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10/04/2015 | FRANCE | N°14MA01368

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 10 avril 2015, 14MA01368


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 14MA01368, le 26 mars 2014, présentée pour la SCA du Domaine de la Ramière, dont le siège social est 142 chemin de la Ramière, Hameau de Combe, à Sabran (30200), par Me A... ;

La SCA du Domaine de la Ramière demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201137 du 24 janvier 2014 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2012-047-0006 du 16 février 2012 par lequel le préfet du Gard a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique, les parc

elles cadastrées section AK n° 18 et n° 34 dont elle est propriétaire, en vue de la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 14MA01368, le 26 mars 2014, présentée pour la SCA du Domaine de la Ramière, dont le siège social est 142 chemin de la Ramière, Hameau de Combe, à Sabran (30200), par Me A... ;

La SCA du Domaine de la Ramière demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201137 du 24 janvier 2014 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2012-047-0006 du 16 février 2012 par lequel le préfet du Gard a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique, les parcelles cadastrées section AK n° 18 et n° 34 dont elle est propriétaire, en vue de la réalisation du projet d'assainissement pluvial du hameau du Colombier situé dans la commune de Sabran ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé en tant qu'il porte cession de la parcelle cadastrée section AK n°18 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Michel Pocheron, président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5ème chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2015 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

1. Considérant que la SCA du Domaine de la Ramière relève appel du jugement du 24 janvier 2014 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2012-047-0006 du 16 février 2012 par lequel le préfet du Gard a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique les parcelles cadastrées section AK n° 18 et n° 34 dont elle est propriétaire, en vue de la réalisation du projet d'assainissement pluvial du hameau du Colombier situé dans la commune de Sabran ; que, par la présente requête, la SCA du Domaine de la Ramière doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêté du 16 février 2012 en tant qu'il porte cession de la parcelle cadastrée section AK n° 18 ;

2. Considérant que la SCA du Domaine de la Ramière soutient qu'aucune information n'a été donnée au public sur les conséquences du projet sur les propriétés voisines et ses incidences sur les berges et le lit du ruisseau : que, toutefois, il ressort du rapport du commissaire enquêteur que le dossier d'enquête préalable, déposé à la mairie de Sabran pendant dix-neuf jours consécutifs du 29 septembre au 17 octobre 2008, comprenait le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique établi en décembre 2006 par la société Envéo Ingénieurie lequel procédait à une analyse de l'incidence sur les écoulements des eaux de ruissèlement et les débits du Pourpré, ainsi que le dossier d'enquête parcellaire réalisé en octobre 2007 par la société Cereg Ingénieurie comprenant un plan parcellaire et la liste des propriétaires concernés ; que, par ailleurs, il ressort dudit rapport qui mentionne de façon précise les observations du public, que ces éléments ont pu être débattus lors de l'enquête publique ; qu'il s'en suit que ce moyen doit être écarté ;

3. Considérant en l'espèce que le tracé du fossé collecteur soumis à enquête publique, était envisagé le long du chemin rural avec un décrochement au droit des parcelles n° 33 et n° 19 qu'il sectionnait dans leur milieu pour rejoindre le ruisseau " le Pourpré " ; que suivant le rapport du commissaire enquêteur, l'appelante a émis une observation selon laquelle " le tracé du projet dans son dernier tronçon, avant de rejoindre le ruisseau " Le Pourpré ", dans un endroit non aménagé s'écarte au nord, ne suit pas le chemin existant et coupe en deux la parcelle " ; que le commissaire enquêteur a observé dans son rapport que " si le maître d'ouvrage justifie dans son mémoire en réponse des choix retenus, il n'écarte pas les possibilités d'envisager techniquement et financièrement, un tracé qui longe le chemin communal sur les parcelles n° 33, puis n° 18 et n° 19 " ; que l'arrêté querellé mentionne que " le commissaire enquêteur a émis un avis favorable à un tracé modifié, passant en bordure de chemin au droit des parcelles AK 18 et 34, avec l'accord des propriétaires existants " ; que s'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société requérante ait explicitement donné son accord au projet de rectification du tracé, le préfet du Gard aurait pris la même décision en ce fondant uniquement sur l'avis favorable au tracé modifié émis par le commissaire enquêteur ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

4. Considérant que la SCA du Domaine de la Ramière ne peut utilement invoquer l'absence d'élaboration de programme de prévention des inondations du bassin versant tel que prévu par les circulaires du 1er octobre 2002 et du 19 janvier 2005, lesquelles sont dépourvues de toute valeur réglementaire ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que la décision de la commune de Sabran d'aménager des canalisations et des fossés collecteurs aurait été prise sans qu'aucun diagnostic n'ait été préalablement effectué est inopérant à l'égard de l'arrêté querellé ; qu'en tout état de cause, si les dossiers d'enquête publique et parcellaire ne contenaient pas de diagnostic préalable, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de déclaration au titre des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement, établi en décembre 2006 par la société Envéo Ingénieurie qu'une analyse de l'état initial du site et de son environnement, particulièrement des ressources souterraines a bien été réalisée, témoignant ainsi d'une prise en compte géologique et hydrogéologique des terrains concernés par le projet d'assainissement du hameau de Colombier ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date de l'arrêté querellé : " (...) III.- Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les objectifs visés au IV du présent article et les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1 et L. 430-1. Le schéma prend en compte l'évaluation, par zone géographique, du potentiel hydroélectrique établi en application du I de l'article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. (...) / XI.- Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) " ;

6. Considérant que l'arrêté querellé déclarant cessible pour cause d'utilité publique la parcelle cadastrée de l'appelante n'est pas une décision " dans le domaine de l'eau " ; que, par suite, est inopérant le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été tenu compte des dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et plus particulièrement des préconisations qui ont été faites depuis 1999 et notamment la création d'un bassin de rétention ; qu'il s'en suit que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 640 du code civil : " Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. / Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. / Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. " ;

8. Considérant que si la SCA du Domaine de la Ramière se prévaut des dispositions précitées de l'article 640 du code civil, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de l'arrêté de cessibilité querellé ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne saurait être accueilli ;

9. Considérant que la requérante ne peut utilement soutenir que le Tribunal a méconnu la compétence dévolue au juge administratif sur l'appréciation du projet en ne prenant pas en compte la théorie du bilan coût avantage dès lors qu'un tel moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté litigieux portant cessibilité de sa parcelle, en l'absence de toute contestation, par la voie d'exception en première instance comme en appel, de la légalité de la déclaration d'utilité publique du projet en cause ; qu'il s'en suit que la SCA du Domaine de la Ramière ne peut utilement soutenir que, dans ce cadre, le projet porterait atteinte à sa propriété privée, que d'autres modalités d'aménagement moins onéreuses en respectant les propriétés voisines auraient dues être envisagées, ni invoquer des moyens tirés du coût excessif du projet et de son impact économique et environnemental ;

10. Considérant que l'appelante ne saurait utilement contester le choix technique de réaliser un fossé collecteur plutôt qu'un bassin de rétention, en se fondant sur une étude réalisée par la société d'ingénierie pour l'eau et l'environnement (SIEE), ni se prévaloir de ce que la parcelle n° 624 (ex 225) pourrait servir d'emprise à un tel bassin et que la création de ce dernier serait d'autant plus justifiée par les évolutions prévisibles des règles d'urbanisme sur la commune de Sabran dans un avenir proche dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la pertinence du choix d'une solution technique plutôt que d'une autre pour la réalisation de l'opération projetée ;

11. Considérant que si la SCA du Domaine de la Ramière conteste le choix du tracé du fossé d'évacuation en faisant valoir qu'il pourrait longer la parcelle n° 577 située du côté sud du chemin communal plutôt que la sienne, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier l'opportunité qu'il y aurait pour la commune de Sabran d'exproprier d'autres parcelles plutôt que celles retenues afin de réaliser l'opération ;

12. Considérant que l'appelante soutient que le maître d'ouvrage n'a pas pris en compte le fait que ses parcelles sont soit cultivées en vignes AOC soit plantées d'oliviers, qu'elles sont situées en contrebas du chemin du Patinard et qu'elles doivent être desservies par des chemins d'accès indépendants ; que, toutefois, elle n'établit pas que la parcelle AK n°18 en cause serait plantée d'oliviers ou de vignes comme les parcelles n° 33 à 35 lesquelles sont situées en contrebas du chemin du Patinard, tout comme elle ne justifie pas des conséquences économiques de la cession de cette parcelle n° 18 ;

13. Considérant que si la SCA du Domaine de la Ramière invoque les incidences d'un afflux aussi important d'eau à l'arrivée sur le ruisseau le Pourpré, ce moyen est dépourvu de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, elle ne démontre pas le risque d'inondation de la parcelle n° 18 ; que s'agissant des travaux sur les berges du ruisseau qui n'auraient jamais été exécutés, le rapport du commissaire enquêteur relève que des aménagements avec enrochement bétonné seront réalisés au point de rejet dans le Pourpré et qu'un vaste programme de travaux intitulé " restauration du Pourpré " sera engagé une fois l'aménagement pluvial réalisé ; qu'ainsi ces moyens au demeurant inopérants à l'égard de l'arrêté querellé ne sauraient être accueillis ;

14. Considérant que le moyen tiré du risque et du danger potentiel pour les véhicules est également sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté en tant qu'il concerne la parcelle AK n° 18 dès lors que ce risque n'est invoqué par la requérante qu'à l'égard du positionnement du fossé par rapport aux parcelles AK 33, 34 et 35 ;

15. Considérant que si l'appelante conteste la nécessité de procéder à l'acquisition de sa parcelle, elle ne le démontre nullement en se prévalant d'une mesure compensatoire préconisée par le bureau d'étude SIEE consistant à réaliser un bassin de rétention en amont du rejet qui pourrait se situer sur la parcelle n° 624 et en contestant le choix technique de la création d'un fossé collecteur dès lors que, ainsi qu'il a été dit aux considérants n° 10 et 11 précédents, ces moyens sont inopérants ; qu'il s'en suit que le préfet du Gard n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en déclarant cessible la parcelle n° AK 18 de la SCA du Domaine de la Ramière ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCA du Domaine de la Ramière n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCA Domaine de la Ramière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCA du Domaine de la Ramière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA du Domaine de la Ramière et au ministre de l'intérieur.

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N° 14MA01368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01368
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge - Moyens - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP PENARD - OOSTERLYNCK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-10;14ma01368 ?
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