. 774-2 du code de justice administrative que le 13 février 2013 ; qu'ainsi, les écritures produites par les requérants le 29 octobre 2012 ne correspondaient, à cette date, à aucune instance ouverte devant le tribunal ; que le mémoire introductif d'instance du préfet a été communiqué à M. C... F...qui a ainsi été mis à même de faire valoir utilement sa défense par deux mémoires enregistrés les 1er mars et 11 juillet 2013 ; que, dans ces circonstances, le jugement attaqué n'avait pas à viser les écritures des consorts F...présentées le 29 octobre 2012 ;

7. Considérant que, dans leurs écritures de première instance, les consorts F...ont fait valoir que l'implantation de la clôture litigieuse respectait la servitude de passage des piétons prévue à l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme ; que, si le jugement attaqué n'a pas statué sur ce moyen, M. C... F...était poursuivi pour une atteinte à l'intégrité du domaine public maritime et non pour une méconnaissance des dispositions d'urbanisme ; que le moyen soulevé était ainsi inopérant ; que le tribunal n'était dès lors pas tenu d'y répondre ;

Sur la procédure :

8. Considérant que, comme l'a relevé le tribunal, l'observation du délai de dix jours prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative, pour faire notifier au contrevenant la copie du procès-verbal de contravention, n'est pas prescrite à peine de nullité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce délai est inopérant ;

Sur le bien-fondé des poursuites :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende " ; que l'article 1er du décret susvisé du 25 février 2003 dispose : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation maritime prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5e classe (...) " ; que, selon l'article 131-13 du code pénal, le montant de l'amende encourue pour les contraventions de la 5e classe est de 1 500 euros au plus ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le rivage de la mer, tel qu'il est défini par l'article L. 2111-4 précité, fait partie du domaine public maritime naturel de l'Etat et ne peut faire l'objet d'une propriété privée, nonobstant les actes de propriété dont peuvent se prévaloir les riverains, et que, par suite, ces derniers ne peuvent y édifier des ouvrages ou y réaliser des aménagements sans l'autorisation de l'autorité compétente de l'Etat, sous peine de poursuites pour contravention de grande voirie ; que M. C...F...ne conteste pas que le terrain sur lequel est implanté la clôture litigieuse est couvert par les plus hautes mers en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; qu'il constitue dès lors le rivage de la mer au sens de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et appartient, de ce fait, au domaine public maritime naturel de l'Etat ; que la circonstance que la délimitation de ce domaine public, telle que constatée par l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1982, présenterait un tracé variable d'une parcelle à une autre ne suffit pas à démontrer qu'elle ne correspond pas aux limites effectives du rivage de la mer ; qu'il suit de là que M. C... F...ne peut utilement se plaindre d'une méconnaissance du principe du contradictoire ou se prévaloir de l'acte notarié du 28 mars 1917 dont découlent ses droits réels sur la parcelle MI 104, pour soutenir que la clôture en cause ne serait pas implantée sur le domaine public maritime ;

11. Considérant que les travaux réalisés par M. C... F...ont porté atteinte à l'intégrité du domaine public maritime et sont dès lors constitutifs d'une contravention de grande voirie, quand bien même ils auraient consisté uniquement à remplacer par une nouvelle clôture celle déjà existante ; que la circonstance que l'implantation de cet ouvrage ne méconnaîtrait pas la servitude de passage prévue à l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme est sans incidence sur la matérialité de l'infraction, comme il a été dit au point 7 ;

12. Considérant que, même si M. F...s'étonne de la durée écoulée entre l'intervention de l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1982 portant délimitation du domaine public maritime sur le territoire de la commune d'Agde et la date de sa publication, il n'est pas contesté que l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1982 a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault n° 11 du 30 novembre 2001 ; que, par suite, M. C... F...n'est pas recevable à exciper de son illégalité ; qu'en tout état de cause, un tel acte, qui se borne à constater les limites du rivage de la mer, a une portée purement déclarative ; que son illégalité est dès lors sans incidence sur l'appartenance ou non du terrain en litige au domaine public maritime et, par suite, sur le bien-fondé des poursuites exercées contre M. C... F... ;

13. Considérant que l'Etat n'avait pas à mettre en oeuvre une procédure d'expropriation dès lors que le terrain d'implantation de la clôture est entré dans le domaine public maritime par le seul effet de l'avancée des plus hautes mers ;

14. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient M. C... F..., la somme de 50 euros que le tribunal l'a condamné à verser ne correspond pas aux frais d'instance exposés par l'Etat à l'occasion de la saisine du tribunal mais aux frais supportés par l'Etat à raison des poursuites engagées contre lui ; que l'Etat est fondé à demander le paiement de ces frais, dont le montant est suffisamment justifié par la production d'un décompte administratif ; que, si M. C... F...soutient que les sommes réclamées par le préfet de l'Hérault au titre de la notification du jugement et des frais de recherches pour traitement du dossier sont injustifiées, en tout état de cause le tribunal a réduit les prétentions du préfet de 90 à 50 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le montant retenu par les premiers juges présenterait un caractère anormalement élevé ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser une amende de 1 000 euros et à payer à l'Etat la somme de 50 euros au titre des frais de poursuites ;

Sur le bien-fondé de l'action domaniale :

16. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés aux points 8 à 11, les consorts F...ne sont pas fondés à soutenir que la clôture litigieuse est implantée sur leur propriété et que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné M. C... F..., en sa qualité d'auteur des travaux et de gardien de l'ouvrage, à remettre le domaine public maritime en état par l'enlèvement de ladite clôture ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que les consorts F...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à M. B... F..., à Mme D...F..., à Mme E... F...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 14MA00016 5

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00016
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Faits constitutifs.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Poursuites - Condamnations - Amende.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Poursuites - Condamnations - Remise en état du domaine.

Procédure - Voies de recours - Appel - Recevabilité - Qualité pour faire appel.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCHNEIDER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-21;14ma00016 ?
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