Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 13MA03782, présentée pour la société Geberit dont le siège est parc tertiaire Sillic 23/25 rue de Villeneuve B.P. 20432 à Rungis Cedex (94583), par Me C... ;
La société Geberit demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003113 du 17 juillet 2013 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a retenu sa responsabilité solidaire dans les désordres affectant le stade vélodrome Hyères-Toulon ;
2°) de prononcer sa mise hors de cause ;
3°) de débouter les parties à l'instance de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;
4°) à titre infiniment subsidiaire : de condamner la société Antonangeli à la relever et la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son égard ;
5°) dans tous les cas : de condamner la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, la société Antonangeli et le groupement de maîtrise d'oeuvre Roussel - Calba - Coste - Bet Bois Batut - Auxitec - Adret - Cabinet Vigouroux - Tisseyre et associés à lui verser chacun la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les premiers juges, qui ont fait une inexacte application de l'article 1792-4 du code civil, ne pouvaient la considérer comme étant le fabricant d'une partie de l'ouvrage dès lors qu'ils ont omis de prendre en compte les spécificités de mise en oeuvre sur place et la circonstance que cette mise en oeuvre a été faite en violation des règles édictées par le fabricant ;
- l'apparition de fuites dans le réseau des canalisations est la conséquence du non respect par la société Antonangeli des préconisations d'utilisation des produits Geberit, cette dernière ayant notamment eu recours à un système de fixation provenant d'un autre fabricant, n'ayant pas utilisé de manchons coulissants et ayant utilisé de manière non conforme des manchons électriques ; la société Antonangeli ne s'est pas non plus conformée à ses préconisations pour remédier aux non-conformités découlant de ce non-respect ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les conditions posées par l'article 1792-4 du code civil ne sont pas remplies ; en effet, même si le bureau d'étude de Geberit a préconisé des dimensions et une liste de produits destinés à permettre la mise en oeuvre du système d'évacuation siphoïde, les éléments ne sont pas fabriqués sur mesure mais agencés et tronçonnés aux mesures sur place par l'installateur ; à ce titre, la circonstance que la société Geberit délivre un certificat de conformité n'est pas de nature à impliquer que les produits sont des éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire des fabricants ;
- le non respect par la société Antonangeli des règles de mise en oeuvre du système fabriqué par la société Geberit est de nature à exclure la mise en jeu de la responsabilité solidaire de la société Geberit ; en effet, l'absence de recours au système de fixation " Pluvia Fix ", la mauvaise utilisation de manchons coulissants faute de points fixes et l'utilisation de raccords inappropriés en parties courbes ont conduit à dénaturer l'ouvrage, qui ne saurait ainsi être considéré comme un produit ayant une spécificité qui le distingue des autres produits du même genre ayant la même finalité intrinsèque ; enfin, les matériaux utilisés pour construire le réseau d'évacuation n'ont pas tous été fabriqués par la société Geberit et n'ont pas été assemblés selon les préconisations de la société Geberit ; la société Antonangeli doit dès lors être considérée comme ayant conçu son propre système d'évacuation ;
- sa responsabilité solidaire ne saurait pas non plus être recherchée dans la mesure où la société Antonangeli, qui s'est vu imposer le choix du système siphoïde Geberit par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre et est au surplus membre d'un groupement, doit être considérée comme sous-traitant ;
- le tribunal administratif ne pouvait mettre à sa charge les sommes dues au titre de la garantie de parfait achèvement par la société Antonangeli ; en tout état de cause, le maître d'ouvrage n'a formulé aucune demande à son encontre ;
- elle ne saurait être tenue de la garantie solidaire, les produits en cause n'étant pas des éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire des fabricants ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2014 présenté pour la société Dekra Industrial, venant aux droits de la société Dekra Inspection, elle-même venant aux droits de la société Norisko Construction, par la SCP Sanguinede Di Frenna et associés, qui conclut :
1°) à titre principal, à sa mise hors de cause ;
2°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'une des défenderesses remettrait en cause les termes du jugement en ce qu'il a exclu sa responsabilité, au rejet de toute demande de condamnation prononcée à son encontre ;
3°) à titre très subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue, à ce que la condamnation à intervenir soit prononcée in solidum et à ce que le groupement Antonangeli - Bouisse - Schouler et le groupement de maîtrise d'oeuvre Roussel - Calba - Coste - Bet Bois Batut - Auxitec - Adret - Cabinet Vigouroux - Tisseyre et associés soient condamnés à la relever et la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) à la condamnation de la partie succombante à la présente instance à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- il appartient à la Cour de s'assurer que la société Geberit a formé appel dans les délais prescrits et s'est acquittée d'un timbre fiscal de 35 euros ; aucun moyen relatif à la régularité du jugement n'ayant été soulevé dans le délai d'appel, la société appelante ne serait pas fondée à se prévaloir ultérieurement de cette cause juridique ;
- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que, comme l'ont estimé les premiers juges, les désordres relevés sont étrangers aux missions qui lui ont été confiées ;
- dans l'hypothèse où d'autres parties défenderesses remettraient en cause les termes du jugement et l'appelleraient en garantie, elle reprend ses écritures de première instance ; ainsi, sa responsabilité doit être écartée dans la mesure où les installations en cause ne relevaient pas de sa mission, où elle avait cependant mis en garde le maître d'oeuvre et où aucun lien de causalité n'est établi entre sa mission et les désordres survenus ;
- subsidiairement, aucune condamnation in solidum ne saurait être prononcée à son encontre, dès lors que le contrôleur technique n'est pas soumis à la même présomption de responsabilité que les autres intervenants à l'acte de construire ; en tout état de cause, en cas de condamnation prononcée à son encontre, il conviendrait de lui accorder la garantie immédiate et proportionnée du groupement de maîtrise d'oeuvre et du groupement Antonangeli - Bouisse - Schouler ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2014 présenté pour la communauté d'agglomération de Toulon Provence Méditerranée, représentée par son président en exercice, par MeB..., qui conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la confirmation dans toutes ses dispositions du jugement du 17 juillet 2013 ;
3°) à la condamnation de la société Geberit à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable comme non accompagnée de la copie du jugement contesté ;
- les premiers juges étaient fondés à considérer que les éléments produits et fournis par la société Geberit et les conditions de leur mise en oeuvre étaient de nature à engager la responsabilité de cette société sur le fondement des principes dont s'inspire l'article 1792-4 du code civil ;
- ils étaient également fondés à condamner le groupement Antonangeli à intégralement relever et garantir la société Geberit des condamnations mises à sa charge ;
- contrairement à ce qui est soutenu, le groupement Antonangeli - Bouisse - Schouler est lié au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ; la société Antonangeli, cotraitante et mandataire du groupement, ne saurait par suite être qualifiée de sous-traitant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6ème chambre ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2015 :
- le rapport de Mme Héry, rapporteur,
- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée ;
1. Considérant que le syndicat intercommunal du vélodrome Hyères-Toulon - auquel est substituée depuis le 1er janvier 2004 la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée - a conclu le 23 novembre 2001 un marché public portant notamment sur la réalisation de la couverture du vélodrome, dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée au groupement solidaire Roussel - Calba - Coste - Bet Bois Batut - Auxitec - Adret - Cabinet Vigouroux - Tisseyre et associés, le lot n° 2 " charpente et couverture " étant conclu le 19 décembre 2003 avec le groupement solidaire Antonangeli - Bouisse - Schouler et la mission de contrôle technique étant confiée à la société Norisko ; que la réception a été prononcée avec effet au 30 mars 2006, après levée des réserves ; que, toutefois, dès l'année 2007, des infiltrations d'eau pluviale ont été constatées et, malgré diverses interventions, la couverture est demeurée non étanche ; qu'à la demande de la communauté d'agglomération, une expertise a été ordonnée le 19 janvier 2009 par le tribunal administratif de Toulon à fin notamment de rechercher les causes des désordres et d'en déterminer l'imputabilité respective, cette expertise étant ensuite étendue à la société Geberit, société spécialisée en matière d'évacuation des eaux pluviales, ayant développé un système siphoïde d'évacuation, utilisé dans le cadre des travaux ; que l'expert a imputé l'origine des désordres au sous-dimensionnement du chéneau central, à la défaillance du revêtement d'étanchéité de ce chéneau ainsi qu'à la défaillance du dispositif d'évacuation des eaux pluviales ; que par une ordonnance du 9 février 2012 confirmée par la cour le 22 avril 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a condamné solidairement le groupement Roussel - Calba - Coste - Bet Bois Batut - Auxitec - Adret - Cabinet Vigouroux - Tisseyre et associés, le groupement Antonangeli - Bouisse - Schouler ainsi que la société Geberit à verser la somme de 54 561,66 euros à la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée à titre de provision ; que par jugement du 17 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulon a partiellement fait droit à la demande de la communauté d'agglomération en condamnant solidairement d'une part le groupement de maîtrise d'oeuvre et le groupement Antonangeli - Bouisse - Schouler à lui verser la somme de 120 000 euros au titre des désordres causés par le sous-dimensionnement du chéneau central et, d'autre part, en condamnant solidairement ces deux groupements ainsi que la société Geberit, en sa qualité de fabricant, à lui verser la somme totale de 52 456,39 euros, pour ce qui concerne le dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux pluviales ; que, par la même décision, les premiers juges ont fait ensuite droit aux conclusions de la société Geberit en condamnant le groupement Antonangeli - Bouisse - Schouler à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ; que la société Geberit relève appel de ce jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité solidaire ;
Sur le bien fondé du jugement et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1792-4 du code civil : " Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Geberit est créatrice d'un système d'évacuation des eaux pluviales dénommé " Geberit Pluvia ", auquel la maîtrise d'oeuvre a souhaité recourir ; qu'à la demande de la société Antonangeli et sur la base des éléments communiqués par elle, la société Geberit a réalisé une étude de faisabilité pour les besoins du chantier, cette étude comprenant les vues isométriques des collecteurs d'eaux pluviales, le schéma de leur implantation, les fournitures nécessaires à commander auprès de son grossiste, leur coût ainsi que le temps estimatif de pose ; qu'au sein du courrier accompagnant l'étude de faisabilité et la liste du matériel à commander, la société Geberit a précisé à la société Antonangeli qu'elle était uniquement responsable des calculs hydrauliques, l'étude d'implantation du réseau devant être avalisée par le maître d'oeuvre et le bureau de contrôle technique ; que le devis mentionne par ailleurs que l'entreprise chargée de l'installation est tenue de suivre une formation sur la mise en oeuvre du " Pehd Geberit " et de rendre compte de l'avancement du chantier à la société, afin que l'installation, contrôlée régulièrement sur la base de l'étude d'exécution, obtienne une attestation de conformité aux calculs et préconisations communiqués préalablement, délivrée par elle ; que ce devis mentionne également que le fonctionnement du système est uniquement garanti si seuls des produits " Geberit " sont utilisés pour la pose, si le montage a respecté les prescriptions de l'information technique " Geberit Pluvia " et si les normes, l'intensité pluviométrique et les conditions locales ont été respectées ; qu'ainsi, et sans qu'y fasse obstacle la double circonstance que, d'une part, les éléments constituant le réseau d'évacuation ne sont pas réalisés sur mesure et que, d'autre part, les prescriptions d'installation n'ont pas été respectées par la société Antonangeli, la société Geberit a conçu un dispositif destiné à répondre à des exigences précises et déterminées à l'avance, pour l'installation duquel elle a assuré un suivi de l'exécution des travaux en vue de s'assurer de la conformité de l'installation à ses préconisations et de permettre la délivrance d'un certificat de conformité ; que, par suite, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la société Geberit a la qualité de fabricant et pouvait voir sa responsabilité solidaire engagée sur le fondement des principes dont s'inspire l'article 1792-4 du code civil ;
4. Considérant que les premiers juges ont tenu compte de ce que les prescriptions d'installation pour la pose du dispositif d'évacuation des eaux pluviales n'avaient pas été respectées par la société Antonangeli - laquelle, contrairement à ce qui est soutenu, n'avait pas la qualité de sous-traitant mais de cocontractante - en la condamnant, ainsi que les autres entreprises membres du groupement - à garantir intégralement la société Geberit des condamnations prononcées à son encontre ;
5. Considérant que les condamnations prononcées par le jugement dont il est relevé appel sont fondées sur la responsabilité décennale des entreprises ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la société Geberit ne saurait être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées contre la société Antonangeli au titre de la garantie de parfait achèvement doit être écarté comme inopérant ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Geberit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à la communauté d'agglomération, solidairement avec le groupement d'entreprises Antonangeli - Bouisse - Schouler et le groupement de maîtrise d'oeuvre Roussel - Calba - Coste - Bet Bois Batut - Auxitec - Adret - Vigouroux - Tisseyre et associés, la somme de 44 659,43 euros au titre du système d'évacuation des eaux pluviales, la somme de 7 796,96 euros au titre des frais exposés pour la réalisation de certaines réparations à titre conservatoire ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions des parties tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Geberit est rejetée.
Article 2 : Toutes autres conclusions des parties sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Geberit, à la communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée, au groupement d'entreprises Antonangeli - Bouisse - Schouler, au groupement de maîtrise d'oeuvre Roussel - Calba - Coste - Bet Bois Batut - Auxitec - Adret - Vigouroux - Tisseyre et associés, à la société Dekra Industrial et à la commune de Hyères.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2015, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Thiele, premier conseiller,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 avril 2015.
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