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20/03/2015 | FRANCE | N°13MA02239

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 20 mars 2015, 13MA02239


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013, présentée pour la commune de Bollène, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats Fayol et associés ;

La commune de Bollène demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1103233 du 12 avril 2013 par lequel tribunal administratif de Nîmes a, sur la demande de l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, prononcé l'annulation de l'arrêté du 30 août 2011 par lequel le maire de Bollène a autorisé la démolition de bâtiments communaux à usage d'habitation situés impasse du Peuple ;r>
2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour la mise en valeur du pat...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013, présentée pour la commune de Bollène, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats Fayol et associés ;

La commune de Bollène demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1103233 du 12 avril 2013 par lequel tribunal administratif de Nîmes a, sur la demande de l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, prononcé l'annulation de l'arrêté du 30 août 2011 par lequel le maire de Bollène a autorisé la démolition de bâtiments communaux à usage d'habitation situés impasse du Peuple ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'avis de l'architecte des bâtiments de France a été sollicité ; que ce dernier a expressément visé l'église paroissiale Saint-Martin dans son avis du 9 août 2011 et a estimé que les bâtiments classés étaient hors du champ de visibilité ; qu'il n'est pas établi que l'architecte des bâtiments de France aurait commis une erreur d'appréciation en retenant l'absence de covisibilité ;

- que l'irrégularité de la procédure n'entache pas nécessairement d'illégalité la décision au regard de la jurisprudence Danthony ;

- que le maire était tenu de délivrer un permis de démolir, l'état de ruine des immeubles étant caractérisé ;

- que la démolition des bâtiments existants en état de ruine afin d'y réaliser un espace public ne peut que favoriser les objectifs du PPRI qui classe le secteur en zone d'aléa moyen ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la lettre du 1er septembre 2014 informant les parties, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle la clôture de l'instruction sera susceptible d'être prononcée et de la date prévisionnelle de l'audience ;

Vu, enregistré le 23 septembre 2014, le mémoire présenté pour l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, dont le siège est chez M. C...B..., route de Mondragon, quartier Pigrallier à Bollène (84500), représentée par son président en exercice, par la SCP Desplats Muzin ; l'association conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la confirmation du jugement attaqué et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Bollène en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- que l'avis de l'architecte des bâtiments de France ne vise que l'église et non la collégiale Saint-Martin ; que cet avis ne mentionne pas la maison cardinale qui est également dans le périmètre des cinq cents mètres ; que l'acte attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière ;

- que le délabrement des constructions n'est pas démontré ; que la commune n'a jamais pris d'arrêté d'insalubrité ni de péril ;

Vu, enregistré le 17 novembre 2014, le nouveau mémoire présenté pour la commune de Bollène qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Elle soutient en outre que les photographies produites par l'association n'ont été prises ni de l'îlot à démolir, ni de l'un des édifices faisant l'objet d'une protection particulière ; que les travaux ne sont pas visibles depuis les monuments historiques concernés ;

Vu l'ordonnance du 22 décembre 2014 prononçant la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 23 janvier 2015, après clôture de l'instruction, le nouveau mémoire présenté pour l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, qui n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Giocanti, conseiller ;

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour la commune de Bollène ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 2 février 2014, présentée pour l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène ;

1. Considérant que la commune de Bollène est propriétaire de plusieurs bâtiments situés dans le centre-ville formant une ensemble désigné sous l'appellation "îlot du Peuple" et frappés d'une servitude d'emplacement réservé par le plan local d'urbanisme communal approuvé le 20 décembre 2010 pour la création d'un espace public ; que la commune de Bollène relève appel du jugement du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, annulé le permis du 30 août 2011 autorisant la commune à démolir les bâtiments implantés sur les parcelles cadastrées section BY n° 55, 56, 57, 59, 60, 61, 62, 69, et 70 et situés impasse du Peuple ;

Sur la légalité du permis de démolir du 30 août 2011 :

2. Considérant que, pour annuler le permis de démolir en litige, les premiers juges ont estimé que l'architecte des bâtiments de France, dans son avis du 9 août 2011, n'avait pas tenu compte de la présence de la collégiale Saint-Martin ni de celle de la maison Cardinale, alors que le projet se situe dans le champ de visibilité de ces deux monuments historiques ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ayant fait l'objet d'un périmètre de protection délimité dans les conditions fixées aux deuxième ou troisième alinéas de l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France. / En application de l'article L. 621-31 du code du patrimoine, les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux projets portant sur les immeubles classés au titre des monuments historiques, sur les immeubles inscrits et sur les immeubles adossés aux immeubles classés. " ; qu'aux termes de l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine, alors en vigueur : " Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre de 500 mètres.(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de démolir sollicité par la commune de Bollène a pour objet la démolition d'immeubles situés sur un terrain se trouvant à une distance de moins de 500 mètres de la collégiale Saint-Martin et de la maison Cardinale, monuments classés ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des planches photographiques prises de la table d'orientation située à proximité immédiate de la collégiale Saint-Martin et jointes au procès-verbal dressé par un huissier ayant procédé à un constat de la configuration des lieux, que les bâtiments en litige sont visibles depuis ce point à l'oeil nu ; que si le point depuis lequel ces constatations ont été opérées est seulement situé à proximité du monument concerné, il ressort des pièces du dossier que la vue depuis le monument lui-même ne présente pas de différence notable avec celle qui est décrite dans les pièces du dossier ; que, par suite, en admettant même que le projet ne se trouverait pas dans le champ de visibilité de la maison Cardinale, le permis de démolir ne pouvait, en vertu des dispositions précitées du code de l'urbanisme, être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé que le maire ne pouvait légalement délivrer un permis de démolir sans avoir obtenu une telle autorisation pour des travaux portant sur des immeubles visibles depuis la collégiale Saint-Martin ;

5. Considérant, d'autre part, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ; qu'en l'espèce, alors qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme que l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France doit être obtenu au préalable, quel que soit le sens de la décision de l'autorité appelée à statuer, le permis de démolir contesté n'a pas été délivré au vu d'un avis de l'architecte des bâtiments de France visant la collégiale Saint-Martin ; que ce permis est ainsi entaché d'un vice affectant la compétence de l'autorité qui l'a délivré, de nature à l'entacher d'illégalité ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si la commune de Bollène, sans se prévaloir d'aucune disposition législative ou règlementaire particulière, soutient qu'elle était tenue de délivrer un permis de démolir compte tenu de l'état de vétusté et d'insalubrité des bâtiments concernés, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le projet de démolition favoriserait les objectifs de protection du plan de prévention des risques d'inondation, est sans incidence sur la légalité du permis de démolir accordé par le maire de Bollène ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bollène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de démolir que son maire lui a délivré par arrêté du 30 août 2011 ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Bollène demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenue aux dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Bollène une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Bollène est rejetée.

Article 2 : La commune de Bollène versera à l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène, une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bollène et à l'association pour la mise en valeur du patrimoine de Bollène.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

M. Portail, président-assesseur ;

Mme Giocanti, conseiller ;

Lu en audience publique, le 20 mars 2015.

Le rapporteur,

F. GIOCANTI

Le président,

Y. BOUCHER

Le greffier,

S. DUDZIAK

La République mande et ordonne préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 13MA02239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02239
Date de la décision : 20/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Permis de démolir.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Fleur GIOCANTI
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS FAYOL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-03-20;13ma02239 ?
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