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05/03/2015 | FRANCE | N°13MA04853

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 mars 2015, 13MA04853


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée pour Mme A... B...épouseC..., demeurant..., par Me Boughanmi-Papi, avocat ;

Mme B...épouse C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302761 du 31 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2013 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie

privée et familiale ", dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à i...

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée pour Mme A... B...épouseC..., demeurant..., par Me Boughanmi-Papi, avocat ;

Mme B...épouse C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302761 du 31 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2013 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me Boughanmi-Papi en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

...........................

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 7 juillet 2014 fixant la clôture d'instruction au 27 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 21 février 2014, admettant Mme B...épouse C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55 % ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- et les observations de Mme B... épouseC... ;

1. Considérant que Mme B... épouseC..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 31 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 24 mai 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que le préfet des Alpes-Maritimes, auquel la requête a été régulièrement communiquée tant en première instance qu'en appel, n'a pas cru devoir produire de mémoire en défense ; qu'il n'était pas davantage présent ni représenté à l'audience à laquelle il a pourtant été régulièrement convoqué ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que le préfet a relevé, dans la décision contestée, que l'appelante était entrée en France le 31 décembre 2009 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le père, la mère, le frère et la soeur de l'intéressée vivent en France, sous couvert d'une carte de résident ; que Mme B... épouse C...a épousé, en octobre 2012, un ressortissant tunisien séjournant régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident qui mentionne qu'il est entré en France en 1997 ; qu'à la date de l'arrêté contesté, Mme B...épouse C...était enceinte de sept mois ; qu'elle a d'ailleurs donné le jour à une fille le 18 juillet 2013, trois semaines après l'expiration du délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ; que le préfet a relevé dans sa décision l'existence d'une communauté de vie, à tout le moins à compter de mars 2012 ; qu'il n'a contesté les pièces produites pour justifier d'une vie commune antérieurement à cette date ni en première instance ni en appel, alors que l'appelante a produit des attestations de proches et une attestation émanant d'un chargé de clientèle de la société EDF indiquant qu'un contrat a été souscrit le 2 mars 2011 auprès d'EDF, pour un logement situé 24 rue Mérimée au Cannet, au nom de l'appelante et de son futur époux ; que Mme B...épouse C...justifie par ailleurs avoir reçu des salaires en qualité d'aide à domicile entre juin 2011 et juillet 2012 ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'appelante ait conservé des attaches familiales en Tunisie ; que, dans ces conditions, alors même que l'appelante pourrait, le cas échéant, bénéficier du regroupement familial l'arrêté contesté doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure ; qu'ainsi, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et l'arrêté doivent être annulés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de Mme B...épouse C...depuis l'intervention de l'arrêté du 24 mai 2013 ait évolué dans des conditions telles que sa demande de titre de séjour serait devenue sans objet ou que des circonstances postérieures à la date de cet arrêté permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet ; que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu pour la Cour de prescrire au préfet de délivrer à Mme B...épouseC..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, un tel titre de séjour ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation (...) " ; que, par application de ces dispositions, il y a lieu de condamner l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, à verser à Me Boughanmi-Papi une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés qu'elle aurait réclamés au requérant si celle-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle partielle, ce versement emportant renonciation de la part de cette dernière à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 octobre 2013 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 24 mai 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme B... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Boughanmi-Papi la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation au bénéfice de l'indemnité de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... épouse C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouseC..., à Me Boughanmi-Papi et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse.

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N° 13MA04853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04853
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. FIRMIN
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BOUGHANMI-PAPI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-03-05;13ma04853 ?
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