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31/03/2015 | FRANCE | N°14MA01262

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 31 mars 2015, 14MA01262


Vu la requête enregistrée le 20 mars 2014, présentée pour Mme B...A..., domiciliée..., par MeD... ; Mme A...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1304907 rendu le 31 décembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier ;

- d'annuler l'arrêté en date du 6 août 2013 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à défaut de se conformer à ladite obligation ;

- d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer

un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 e...

Vu la requête enregistrée le 20 mars 2014, présentée pour Mme B...A..., domiciliée..., par MeD... ; Mme A...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1304907 rendu le 31 décembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier ;

- d'annuler l'arrêté en date du 6 août 2013 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à défaut de se conformer à ladite obligation ;

- d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;

- de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros qui sera versée à Me D...sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle et le paiement des entiers dépens ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de MeE..., substituant MeD..., pour MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., de nationalité libérienne, serait, selon ses dires, entrée clandestinement en France en janvier 2011 ; qu'elle a présenté, le 3 février 2011, une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 juin 2011 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 20 décembre 2011 ; que, par un arrêté en date du 27 janvier 2012, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'asile, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à défaut de se conformer à ladite obligation ; que Mme A...a sollicité, le 11 octobre 2012, le réexamen de sa demande d'asile ; que, par une décision en date du 26 novembre 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi dans le cadre de la procédure prioritaire, a rejeté sa demande comme étant irrecevable ; que Mme A...a fait l'objet, le 6 août 2013, d'un contrôle d'identité ; qu'à la suite dudit contrôle, le préfet de l'Hérault a, le jour même, pris la décision d'obliger Mme A...à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de l'intéressée ; que Mme A...interjette appel du jugement en date du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 6 août 2013 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le préfet doit mettre en oeuvre le droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; que ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ;

3. Considérant que, lorsqu'il est statué sur une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger ne saurait ignorer qu'il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, durant la période d'instruction de son dossier, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France et qui feraient donc obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français, ainsi qu'à fournir tous les éléments venant à l'appui de sa demande ; qu'il doit en principe se présenter personnellement aux services de la préfecture et qu'il lui est donc possible d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles ; que, toutefois, lorsqu'un laps de temps trop important s'est écoulé depuis la demande de titre de séjour, le préfet doit informer l'intéressé dont la situation de fait a pu, entre temps, évoluer de façon notable, qu'il est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement afin que celui-ci soit mis à même de présenter toutes les observations qu'il juge utiles ;

4. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle n'a pas été mise à même par le préfet de faire valoir certains éléments de sa situation personnelle et, notamment, son état de santé, avant qu'il ne lui soit fait obligation, le 6 août 2013, de quitter le territoire français ; que si l'obligation de quitter le territoire français précitée fait suite à une demande de réexamen de sa situation déposée au titre de l'asile le 11 octobre 2012, un laps de temps trop important s'est écoulé entre ladite demande et l'obligation de quitter le territoire français litigieuse prise à la suite d'un contrôle d'identité le 6 août 2013 ; que le préfet de l'Hérault était donc tenu d'informer Mme A...de la mesure dont elle était susceptible de faire l'objet et, ainsi, de la mettre à même de présenter toutes les observations dont elle jugerait utile de lui faire part ; qu'il est constant que tel n'a pas été le cas ;

5. Considérant, cependant, que lorsqu'une mesure d'éloignement a été décidée dans le cadre d'une procédure administrative en méconnaissance du droit d'être entendu, le juge chargé de l'appréciation de la légalité de cette décision ne saurait annuler ladite mesure que s'il considère, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit de chaque espèce, que cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;

6. Considérant qu'au cas particulier, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un certificat médical établi par le DrC..., psychiatre, praticien hospitalier, le 23 juillet 2013, soit après le dépôt de la demande d'asile et avant l'arrêté litigieux, que " Cette jeune femme, intelligente, à la présentation soignée, présente en effet un état de stress post-traumatique important avec insomnie, cauchemars, troubles de la concentration, angoisses, idées noires qui nécessitent un traitement psychotrope et psychothérapeutique au long cours. Un retour dans son pays d'origine où elle ne peut se sentir en sécurité à la suite des sévices subis, où elle pense être toujours en danger de mort et d'être excisée mettrait en péril son équilibre psychique déjà précaire " ; qu'au vu de ce certificat médical circonstancié, répondant aux prescriptions de l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, le préfet aurait nécessairement été amené à saisir le médecin de l'agence régionale de santé afin d'obtenir son avis sur la question de savoir si l'état de santé de l'intéressée nécessitait des soins dont le défaut était susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si un traitement approprié était, au vu du traumatisme qu'elle alléguait avoir subi dans ledit pays, possible ; qu'en ne mettant pas Mme A... à même de présenter ses observations avant de prendre la décision litigieuse, le préfet de l'Hérault a privé Mme A...de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent tel que la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ou, tout au moins, celle d'une autorisation provisoire de séjour ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 6 août 2013 ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement ainsi que, par l'effet dévolutif de l'appel, l'arrêté du 6 août 2013 en toutes ses dispositions ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Considérant que l'annulation, au motif précité, de l'arrêté du 6 août 2013 n'implique pas nécessairement que soit délivré à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " mais implique, en revanche, que le préfet de l'Hérault procède à un nouvel examen de sa situation en tenant compte, notamment, des éléments médicaux qu'elle entend faire valoir ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la situation de MmeA..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a cependant pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre./ Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / Si, à l'issue du délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. /Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. " ;

10. Considérant que Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros qui sera versée à Me D...sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304907 rendu le 31 décembre 2013 par le tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 6 août 2013 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à Me D...la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Hérault et à MeD....

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N° 14MA012622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01262
Date de la décision : 31/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. RENOUF
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-03-31;14ma01262 ?
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