Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 mai 2012 et régularisée le 21 mai 2012, présentée pour la société anonyme (SA) Service Aviation International (SAI), dont le siège est Sir William Newton Street à Port-Louis (Ile Maurice), représentée par son président, par la SELARL G. Paloux - E.A..., agissant par Me A...;
La société Service Aviation International demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806508 du 15 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces cotisations et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros au titre des dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2015 :
- le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite d'une procédure diligentée en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales au domicile de M. C...B...à Saint-Laurent-du-Var, l'administration a estimé que la société Service Aviation International, dont le siège social est à l'Ile Maurice, possédait en France un bureau de représentation situé au domicile de M. C... B..., lequel avait exercé une activité d'intermédiaire dans le secteur de ventes de pièces détachées d'avion qui n'avait pas été déclarée ; que cet établissement de la société Service Aviation International a fait, en conséquence, l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a assujetti cette société à l'impôt sur les sociétés en France au titre des années 2002 et 2003 en suivant la procédure de taxation d'office prévue au 2 de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que l'administration a assorti ces cotisations d'impôt sur les sociétés de la majoration de 80 p. cent prévue à l'article 1728 du code général des impôts ; que la société Service Aviation International relève appel du jugement du 15 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations d'impôt sur les sociétés ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, que la société Service Aviation International fait grief à la procédure de visite diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales d'avoir été irrégulière dès lors que l'administration n'aurait pas démontré qu'elle a été mise en mesure de bénéficier de la voie de recours instituée par l'article 164 de la loi du 4 août 2008 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 : " IV.-1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel. (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai. " ;
4. Considérant, toutefois, que la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a prévu que les procédures de visite diligentées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales après le 1er janvier 2003 pouvaient faire l'objet d'une procédure d'appel devant la cour d'appel compétente, à charge pour l'administration d'informer le contribuable de cette faculté ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a informé la société requérante par un courrier daté du 13 décembre 2012 qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour faire appel de l'ordonnance du juge de la liberté et de la détention devant le premier président de la cour d'appel compétente ; que la société requérante a accusé réception de ce courrier ; que par une ordonnance du 3 octobre 2013, le premier président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté le recours formé par la société Service Aviation International contre l'ordonnance du 17 novembre 2004 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse ; que la société a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance qui a été rejeté ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé et doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la société Service Aviation International soutient que la vérification de comptabilité a débuté dès le 5 décembre 2005, le jour même de la remise de l'avis de vérification de comptabilité, ce qui ne lui aurait pas permis de bénéficier de certaines garanties, notamment celle de disposer de l'assistance d'un conseil ;
6. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a envoyé le 21 novembre 2005 un avis de vérification de comptabilité à la société Service Aviation International prévoyant une première intervention le 30 novembre 2005 ; que cet avis a été retourné à l'administration par les services postaux avec la mention " refusé " le 25 novembre 2005 ; qu'à l'occasion d'un entretien entre le supérieur hiérarchique et M. B...le 5 décembre 2005 dans la cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de ce dernier, l'administration lui a remis en main propre, en sa qualité de dirigeant de l'établissement stable de la société Service Aviation International, une copie de l'avis de vérification de comptabilité ; que l'administration soutient, sans être contredite, qu'en accord avec M.B..., le début des opérations de contrôle a été repoussé au 9 décembre 2005 ; qu'en l'espèce, la société Service Aviation International a pu disposer d'un délai de deux jours francs pour se faire assister d'un conseil ; que, dès lors, la société requérante n'été privée d'aucune garantie et le moyen doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la société Service Aviation International soutient que la proposition de rectification était insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne détaille pas la méthode employée pour le calcul des charges évaluées par l'administration à 70 p. cent ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les propositions de rectification du 16 décembre 2005 et du 3 juillet 2006 mentionnaient qu'à défaut de justificatifs d'achats corrélés aux ventes de l'exercice 2002, aucune déduction réelle n'était admise au titre de la reconstitution du chiffre d'affaires de cet exercice ; que l'administration a toutefois admis, dans un souci de réalisme économique et compte tenu des éléments recueillis dans le débat oral et contradictoire, que les achats et charges pouvaient être évalués à 70 p. cent du chiffre d'affaires ; que s'agissant d'une reconstitution de chiffre d'affaires portant sur l'activité très spécifique du commerce international de pièces détachées d'avions, l'administration fait valoir qu'elle ne pouvait se référer à des entreprises comparables dont les niveaux de charges lui auraient été connus ; que la société requérante n'ayant pas fourni de précisions sur les charges réellement engagées, l'administration était fondée à retenir, par réalisme économique, un niveau de charge évalué forfaitairement en fonction des éléments recueillis lors du débat oral et contradictoire ; qu'ainsi, la mise en recouvrement du 6 mars 2008 doit être regardée comme ayant été précédée d'une notification conforme aux prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition." ;
11. Considérant qu'en l'espèce, la société Service Aviation International a été assujettie à l'impôt sur les sociétés en France au titre des années 2002 et 2003 en suivant la procédure de taxation d'office prévue au 2 de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi la société requérante supporte la charge de la preuve ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
12. Considérant, en premier lieu, que la société Service Aviation International soutient que l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que la mise en recouvrement est intervenue dès le 6 mars 2008 ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la convention européenne 90/436/CEE relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées du 23 juillet 1990, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes. " ;
14. Considérant qu'en l'espèce, la société requérante a demandé par lettre du 1er mars 2007 l'ouverture de la procédure amiable prévue par l'article 26 de la convention franco-mauricienne du 11 décembre 1980 ; qu'en réponse, l'administration a demandé, par lettres du 23 juillet et 28 octobre 2007, à la société de fournir tout document émanant des autorités fiscales mauriciennes permettant de prouver la double imposition alléguée ; que ces correspondances étant demeurées sans réponse, l'administration n'a pas donné suite à la demande de la société et n'a pas ouvert la procédure amiable prévue par les stipulations de l'article 26 de convention franco-mauricienne du 11 décembre 1980 ; que, dès lors, la mise en recouvrement des impositions le 6 mars 2008 n'était pas contraire aux prescriptions de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales ;
15. Considérant, en second lieu, que la société Service Aviation International soutient qu'elle n'a pas bu bénéficier de la procédure amiable prévue par l'article 26 de la convention fiscale franco-mauricienne dès lors qu'il n'est pas établi que l'administration fiscale française aurait tenté de contacter l'administration fiscale mauricienne en application de l'article 27 de la même convention ;
16. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 26 de convention franco-mauricienne du 11 décembre 1980 : " 1. Lorsqu'une personne estime que les mesures prises par un Etat ou par les deux Etats entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente Convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces Etats, soumettre son cas à l'autorité compétente de l'Etat dont elle est un résident ou, si son cas relève du paragraphe 1 de l'article 25, à celle de l'Etat dont elle possède la nationalité. Le cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme aux dispositions de la Convention. / 2. L'autorité compétente s'efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n'est pas elle-même en mesure d'y apporter une solution satisfaisante, de résoudre le cas par voie d'accord amiable avec l'autorité compétente de l'autre Etat, en vue d'éviter une imposition non conforme à la Convention. L'Accord est appliqué quels que soient les délais prévus par le droit interne des Etats. / 3. Les autorités compétentes des Etats s'efforcent, par voie d'accord amiable, de résoudre les difficultés auxquelles peut donner lieu l'application de la Convention (...)" ; qu'aux termes des stipulations de l'article 27 de la même convention : " 1. Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, ou de leurs collectivités locales, dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. L'échange de renseignements n'est pas restreint par les articles 1er et 2. " ;
17. Considérant, ainsi qu'il a été déjà dit au point 14, que la société Service Aviation International n'a pas été en mesure de faire état de la double imposition alléguée au cours de la procédure d'imposition et l'administration n'a pas ouvert en conséquence de procédure amiable ; que les stipulations de l'article 27 ne créent aucune obligation pour l'administration fiscale et aucun droit qu'un contribuable pourrait invoquer à l'appui d'une requête devant le juge de l'impôt ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur les pénalités :
18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. " ;
19. Considérant que l'administration a motivé l'application de la pénalité par la circonstance que " les rappels d'impôt sur les sociétés seront donc assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 p. cent prévue par les articles 1727 et 1728-3 du code général des impôts pour défaut de déclaration d'existence, activité occulte. " ; que si le § 10 de la proposition de rectification, relative à la motivation des sanctions fiscales, ne contenait pas d'autres précisions, notamment les circonstances de fait particulières à l'affaire, il résulte de l'instruction que l'administration a apporté ces précisions au §1 du même document, relatif à la procédure de rectification, en mentionnant que la société avait " exercé en France une activité d'intermédiaire dans le secteur de vente de pièces détachées d'avion depuis 2001 alors que cette activité commerciale n'avait pas été déclarée auprès d'un centre de formalités des entreprises ou d'un greffe de tribunal de commerce " ; que, dès lors, les pénalités étaient suffisamment motivées ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Service Aviation International n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions relatives aux dépens de l'instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Service Aviation International est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Service Aviation International et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
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N° 12MA02003