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10/03/2015 | FRANCE | N°12MA02573

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 10 mars 2015, 12MA02573


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 26 juin 2012 et régularisée par courrier le 27 juin suivant, présentée pour M. C...A...demeurant..., par Me B...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0903903 du 13 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004, ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la

valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la p...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 26 juin 2012 et régularisée par courrier le 27 juin suivant, présentée pour M. C...A...demeurant..., par Me B...;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0903903 du 13 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004, ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2015,

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., qui exerce une activité déclarée de commerce en gros de boissons et produits alimentaires, a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2003 et 2004, dans le cadre duquel a été révélée l'existence de crédits bancaires inexpliqués, qui ont donné lieu à l'imposition de revenus d'origine indéterminée ; que l'intéressé a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité commerciale portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2006 au cours de laquelle il a été constaté que celui-ci se livrait en outre à des opérations financières en France, consistant en des remises d'effets de commerce ou de chèques par des entreprises auxquelles M. A...remettait, en contrepartie, des espèces ou des chèques libellés au nom de tiers, sous déduction d'une commission ; qu'à l'issue de ce second contrôle, l'administration, par une proposition de rectification en date du 22 septembre 2006, lui a notifié des rehaussements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et en matière de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure contradictoire ; que les impositions supplémentaires correspondantes, assorties des pénalités, ont été mises en recouvrement le 23 décembre 2008 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée et le 31 décembre 2008 s'agissant de l'impôt sur le revenu ; que M. A...relève appel du jugement en date du 13 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication, et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

3. Considérant que M. A...fait valoir que l'administration ne lui pas communiqué " l'ensemble des renseignements qu'elle avait obtenus auprès des établissements de crédit ", alors qu'il en avait fait la demande par courrier du 3 novembre 2006 ; que toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a exercé son droit de communication le 23 février 2006 auprès de la Poste, afin d'obtenir des relevés d'un premier compte bancaire détenu par M.A..., puis a remis l'intégralité de ces relevés bancaires à l'intéressé le 3 avril 2006 ; que le vérificateur a exercé une seconde fois ce même droit de communication, le 20 avril 2006, auprès de la poste et de la caisse d'épargne, établissements dans lesquels le requérant détenait deux autres comptes bancaires, afin de pouvoir identifier l'identité de certains bénéficiaires et parties versantes des effets de commerce et des chèques en litige ; que les renseignements obtenus dans ce cadre ont été détaillés à l'annexe 3 de la proposition de rectification adressée le 22 septembre 2006 à M. A... ; que contrairement à ce que soutient ce dernier, le courrier en date du 3 novembre 2006 dans lequel il a formulé ses observations en réponse à cette proposition de rectification ne sollicitait nullement la communication de l'ensemble des renseignements obtenus par l'administration auprès des établissements de crédit mais se bornait à demander la " copie de la demande datée de recherches des relevés bancaires auprès de toutes les banques ", ou à défaut la " copie de la demande datée de l'intervention de la brigade régionale " et la " copie du courrier daté joint à l'expédition des relevés bancaires ou postaux émanant des banques et CCP ou de la brigade régionale ", c'est à dire de documents dont le défaut de communication ne saurait être invoqué par le requérant, dans la mesure où ils ne constituent pas, par eux-mêmes, des éléments sur lesquels l'administration s'est appuyée pour établir les impositions en litige ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les obligations découlant des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ... " ;

5. Considérant que M. A...a conclu le 30 juin 2003 un protocole d'accord avec la société de droit suisse Crimar SARL, dans le cadre duquel il agissait en tant que mandataire de cette société en France, en gérant pour son compte des " encaissements, des investissements, des débours et partenariats financiers à leurs échéances " et percevait en rémunération de l'ensemble de ses missions une commission de 0,50 % des encaissements ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration fiscale n'a pas remis en cause la validité d'un tel contrat, mais a simplement constaté l'existence de mouvements financiers transitant sur ses comptes bancaires, qui ne correspondaient nullement avec le montant comptabilisé des commissions ainsi perçues, soit 4 274,65 euros toutes taxes comprises en 2003 et 6 411,41 euros toutes taxes comprises en 2004 ; qu'ainsi elle n'a pas qualifié, même implicitement, d'abus de droit le comportement du contribuable ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration aurait dû faire application de la procédure relative à la répression des abus de droit doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par M. A... que le vérificateur, lors du contrôle de son entreprise, a constaté l'absence de documents comptables retraçant de façon détaillée l'ensemble des opérations financières réalisées par l'intéressé, relatives à l'encaissement de lettres de change ou de chèques et à des avances de trésorerie consenties à des tiers ; qu'ainsi, la comptabilité de M. A...ne permettant pas un contrôle de cette activité financière, c'est à bon droit que l'administration l'a rejetée et a procédé à la reconstitution des recettes de l'entreprise ;

8. Considérant qu'il incombe à M. A...de démontrer l'exagération des impositions dès lors qu'elles ont été établies conformément à l'avis rendu le 6 novembre 2007 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...exerçait, parallèlement à son activité déclarée de commerce en gros de boissons et de produits alimentaires, une activité non déclarée, consistant à encaisser sur les comptes bancaires de l'entreprise, des effets de commerce ou des chèques émanant d'entreprises du bâtiment de la région puis à leur remettre, en contrepartie, des espèces ou des chèques libellés au nom de tiers, sous déduction d'une commission ; qu'ont ainsi été encaissés sur les comptes bancaires de son entreprise des effets de commerce, des chèques et des espèces, pour des montants respectifs de 786 496 euros en 2003 et de 1 528 870 euros en 2004 ; qu'en l'absence de comptabilité portant sur une telle activité financière, et en dépit des demandes qui ont été adressées à M. A...lors de la procédure contradictoire, le vérificateur n'a pas été en mesure d'identifier précisément les parties versantes et les bénéficiaires des effets de commerce et des chèques émis, et donc de rapprocher les crédits et les débits ; qu'en l'absence de justifications, le vérificateur a considéré que 25 % de ces encaissements avaient été prélevés par M. A...à titre de rémunération du service rendu ; que l'administration a ainsi fixé le montant de ces commissions à 164 378 euros hors taxes en 2003 et 319 534 euros hors taxes en 2004 ; qu'en premier lieu, si M. A...soutient que le montant des encaissements retenu par le vérificateur est surévalué, ceux-ci s'élevant en réalité à 714 824 euros en 2003 et 1 072 642 euros en 2004, il se borne à produire un tableau récapitulatif de l'analyse des relevés bancaires, déterminé d'après ses propres calculs, qui ne saurait remettre en cause le calcul effectué par les services fiscaux des crédits bancaires retenus au titre des opérations financières en litige, précisément détaillé dans l'annexe 2 de la proposition de rectification ; qu'en deuxième lieu, il ne démontre pas davantage avoir reversé l'ensemble des sommes encaissées en se bornant à se prévaloir de la liste des bénéficiaires qu'il avait communiquée au vérificateur, laquelle ne comporte aucune date et mentionne des noms de particuliers ne permettant pas d'identifier précisément les bénéficiaires ; qu'en troisième lieu, si le requérant fait valoir qu'il convient, pour déterminer le montant des commissions qu'il a perçues lors de ces opérations financières, d'appliquer le pourcentage fixé par le protocole d'accord, soit 0, 50 %, ou subsidiairement un taux de 5 % généralement pratiqué par les établissements de crédits lors du traitement des effets de commerce, il n'établit pas, d'une part, avoir agi dans le cadre du protocole du 30 juin 2003 susmentionné, qui en tout état de cause ne saurait suffire à justifier l'activité de prêteur et d'intermédiaire du requérant au lieu et place d'un établissement bancaire ; que, d'autre part, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il n'aurait conservé qu'une faible partie des sommes encaissées ; qu'ainsi, il n'établit pas que le taux de marge de 25 % retenu par l'administration serait exagéré ; qu'enfin, l'exactitude de l'allégation de M. A...selon laquelle il existerait un risque de double imposition, dès lors que la société Crimar SARL a également fait l'objet d'un contrôle, n'est nullement démontrée ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel... " ; qu'aux termes de l'article 261 C du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : / a. L'octroi et la négociation de crédits, la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés, les prêts de titres effectués dans les conditions du chapitre V modifié de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 sur l'épargne et les pensions réalisées dans les conditions prévues par les articles L. 432-12 à L. 432-19 du code monétaire et financier ; / b. La négociation et la prise en charge d'engagements, de cautionnements et d'autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits ; / c. Les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances (...) " ;

11. Considérant que dans le cadre des opérations financières décrites au point 9, et en l'absence de tout élément justificatif, les commissions perçues par M. A...ont été regardées par l'administration comme correspondant au prix de prestations de services rendues à des tiers, sur le territoire français, constituant ainsi des produits devant être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19, 6 %, conformément aux dispositions de l'article 256-I du code général des impôts ; que le requérant n'établit pas que les opérations ainsi effectuées étaient au nombre de celles qui sont définies par les dispositions précitées de l'article 261 C du code général des impôts ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les commissions en litige auraient dû être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dernières dispositions ;

Sur les pénalités

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie..." ; qu'il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées du code général des impôts ;

13. Considérant qu'en l'espèce, l'administration établit l'absence de bonne foi de M. A..., eu égard aux graves insuffisances dont était entachée sa comptabilité et à l'importance des recettes non déclarées, alors que le requérant ne pouvait ignorer le caractère imposable des revenus en cause ; que dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit faire application de la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A...quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

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