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17/02/2015 | FRANCE | N°14MA04067

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 février 2015, 14MA04067


Vu la décision n° 362570 en date du 19 septembre 2014, enregistrée le 26 septembre 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA04067, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit par la SAS Ortec Meca, a annulé l'arrêt n° 11MA01188 de la Cour en date du 10 juillet 2012 et renvoyé l'affaire devant elle ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 mars 2011, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par la SCP d'avocats Sanguinetti - Ferraro - Clerc ;

M.

C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808648 du 25 ja...

Vu la décision n° 362570 en date du 19 septembre 2014, enregistrée le 26 septembre 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA04067, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit par la SAS Ortec Meca, a annulé l'arrêt n° 11MA01188 de la Cour en date du 10 juillet 2012 et renvoyé l'affaire devant elle ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 mars 2011, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par la SCP d'avocats Sanguinetti - Ferraro - Clerc ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808648 du 25 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 8ème section d'inspection des Bouches-du-Rhône en date du 3 avril 2008 et a autorisé la SAS Ortec Meca à le licencier pour faute ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Ortec Meca le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la SAS Ortec Meca ;

1. Considérant M. C...était employé par la SAS Ortec Meca en qualité d'écriqueur, fonction consistant à contrôler la qualité des brames, qui sont des blocs d'acier utilisés en sidérurgie, destinées à la société Arcelor Mittal ; qu'il exerçait le mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail depuis le 14 juin 2005 ; qu'à la suite du retrait par la société Arcelor Mittal, le 20 décembre 2007, de l'habilitation accordée à M.C..., au motif qu'il ne respectait pas le cahier des charges pour le contrôle et la retouche des brames, la SAS Ortec Meca a demandé à l'inspection du travail, le 7 février 2008, l'autorisation de le licencier pour faute ; que, par décision du 3 avril 2008, et non du 4 comme l'indique M. C...par erreur, l'inspectrice du travail de la 8ème section d'inspection des Bouches-du-Rhône a refusé cette autorisation ; que, saisi d'un recours hiérarchique par l'employeur, le ministre chargé du travail, par décision du 9 octobre 2008, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de l'intéressé ; que M. C... relève appel du jugement du 25 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ministérielle ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de suivi de la demande de première instance, que M. C...a reçu communication le vendredi 7 janvier 2011 du premier mémoire en défense de la SAS Ortec Meca, enregistré le 5 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif de Marseille et communiqué le 6, dont certains éléments ont été repris par le jugement attaqué ; que la clôture de l'instruction est intervenue, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, le samedi 8 janvier à zéro heure, trois jours francs avant la date de l'audience, fixée au mardi 11 janvier 2011 ; que, dans ces conditions, M. C...n'a pas disposé d'un délai suffisant pour pouvoir répliquer à ce mémoire ; qu'il est, par suite, fondé à soutenir que le jugement est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur la recevabilité du recours hiérarchique de l'employeur :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre (...) peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet " ;

5. Considérant qu'en tant qu'elles fixent un délai au recours hiérarchique formé contre une décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé, les dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail ont entendu se référer au délai de recours contentieux et à la règle générale du contentieux administratif selon laquelle un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision administrative doit être exercé avant l'expiration du délai de recours contentieux pour interrompre ce délai ; que, par suite, le délai de deux mois mentionné à l'article R. 2422-1 du code du travail est un délai franc qui, s'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SAS Ortec Meca a reçu notification de la décision de l'inspectrice du travail le 8 avril 2008 ; qu'ainsi, le délai de recours hiérarchique qui lui était ouvert expirait le lundi 9 juin 2008 ; que ce recours hiérarchique est parvenu au ministre chargé du travail le 9 juin 2008 ; que, par conséquent, contrairement aux affirmations de M.C..., le recours hiérarchique de l'employeur n'était pas tardif ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 9 octobre 2008 :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. Considérant, en premier lieu, que par décision du 5 juillet 2007 publiée au journal officiel de la République française du 20 juillet 2007, M. D...E..., directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à l'administration centrale, chef du département soutien et appui au contrôle et signataire à ce titre de la décision en litige, a reçu délégation à l'effet de signer, dans la limite des attributions de son département et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision ministérielle doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que dans sa décision, le ministre a visé les dispositions applicables du code du travail et a notamment relevé, pour annuler la décision de l'inspectrice du travail, que celle-ci n'avait pas mis à même l'employeur de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants recueillis pendant l'enquête contradictoire de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués ; qu'il a également indiqué de manière suffisamment claire, pour accorder l'autorisation de licenciement, que M. C... avait déclaré, d'une part, des travaux de retouches sur des brames à des dates différentes de celles auxquelles il les avait effectivement exécutés et, d'autre part, des travaux de retouches plus poussés que ceux réellement effectués, ceci dans le but de percevoir des primes notablement supérieures à celles auxquelles il pouvait prétendre ; que le ministre a aussi mentionné que les fautes ainsi commises, susceptibles d'entraîner une perte du marché pour l'entreprise, étaient suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement et que celle-ci était dépourvue de tout lien avec les mandats représentatifs détenus ; que, dès lors, la décision contestée est suffisamment motivée ;

9. Considérant, enfin, que la décision du ministre est intervenue le 9 octobre 2008 dans le délai de quatre mois imparti par les dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, la circonstance qu'elle n'a été notifiée que le 17 octobre 2008 étant dépourvue d'incidence ; que, par suite et en tout état de cause, M. C...ne peut se prévaloir de ce qu'une décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'employeur était née ;

En ce qui concerne l'annulation par le ministre de la décision de l'inspectrice du travail :

10. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées de l'article R. 2421-11 du code du travail, impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enquête contradictoire conduite par l'inspectrice du travail, M. C...a produit, à l'appui de la contestation des fautes qui lui étaient imputées par l'employeur, diverses attestations de collègues de travail ; que, si la communication de ces éléments à la SAS Ortec Meca, qui n'a pas été effectuée, aurait pu être de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspectrice du travail n'a pas non plus informé l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de la teneur de ces attestations et pas davantage de leur existence ; qu'il s'ensuit que l'inspectrice du travail a méconnu le caractère contradictoire de l'enquête ; que, dès lors, c'est à bon droit que le ministre a annulé, pour ce motif, la décision de l'inspectrice du travail ;

En ce qui concerne la délivrance de l'autorisation de licenciement :

12. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

13. Considérant, en premier lieu, que l'accord d'entreprise du 6 septembre 2001, modifié par l'avenant du 6 mars 2002, prévoit le plafonnement à 500 tonnes équivalent par poste (TEQ) le volume de brames pris en compte pour le calcul de la prime de production attribuée aux écriqueurs ; qu'il est reproché à M. C...d'avoir à plusieurs reprises différé l'enregistrement de certains travaux, à des dates auxquelles le plafond n'était pas atteint, par rapport à leurs dates de réalisation effective, auxquelles il aurait été dépassé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision ministérielle serait sur ce point entachée d'inexactitude matérielle ; que si M. C...soutient que cette pratique était courante, connue et tolérée par la hiérarchie, la seule circonstance que l'inspectrice du travail a constaté, lors de son enquête, que d'autres équipes auraient procédé de la même manière n'est pas de nature à démontrer l'existence d'une tolérance de la part de l'employeur ; que la circonstance que les brames urgentes ne pouvaient être reportées sur le poste de travail suivant n'est pas davantage susceptible de justifier la pratique reprochée ; que le décalage volontaire de l'enregistrement de certains travaux a permis au salarié de bénéficier d'une augmentation substantielle de la prime de production perçue ; que, dans ces conditions, les faits reprochés sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...conteste avoir indiqué des travaux d'écriquage classés R+ par la codification de l'entreprise alors qu'il avait en réalité effectué des travaux classés R, moins complexes et moins bien rémunérés par la prime de production ; que, toutefois, l'annexe, qui figure au dossier contrairement à ce qui est soutenu, à la lettre du 20 décembre 2007 adressée par la société Arcelor Mittal à la SAS Ortec Meca, déjà évoquée au point 1, mentionne M. C...comme étant intervenu sur trois des six brames repérées pour cette anomalie pendant la période allant du 1er au 20 novembre 2007 ; que les faits, révélés par une société cliente de la SAS Ortec Meca, doivent être regardés comme établis alors même qu'ils n'ont pas été constatés contradictoirement ou par voie d'huissier ; que le salarié n'apporte d'ailleurs aucun début de preuve de nature à contredire les éléments versés aux débats ; que ces faits sont à l'origine d'un défaut de qualité des brames et d'une augmentation notable de la prime de production du salarié ; que, par suite, ils sont également constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ;

15. Considérant, en troisième lieu, que les moyens de M. C...relatifs à l'acquittement des expertises dites SPOC au cours du même poste de travail que l'écriquage, prohibé par le cahier des charges conclu avec la société Arcelor Mittal, et à la procédure de validation des travaux supplémentaires par le personnel de cette même société sont inopérants dès lors que la décision ministérielle n'évoque pas ces points ;

16. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres salariés auraient été convaincus de faits comparables sans être sanctionnés ; que la mesure de licenciement a été envisagée par l'employeur à la suite du refus de M. C...d'être rétrogradé au poste d'opérateur polyvalent ; que, malgré l'activité déployée par l'intéressé dans l'exercice de son mandat représentatif, et notamment dans un conflit social en août 2007, et le licenciement pour les mêmes motifs de deux autres salariés protégés, appartenant au même syndicat que lui, il ne résulte d'aucun élément que la décision de licenciement a été prise en considération de ce mandat ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision ministérielle du 9 octobre 2008 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

19. Considérant que ces dispositions font obstacle aux conclusions de M.C..., partie principalement perdante dans la présente instance, tendant au versement par la SAS Ortec Meca d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la SAS Ortec Meca et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 14MA04067

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04067
Date de la décision : 17/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP SANGUINETTI - FERRARO - CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-17;14ma04067 ?
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