Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour la société Siloxane, dont le siège est au 5 place Saint Nizier à Lyon (69002), par Me C... ;
La société Siloxane demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202226 du 21 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant d'une part, à ce que la décision du 4 janvier 2012 par laquelle le département des Alpes-Maritimes a résilié le lot n° 1 " Acquisition et maintenance d'un système de télétransmission aux normes SESAM-VITALE pour les centres de protection maternelle et infantile du conseil général des Alpes-Maritimes " du marché à bons de commande n° 2010-397 du 29 septembre 2010 soit déclarée irrégulière et fautive et, d'autre part, à la condamnation du département des Alpes-Maritimes, en raison de l'illégalité de la mesure de résiliation du marché, au paiement d'une somme totale de 151 818,58 euros ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance et de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser une somme de 131 818,58 euros au titre de la réparation de son préjudice économique et une somme de 20 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral, professionnel et d'image ;
3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a relevé d'office la nullité du contrat ;
- s'il est vrai que son offre technique ne correspondait pas exactement avec les exigences du cahier des clauses techniques particulières, une telle irrégularité n'est néanmoins pas suffisante à emporter la nullité du contrat ;
- l'attribution du marché n'a pas porté atteinte gravement à la concurrence ou aux intérêts de la collectivité ;
- le système livré était globalement opérationnel dans la mesure où il permettait la transmission électronique de la quasi-totalité des actes ;
- c'est l'imprévoyance du département qui l'a conduit, plus d'une année après l'attribution du marché, à s'apercevoir que les prestations commandées ne correspondaient pas aux attentes de ses partenaires, médecins spécialistes intervenant dans les centres de protection maternelle et infantile et caisse primaire d'assurance maladie ;
- elle ne s'est livrée à aucune manoeuvre dans le libellé de son offre ;
- elle a fourni au département une solution parfaitement opérationnelle ;
- il n'y a pas, en l'espèce, de vice d'une particulière gravité ;
- elle n'a pas reçu de mise en demeure annonçant la résiliation en méconnaissance prévue à l'article 42.2 du cahier des clauses administratives générales Techniques de l'information et de la communication ;
- le département ne lui a pas laissé l'occasion de répondre aux motifs de la résiliation anticipée avant que celle-ci ne soit définitivement prononcée, violant ainsi le principe du contradictoire ;
- la résiliation est donc nulle ;
- la résiliation est abusive : elle a produit des informations parfaitement exactes dans le cadre de son offre technique, le contrat conclu ne comportait pas l'obligation d'obtenir de nouvelles homologations, la solution mise en place était parfaitement opérationnelle et il appartenait au département d'obtenir l'autorisation préalable de la caisse primaire d'assurance maladie avant de lui attribuer le marché ;
- elle est fondée à demander une indemnisation de ses préjudices économique, professionnel, d'image et moral ainsi subis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 18 novembre 2014 au département des Alpes-Maritimes, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2015, présenté pour le département des Alpes-Maritimes représenté par son président, par Me B...de la SCP Charrel qui demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Siloxane, à titre principal comme irrecevable et à titre subsidiaire comme infondée ;
2°) de faire droit à sa demande de condamnation de la société Siloxane à hauteur de 13 603,30 euros au titre des dépenses consécutives à la résiliation du marché ;
3°) de mettre à la charge de la société Siloxane une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- par une lettre du 10 octobre 2011, le département a mis en demeure la société Siloxane de fournir sous quinzaine le récépissé de la demande d'homologation, sous peine de résiliation du contrat ;
- le 4 janvier 2012 a été prononcée la résiliation du marché aux torts du titulaire ;
- la société Siloxane a présenté le 19 janvier 2012 un recours gracieux sollicitant le retrait de cette décision et la reprise des relations contractuelles ;
- le 28 février 2012, la société Siloxane a formé une demande indemnitaire auprès du département ;
- la demande de première instance n'était pas recevable ;
- la société Siloxane disposait d'un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif lorsqu'elle a été informée de la décision de résiliation ;
- ne sont pas applicables les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;
- le recours administratif exercé n'interrompt pas le délai de deux mois ;
- les conclusions de la société Siloxane tendant à déclarer irrégulière et fautive la résiliation prononcée doivent être regardées comme un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation du contrat ;
- ce n'est que le 25 juin 2012, soit postérieurement au délai de deux mois qui a commencé à courir le 6 janvier 2012, que la requête de la société Siloxane a été enregistrée au tribunal administratif ;
- à titre subsidiaire, ce n'est que l'exécution du contrat qui a permis au département de s'apercevoir de l'impossibilité pour la société Siloxane de répondre aux exigences du marché ;
- le département a considéré, à juste titre, que l'offre de la société Siloxane répondait à ses besoins et ne pouvait la rejeter sur le fondement de l'article 35 du code des marchés comme étant irrégulière ;
- le logiciel, tel que livré par la société Siloxane, n'a jamais permis au département le traitement des actes nécessitant l'homologation, laquelle devait être acquise en cour d'exécution et qui a pourtant fait défaut ;
- le cahier des clauses techniques particulières exigeait qu'au cours du contrat, l'attributaire soit en possession de l'homologation permettant le traitement électronique de toutes les feuilles de soins ;
- contrairement à ce que soutient la société, son offre ne permettait pas au pouvoir adjudicateur de disposer d'une solution parfaitement opérationnelle puisque ce dernier, n'a pu, à l'aide dudit logiciel fourni par l'entreprise, opérer le traitement électronique de l'ensemble des feuilles de soins, contrairement à ce qu'a annoncé la société Siloxane dans son offre ;
- la société Siloxane a manifestement présenté une offre pour laquelle elle savait ne pas disposer de l'homologation nécessaire, s'est engagée à s'en munir puisqu'indiquant qu'elle était en capacité de proposer une solution permettant le traitement de l'ensemble des feuilles de soins et n'a pourtant pas jugé utile, au cours de l'exécution du contrat, d'accomplir les formalités nécessaires de demande d'homologation ;
- la société appelante a, donc, entendu présenter une offre qu'elle savait non-conforme aux exigences du département ;
- la nullité du contrat résulte bien du vice de consentement subi par le département, lequel pensait, en choisissant pour attributaire du contrat la société Siloxane, que cette dernière permettrait le traitement de l'ensemble des feuilles de soin, comme elle le précisait expressément dans son offre ;
- eu égard à ce vice du consentement, la demande d'indemnisation formulée par la société au titre de l'enrichissement sans cause ne pourra qu'être rejetée ;
- de même, la faute du cocontractant résultant de la conclusion d'un contrat pour lequel elle savait qu'elle ne pourrait assumer l'exécution de la totalité des feuilles de soins soumises au traitement électronique ne lui permet pas de prétendre à une quelconque indemnisation relative à un préjudice au titre d'un prétendu gain manqué ;
- sur le fondement contractuel, le département n'a commis aucune faute ;
- le courrier recommandé daté du 10 octobre 2011 constitue bien la mise en demeure ayant précédé la décision de résiliation du 4 janvier 2012 ;
- par ailleurs, ce courrier du 10 octobre 2011 comportait l'ensemble des mentions obligatoires, à savoir les manquements reprochés à la société Siloxane, les obligations incombant au cocontractant, le délai imparti pour y satisfaire et la sanction encourue en cas d'inertie ;
- le département a bien adressé une mise en demeure à la société appelante avant de prononcer la résiliation du marché ;
- le motif retenu dans le courrier du 4 janvier 2012 pour résilier le marché, tiré de la non-conformité des prestations remises aux prescriptions techniques du cahier des charges y était mentionné ;
- le grief relatif à l'absence d'homologation du logiciel conformément au cahier des clauses techniques particulières, exposé dans la mise en demeure, constitue une faute dont la gravité justifie à elle-seule la résiliation aux torts de l'exposante ;
- le moyen tiré de l'irrégularité, en la forme, de la décision de résiliation manque en fait ;
- la décision de résiliation n'est pas abusive ;
- le logiciel fourni par la société ne permettait pas le traitement des feuilles de soins issues de laboratoires d'analyses médicales ou encore de praticiens spécialistes ;
- le cahier des clauses techniques particulières exigeait que le dispositif soit agréé " centre de santé polyvalent " et " laboratoire d'analyses médicales " par le centre national de dépôt et d'agrément ;
- le logiciel fourni n'était pas opérationnel puisqu'il n'a pas permis le traitement de l'intégralité des feuilles de soins ;
- en tout état de cause, les préjudices invoqués par la société Siloxane ne sont pas certains ;
- le département demande, à titre reconventionnel, l'indemnisation des dépenses consécutives à la résiliation du marché conclu avec la société Siloxane ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2015, présenté pour la société Siloxane, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, à la cour de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par le département des Alpes-Maritimes ;
Elle soutient, en outre, que :
- sa requête est recevable : elle a contesté la décision de résiliation du 4 janvier 2012 par un recours préalable en indemnisation reçu le 2 mars par le département ;
- face au silence du département, elle a introduit le 21 juin 2012 son recours en indemnité ;
- aucune manoeuvre dolosive ne lui est imputable : elle n'a pas menti ni sur les caractéristiques de son offre, ni sur les homologations de son produit TRANSUIVI ;
- les motifs de résiliation visés dans la lettre du 4 janvier 2012 ne sont pas des motifs expressément visés dans la supposée mise en demeure du 10 octobre 2011 ;
- le contrat conclu ne comportait aucunement l'obligation d'obtenir de nouvelles homologations ;
- la solution qu'elle a mise en place était parfaitement opérationnelle ;
- le département ne caractérise nulle part en quoi la solution mise en place compromettait gravement l'exploitation des résultats par la collectivité ;
- son préjudice économique correspond au montant du devis approuvé par le département, soit 121 818,58 euros HT ;
- ce devis comprend la licence TRANSUIVI pour un montant de 21 505 euros HT ;
- cette licence livrée et utilisée par le département dès le 5 janvier 2011, a été l'objet d'un bon de commande et d'une facture ;
- ce devis comprend la fourniture de lecteurs lesquels ont été acquis par Siloxane et n'ont pu être réutilisés car étant devenus obsolètes pour un montant de 22 750 euros HT ;
- ce devis comprend enfin le coût des trois années de maintenance applicative pour un montant total de 68 889 euros ;
- doit être ajouté le coût lié à la gestion d'un dossier précontentieux et contentieux qui peut être évalué à 10 000 euros ;
- le préjudice professionnel et d'image subi peut être estimé à 20 000 euros ;
- en cas de nullité du marché, elle sera indemnisée de l'intégralité du préjudice subi sur le fondement extra-contractuel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2015 :
- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,
- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour la société Siloxane et de Me A...pour le département des Alpes-Maritimes ;
1. Considérant que le département des Alpes-Maritimes a confié à la société Siloxane le lot n° 1 " Acquisition et maintenance d'un système de télétransmission aux normes SESAM-VITALE pour les centres de protection maternelle et infantile du conseil général des Alpes-Maritimes " du marché à bons de commande n° 2010-397 du 29 septembre 2010 " Acquisition et maintenance d'un système de gestion pour les centres de protection maternelle et infantile du conseil général des Alpes-Maritimes ", d'une durée d'un an reconductible trois fois ; que le 5 janvier 2011, la société Siloxane a livré sa solution logicielle sous licence appelée " Transuivi " ; que le 24 juin 2011, cette dernière a émis une facture n° 4758 correspondant au bon de commande n° S.A 078 du 15 juin 2011 portant sur la concession des droits d'usage de cette licence pour un montant de 25 719,98 euros TTC, et dont le département des Alpes-Maritimes a accusé réception le 25 juillet suivant ; que ce dernier ayant entre-temps prononcé, par décision du 22 juillet 2011, l'ajournement du marché en cause au motif que la réception de la prestation nécessitait certaines mises au point, le paiement de la facture susmentionnée a été suspendu ; que par une lettre du 10 octobre 2011 adressée à la société Siloxane, le département des Alpes-Maritimes a mis en demeure cette dernière de fournir, sous quinzaine, la preuve qu'elle a déposé une demande d'homologation conformément aux stipulations en ce sens du cahier des clauses techniques particulières du marché, sous peine de résiliation dudit marché pour faute du titulaire ; que par une décision du 4 janvier 2012, notifiée à la société Siloxane le 6 janvier suivant, le département des Alpes-Maritimes a résilié le marché pour faute du titulaire ; que par une lettre du 19 janvier 2012, la société Siloxane a formé un recours gracieux auprès du département des Alpes-Maritimes à l'encontre de cette décision ; que par une lettre du 28 février 2012, la société a formé une demande préalable d'indemnisation auprès du département des Alpes-Maritimes à hauteur de la somme de 138 828,58 euros ; que la société Siloxane a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à ce que la décision litigieuse de résiliation du marché soit déclarée irrégulière et fautive ainsi qu'à la condamnation du département des Alpes-Maritimes au paiement de la somme totale de 151 818,58 euros au titre des préjudices subis en raison de ladite décision ; que par le jugement attaqué du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur la validité du contrat :
2. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code des marchés publics : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : " (...) III.- Les offres (...) irrégulières (...) sont éliminées (...) " ;
4. Considérant que l'objet du marché confié à la société Siloxane portait sur l'acquisition et la maintenance d'un système de télétransmission aux normes SESAM-VITALE pour les centres de protection maternelle et infantile du conseil général des Alpes-Maritimes, comprenant, selon le cahier des clauses techniques particulières du marché, d'une part, l'achat et la maintenance de lecteurs de carte vitale fixes et TLA, et, d'autre part, l'achat du logiciel de transmission par SESAM-VITALE et la mise en oeuvre du dispositif, comprenant les licences logicielles, les installations, la maintenance, le paramétrage, la formation des personnels et l'assistance au démarrage ; que le but du logiciel susmentionné était de permettre la télétransmission par SESAM-VITALE aux caisses des feuilles de soins et des demandes de remboursement, incluant les actes de laboratoire ; que l'article 4 du cahier des clauses techniques particulières du marché litigieux prévoit que le dispositif de télétransmission aux normes SESAM-VITALE " devra être agréé "Centre de santé polyvalent" et "Laboratoire d'analyses médicales" par le Centre National de Dépôt et d'agrément (CNDA) " ; qu'il est constant que la société appelante n'a pas obtenu l'homologation susmentionnée, ni au stade du dépôt de son offre, ni postérieurement à la conclusion du marché, et pas même à la date de la résiliation dudit marché ; que d'une part, la société appelante n'a produit à l'appui de son offre qu'un unique agrément portant sur les " Centres de santé médical (médecine générale et sage-femme) ", agrément qui ne correspondait donc pas à celui qui était exigé par les documents de la consultation, et, d'autre part, l'outil livré par la société, à savoir la solution logicielle sous licence appelée " Transuivi ", n'a jamais permis au département des Alpes-Maritimes de traiter les actes nécessitant l'homologation qui a fait défaut ; que toutefois, si l'offre de la société appelante ne comportait pas l'homologation exigée par les documents de la consultation, une telle offre n'était pas irrégulière ou incomplète dès lors que la société pouvait obtenir ladite homologation en cours d'exécution du marché ; que la société appelante ne s'est livrée à aucune manoeuvre frauduleuse ou dolosive pour obtenir le marché dont s'agit ; qu'il s'ensuit, que le litige qui oppose les parties doit donc être réglé sur le terrain contractuel, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nice ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions de la société Siloxane et du département des Alpes-Maritimes présentées devant le tribunal administratif de Nice et devant la cour ;
Sur les conclusions contestant la validité de la décision de résiliation :
6. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu'elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; qu'eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l'étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s'il est toujours loisible au cocontractant d'y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ; qu'il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat, y compris pour un motif d'intérêt général ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de résiliation du marché en litige du 4 janvier 2012 a été notifiée à la société Siloxane le 6 janvier 2012 ; que la demande de cette dernière tendant à ce que soit déclarée " irrégulière et fautive la résiliation " prononcée par le département des Alpes-Maritimes s'analyse ainsi en un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que cette demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 25 juin 2012 ; que la société a eu connaissance de cette mesure le 6 janvier 2012 ; que si la société Siloxane a formé un recours gracieux le 19 janvier 2012, il résulte de ce qui vient d'être dit que ce recours administratif n'a pu avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux qui commence à courir à la date à laquelle le cocontractant de l'administration est informé de la mesure de résiliation, même en l'absence de mention des voies et délais de recours ; que, dès lors, la demande présentée par la société Siloxane devant le tribunal administratif de Nice tendant à la contestation de la validité de la décision de résiliation était tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions indemnitaires liées à la résiliation du marché :
8. Considérant que la société Siloxane sollicite l'indemnisation de ses préjudices économique, professionnel, d'image et moral subis du fait des conséquences de la résiliation du marché par le département ; que ce dernier sollicite la condamnation de la société appelante à l'indemniser au titre des frais engagés pour pallier les défaillances de ladite société dans l'exécution du marché litigieux ainsi que pour procéder à un nouvel appel d'offres à la suite de la résiliation du marché en raison de l'inexécution par la société de ses prestations contractuelles ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par la société Siloxane :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 dudit code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 421-3 du même code : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ; (...) " ; qu'il est constant que par une lettre du 28 février 2012, notifiée le 2 mars suivant, la société Siloxane a adressé au département des Alpes-Maritimes une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices subis nés de la résiliation du marché ; que le département n'a apporté aucune réponse expresse ; que par suite, et en application des dispositions précitées, les conclusions susmentionnées de la société Siloxane sont recevables ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 39 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication : " Le pouvoir adjudicateur peut mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci (...) pour faute du titulaire dans les conditions prévues à l'article 42 (...) " ; qu'aux termes de l'article 42 dudit cahier : " Résiliation pour faute du titulaire. 42.1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) l) L'utilisation des résultats par le pouvoir adjudicateur est gravement compromise, en raison du retard pris par le titulaire dans l'exécution du marché. (...) n) Postérieurement à la signature du marché, les renseignements ou documents produits par le titulaire à l'appui de sa candidature ou exigés préalablement à l'attribution du marché s'avèrent inexacts. 42.2. Sauf dans les cas prévus aux i, m et n du 42.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. Dans le cadre de la mise en demeure, le pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations. 42.3. La résiliation du marché ne fait pas obstacle à l'exercice des actions civiles ou pénales qui pourraient être intentées contre le titulaire " ;
11. Considérant que pour prononcer la résiliation du marché, le département s'est fondé sur la faute de la société Siloxane résultant du défaut d'exécution des prestations, objet du marché, en raison de l'absence d'homologation prévue en méconnaissance des prescriptions techniques du cahier des clauses techniques particulières et s'est fondé sur les deux motifs prévus par les l) et n) des stipulations précitées de l'article 42.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ;
12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que par une lettre du 10 octobre 2011, le département des Alpes-Maritimes a mis en demeure la société Siloxane de lui fournir, sous quinzaine, le récépissé de la demande d'homologation pour les actes infirmiers, les actes de laboratoire et pour les actes des spécialistes, conformément aux stipulations des articles 1.2, 2.3.1 et 4 du cahier des clauses techniques particulières ; que cette lettre indiquait également, qu'à défaut d'exécution de ces prescriptions, le département prononcerait la résiliation du marché pour faute du titulaire en application des stipulations de l'article 42.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ; que par une lettre du 21 octobre 2011, la société Siloxane a répondu à cette lettre du 10 octobre 2011 ; que toutefois, la société Siloxane n'a pas rapporté la preuve qu'elle s'est conformée aux stipulations du cahier des clauses techniques particulières ; qu'ainsi, la mise en demeure susmentionnée du département des Alpes-Maritimes doit être regardée comme étant restée infructueuse, au sens des stipulations précitées de l'article 42.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ; que par suite, conformément à ces stipulations précitées de l'article 42.2, une mise en demeure a été notifiée à la société Siloxane, qui a été informée de la résiliation envisagée et a été invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours ; que, par suite, la résiliation n'est entachée d'aucune irrégularité ;
13. Considérant, d'autre part, que comme il a été dit précédemment, l'article 4 du cahier des clauses techniques particulières du marché litigieux prévoit que le dispositif de télétransmission aux normes SESAM-VITALE " devra être agréé "Centre de santé polyvalent" et "Laboratoire d'analyses médicales" par le Centre National de Dépôt et d'agrément (CNDA) " ; que toutefois, la société appelante n'a pas obtenu l'homologation susmentionnée, ni au stade du dépôt de son offre, ni postérieurement à la conclusion du marché, et pas même à la date de la résiliation dudit marché ; que par une lettre du 22 juillet 2011, le département a informé la société Siloxane qu'à la suite de la vérification de l'application " transuivi " et du bon fonctionnement des lecteurs SESAM-VITALE en configuration de fonctionnement avec le logiciel déployé, " la solution déployée ne [pouvait] être testée de bout en bout pour la seule raison que l'outil ne [bénéficiait] pas de l'agrément requis pour faire l'objet d'un traitement en flux d'entrée par la CPAM " ; que le département a alors demandé à la société appelante de présenter à nouveau les prestations mises au point et la solution homologuée dans un délai de quinze jours et, dans ce délai, d'obtenir les agréments nécessaires délivrés par le centre national de dépôt et d'agrément ; que le département a décidé l'ajournement des prestations du marché ; qu'il est constant que la société Siloxane n'a pas fourni un logiciel homologué dans les conditions prévues à l'article 4 du cahier des clauses techniques particulières du marché litigieux ; que le logiciel fourni par la société ne permettait pas le traitement par télétransmission des feuilles de soins issues des laboratoires d'analyses médicales, des praticiens spécialistes et des actes infirmiers ; que si la société fait valoir qu'elle a proposé l'utilisation de certaines pratiques qu'elle indique être admises et qui donnent satisfaction dans d'autres collectivités pour trouver une solution opérationnelle, à savoir un " forçage " à la signature de la feuille de soin électronique, elle devait cependant, conformément aux stipulations de l'article 4, obtenir les agréments nécessaires ; qu'il résulte, au demeurant, de l'instruction et notamment d'une lettre de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes du 28 octobre 2011, que la solution proposée par la société appelante, nécessaire en l'absence de l'homologation prévue, n'est pas conforme aux exigences de la télétransmission SESAM-VITALE ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Siloxane n'a pas satisfait à la totalité de ses obligations contractuelles ; qu'il s'ensuit que la décision de résiliation pour faute de la société Siloxane est fondée ; que la société ne peut faire valoir que le département des Alpes-Maritimes a fait preuve " d'imprévoyance " en lui attribuant le marché dès lors qu'il lui était possible, en cours d'exécution du marché, d'obtenir les agréments nécessaires délivrés par le centre national de dépôt et d'agrément pour exécuter ses obligations conformément aux exigences contractuelles ; que par ailleurs, le département n'avait pas à obtenir l'autorisation préalable de la caisse primaire d'assurance maladie avant d'attribuer le marché à la société appelante ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de résiliation attaquée est justifiée au fond par les seuls manquements contractuels de la société Siloxane ; que par suite, les conclusions présentées par cette dernière tendant à la réparation des préjudices résultant de cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;
15. Considérant par ailleurs, que la société Siloxane sollicite le paiement de la facture n°4758 du 24 juin 2011 correspondant au bon de commande n° SA078 du 15 juin 2011 portant sur la " concession de droit d'usage du logiciel Transuivi " pour un montant de 21 505 euros HT ainsi que le paiement de la somme de 22 750 euros HT, somme dont elle s'est acquittée auprès d'une société tierce pour la livraison de lecteurs ; que toutefois, la société Siloxane n'est pas fondée à solliciter le paiement de ces sommes dès lors que, comme il a été dit précédemment, le matériel fourni et les prestations réalisées n'étaient pas conformes aux exigences contractuelles ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par le département des Alpes-Maritimes :
16. Considérant que si le département des Alpes-Maritimes sollicite la condamnation de la société Siloxane à lui payer les dépenses engagées à la suite de la résiliation du contrat conclu avec la société Siloxane, il n'établit pas que le montant sollicité au titre de ces dépenses excède ce qui aurait été payé à la société Siloxane si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ; que toutefois, le département des Alpes-Maritimes a dû exposer des frais liés à la passation d'un nouveau de marché en raison de la résiliation du marché en litige justifiée par les manquements contractuels de la société appelante ; qu'il justifie uniquement des frais de publicité pour un montant de 1 350 euros ; que ce montant doit être mis à la charge de la société Siloxane ; que le département est fondé à soutenir, dans cette mesure, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Siloxane est rejetée.
Article 2 : La société Siloxane est condamnée à verser au département des Alpes-Maritimes une somme de 1 350 (mille trois cent cinquante) euros au titre des frais de publicité exposés pour la passation d'un nouveau marché.
Article 3 : Le jugement attaqué du 21 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel incident du département des Alpes-Maritimes et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Siloxane et au département des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2015, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Thiele, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 avril 2015.
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N° 14MA02161
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