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10/04/2015 | FRANCE | N°14MA04455

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des référés, 10 avril 2015, 14MA04455


Vu, la requête, enregistrée le 7 novembre 2014, présentée pour M. F... C..., demeurant..., par Me G... ;

M. C...demande au juge des référés de la Cour :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 6 juin 2013 par laquelle le président de l'université de Montpellier 2 a rejeté sa demande tendant à la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

2°) d'enjoindre au président de l'université de Montpellier 2 de réexaminer ses droits à l'établissement d'un contrat à durée indéterminée, dans le délai d'un

mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 300 euros par j...

Vu, la requête, enregistrée le 7 novembre 2014, présentée pour M. F... C..., demeurant..., par Me G... ;

M. C...demande au juge des référés de la Cour :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 6 juin 2013 par laquelle le président de l'université de Montpellier 2 a rejeté sa demande tendant à la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

2°) d'enjoindre au président de l'université de Montpellier 2 de réexaminer ses droits à l'établissement d'un contrat à durée indéterminée, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'université Montpellier 2 au versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et celle de 2 500 euros au titre des frais exposés en appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la condition d'urgence est remplie dès lors que son contrat actuel se termine le 31 mars 2015 et que le refus d'établissement d'un contrat à durée indéterminée entraînera la fin de son emploi ainsi que des conséquences financières graves pour son foyer ; qu'il risque de devoir s'expatrier du fait de la crise actuelle de la recherche publique ;

- qu'il a exercé ses fonctions au sein de deux autorités publiques, le CRBM (Centre de recherche de biochimie macromoléculaire) et l'IGH (Institut de génétique humaine) et a fait l'objet d'un transfert de compétence entre ces deux autorités ; que son ancienneté devait donc être conservée tout au long de sa carrière ; qu'en effet, une erreur dans la rédaction de la loi du 12 mars 2012 a abouti à ce que la prise en compte de l'ancienneté en cas d'employeurs multiples soit oubliée ; que la note interministérielle du 28 février 2013 reprenant les incitations de la circulaire du 26 juillet 2012 impose aux employeurs de ne pas s'opposer à la transformation en contrat à durée indéterminée du contrat des agents qui ont occupé le même poste de travail pendant une durée de six ans exigée par la loi, quand bien même l'emploi occupé a été imputé sur le budget de personnes morales différentes ;

- que la décision en litige a été prise en violation de l'article 8 de la loi du 12 mars 2012 ; qu'en effet, pour les périodes du 1er avril 2005 au 31 décembre 2006, il travaillait sous les ordres et pour le compte du CRBM, ainsi qu'en attestent l'engagement de confidentialité qu'il a dû signer et l'organigramme du CRBM ; qu'il était placé sous l'autorité hiérarchique du directeur du CRBM, M.D..., et non sous celle de sa responsable scientifique, MmeA... ; que le CNRS, tutelle du CRBM, détenait le droit de propriété sur les recherches ; que le directeur du CRBM est professeur de l'université Montpellier 2 ; qu'il existe par conséquent un lien entre le requérant et l'Université Montpellier 2 pour cette période ; que, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2011, il a été embauché par l'INSERM, du 1er janvier 2007 au 28 février 2010, puis par le CNRS, du 1er mars 2010 au 31 mars 2011 dans le seul but d'être mis à disposition du CRBM ; que ces deux contrats de travail le placent sous l'autorité du directeur du CRBM, professeur à l'université Montpellier 2 ; qu'il est donc bien lié pour cette période à cette université ; que, pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013, il a été transféré du CRBM à l'IGH mais était bien sous contrat signé par l'université Montpellier 2 ; que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il était sous l'autorité de son responsable scientifique, M.E... ; qu'il existe bien un lien de subordination entre lui et l'université, ainsi qu'en atteste son contrat de travail ; qu'ainsi, son lien de subordination de 2005 à 2013 avec l'université Montpellier 2 a été persistant ; que le fait d'avoir été placé sous la responsabilité scientifique de plusieurs chefs d'équipe est sans incidence sur la continuité ou la rupture de ce lien ;

- que lorsqu'il existe un doute sur la personne morale à l'égard de laquelle un agent est en droit de revendiquer l'exécution des obligations contractuelles incombant à l'employeur, le Conseil d'Etat considère qu'au-delà du contrat de travail, d'autres éléments doivent être pris en compte pour déterminer l'employeur réel d'un salarié ; qu'il a été affecté de façon exclusive et permanente dans un service de l'Etat puisque le CRBM ne peut embaucher directement des salariés, lesquels sont contractualisés par une de ses tutelles, à savoir le CNRS, l'université Montpellier 1 ou l'université Montpellier 2 ; que les tâches qui lui ont été confiées relèvent des missions habituelles du service ; qu'il était bien lié à l'université Montpellier 2 par un lien de subordination ; qu'ainsi, conformément à l'article 8 de la loi du 12 mars 2012, il remplissait l'ensemble des critères permettant la transformation de son contrat de travail en un contrat à durée indéterminée puisqu'il atteignait, à la date du 13 mars 2012, une ancienneté de six ans, onze mois et treize jours ;

- qu'il pouvait également se prévaloir de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 puisque tout au long de ses différents contrats, l'université Montpellier 2 a toujours été son co-employeur ou son employeur réel ;

- qu'en conséquence, au regard de ces contrats successifs, il était en mesure de bénéficier d'une transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en vertu des dispositions de l'article 8 de la loi du 12 mars 2012 ou de celles de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 ;

Vu les mémoires, enregistrés les 3 février 2015 et 11 mars 2015, présentés pour l'université de Montpellier, par la SCP Vinsonneau-Paliès, Noy, Gauer ; l'université de Montpellier conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- que la requête est irrecevable en ce que l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne permet pas au juge de suspendre l'exécution d'un jugement ;

- que, depuis la fin de son dernier contrat avec l'université de Montpellier 2, M. C... a été recruté par l'université de Montpellier 1 par contrat à durée déterminée ; que l'échéance de ce contrat, le 31 mars 2015, est indépendante de la décision contestée du président de l'université de Montpellier 2 ; que l'échéance de ce contrat à durée déterminée était connue de M. C...qui ne peut faire valoir une perte brutale de revenus ; qu'il se prévaut des effets d'une décision éventuelle de non renouvellement de son contrat pour demander la suspension de la décision en litige ; que la condition d'urgence n'est donc pas remplie ;

- que M. C...n'a pas occupé le même poste durant six années et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 8 de la loi du 12 mars 2012 ; qu'il a été lié à des employeurs différents et été affecté à des unités de recherche distinctes ; qu'il a été placé sous la responsabilité de plusieurs personnes différentes ; qu'il a reçu des rémunérations de niveaux différents ; que le président de l'université de Montpellier 2 n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 26 février et 26 mars 2015, présentés pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête susvisée et soutient en outre :

- que son recours est bien recevable ;

- que l'urgence naît de la proximité de la fin de son contrat à durée déterminée ; que la circonstance qu'il ait été recruté en dernier lieu par l'université de Montpellier 1 est sans incidence depuis la fusion des universités Montpellier 1 et 2 à compter du 1er janvier 2015 ; que l'urgence s'apprécie à la date de la décision juridictionnelle indépendamment de la légalité de la décision contestée ;

- que la variation de ses rémunérations n'est pas un indice probant de changement de poste en ce que les salaires des chercheurs varient selon les fonds apportés par des organismes extérieurs ; qu'il a toujours occupé la même fonction de chercheur ; qu'il a poursuivi les mêmes recherches durant ses contrats successifs ; qu'il est toujours resté sous l'autorité hiérarchique du directeur du CRBM, professeur de l'université Montpellier 2 ; qu'en effet, Mme A... et M. E... ne sont pas des directeurs de laboratoire mais des chefs d'équipes au sein respectivement du CRBM, dirigé par M.D..., et de l'IGH ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant régulièrement été averties du jour de l'audience ;

Après avoir, en séance publique le 8 avril 2015 à 14 heures 30 et en présence de Mme Dudziak, greffière, présenté son rapport et entendu les observations de M.C..., ainsi que celles de MeB..., pour l'université de Montpellier ;

Après avoir clos l'instruction à l'issue de l'audience à 15 heures 30 ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite pour M.C..., enregistrée le 9 avril 2015 ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'université de Montpellier, au sein de laquelle ont fusionné les universités de Montpellier 1 et 2, la circonstance que, par jugement du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier ait rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du président de l'université Montpellier 2 du 6 juin 2013 portant refus de prononcer la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, n'est pas de nature à rendre irrecevable la demande de suspension en référé de cette décision du 6 juin 2013, présentée au titre des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative devant la Cour, laquelle est par ailleurs saisie d'une requête tendant à l'annulation dudit jugement et de ladite décision ;

3. Considérant, d'une part, qu'en l'état de l'instruction, les moyens selon lesquels la décision du président de l'université Montpellier 2 du 2 juin 2013 confirmant de précédentes décisions des 29 janvier et 25 mars 2013, a opposé un refus à la demande de M. C...tendant à ce que son contrat à durée déterminée soit transformé en contrat à durée indéterminée, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la loi susvisée du 12 mars 2012 et de celles de l'article 6 bis de la loi susvisée du 11 janvier 1984, paraissent propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, dès lors que M. C...peut être regardé comme ayant occupé au moins depuis le 1er janvier 2007, de manière continue, le même emploi de chercheur, en dépit du fait qu'il a été rattaché successivement à l'INSERM, au CNRS, puis à l'université Montpellier 2 jusqu'au 31 mars 2013, avant d'être rattaché ensuite à l'université Montpellier 1 à compter du 1er avril 2013 ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 10 mars 2015, le président de l'université de Montpellier a informé M. C...du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée se terminant le 31 mars 2015, conclu initialement avec l'université Montpellier 1 ; qu'eu égard aux liens unissant l'université Montpellier 2 et l'université Montpellier 1 auxquelles le requérant a été successivement rattaché et qui ont aujourd'hui fusionné au sein de l'université de Montpellier, cette décision du 10 mars 2015, alors même qu'elle a été prise par le président de l'université de Montpellier, ne peut être regardée comme dépourvue de tout lien avec le fait que le président de l'université de Montpellier 2, à laquelle l'université de Montpellier indique aujourd'hui se substituer, a refusé de faire droit à la demande de M. C... tendant à la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, par la décision du 6 juin 2013 dont la suspension est demandée ; que le non-renouvellement de son dernier contrat a pour effet de priver l'intéressé de l'emploi de chercheur qu'il occupe depuis de nombreuses années et de le placer, lui-même et sa famille, dans une situation financière précaire ; que, dans ces circonstances, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à demander que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision contestée ; qu'il y a lieu d'enjoindre au président de l'université de Montpellier, venant aux droits et obligations de l'université Montpellier 2, de réexaminer la demande de M. C...tendant au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée dans le délai d'un mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'université de Montpellier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ; qu'il n'appartient pas au juge des référés de la Cour de statuer sur les frais de cette nature exposés en première instance ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l'université de Montpellier demande au titre de ses frais soit mise à la charge de M. C...qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision du président de l'université Montpellier 2 du 12 juin 2013 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au président de l'université de Montpellier de réexaminer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, la demande de M. C... tendant à la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Article 3 : L'université de Montpellier versera à M. C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. F...C...et à l'université de Montpellier.

Fait à Marseille, le 10 avril 2015.

Le juge des référés,

Y. BOUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 14MA04455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 14MA04455
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.

Procédure - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé suspension (art - L - 521-1 du code de justice administrative).


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-10;14ma04455 ?
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