La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2015 | FRANCE | N°13MA03776

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 16 février 2015, 13MA03776


Vu, sous le n° 13MA03776, la requête, enregistrée le 13 septembre 2013, présentée pour la commune de Gémenos, représentée par son maire en exercice, par MeB... ;

La commune de Gémenos demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0802699-1001835 du 2 juillet 2013 du tribunal administratif de Marseille ramenant de 57 525,42 euros à 14 331,55 euros chacun le montant de deux titres exécutoires émis le 8 février 2008 par la commune à l'encontre de la société d'architecture Duval Raynal et de la société Sereba, et annulant le commandement de payer du 1er octo

bre 2009 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance des sociétés Duval...

Vu, sous le n° 13MA03776, la requête, enregistrée le 13 septembre 2013, présentée pour la commune de Gémenos, représentée par son maire en exercice, par MeB... ;

La commune de Gémenos demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0802699-1001835 du 2 juillet 2013 du tribunal administratif de Marseille ramenant de 57 525,42 euros à 14 331,55 euros chacun le montant de deux titres exécutoires émis le 8 février 2008 par la commune à l'encontre de la société d'architecture Duval Raynal et de la société Sereba, et annulant le commandement de payer du 1er octobre 2009 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance des sociétés Duval Raynal et Sereba ;

3°) de mettre les entiers dépens à la charge des sociétés Duval Raynal et Sereba ;

4°) de mettre à la charge des sociétés Duval Raynal et Sereba deux sommes de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2015 :

- le rapport de M. Thiele, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Duval Raynal ;

1. Considérant que, le 14 novembre 2002, la commune de Gémenos a confié la maîtrise d'oeuvre d'un complexe aquatique devant être édifié sur son territoire à un groupement solidaire dont le mandataire était la société d'architecture Duval Raynal ; que des difficultés engendrant des surcoûts - augmentation du montant du marché de travaux de construction de la piscine, retard du chantier, coût financier relatif aux immobilisations dues au retard et augmentation corrélative du montant du marché de maîtrise d'oeuvre - sont survenues, en raison, principalement, d'une erreur dans la cote des plus hautes eaux retenue par le maître d'oeuvre ; qu'estimant à 120 245,44 euros hors taxes le montant du préjudice résultant de cette erreur, et à 80 % la part de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre dans la survenance de ce préjudice, la commune de Gémenos a, le 8 février 2008, émis deux titres exécutoires à l'encontre des sociétés Duval Raynal et Sereba, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, pour paiement de deux sommes égales chacune à 40 % du préjudice estimé, soit 57 525,42 euros toutes taxes comprises ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, faisant partiellement droit à la demande des sociétés Duval Raynal et Sereba, a ramené le montant des titres de perception émis à l'encontre de ces sociétés par la commune de 57 525,42 euros chacun à 14 331,55 euros chacun, en retenant seulement la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre à hauteur de 20 % du préjudice subi par la commune, au lieu des 80 % qui avaient été retenus par la commune ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la société Duval Raynal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / L'action dont dispose le débiteur de la créance visée à l'alinéa précédent pour contester directement devant le juge de l'exécution visé à l'article L. 311-12 du code de l'organisation judiciaire la régularité formelle de l'acte de poursuite diligenté à son encontre se prescrit dans le délai de deux mois suivant la notification de l'acte contesté. " ;

3. Considérant que ces dispositions n'ont pas - et n'ont jamais eu - pour objet ou pour effet d'écarter la règle générale, résultant de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, selon laquelle les délais de recours ne peuvent courir en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la notification de la décision ;

4. Considérant que le titre exécutoire émis le 8 février 2008 et contesté en première instance ne comportait aucune mention des voies et délais de recours ; que les délais de recours n'ont donc pas couru ; que la demande de première instance, par laquelle la société Duval Raynal a contesté le bien-fondé de la créance qui lui était réclamée, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 10 avril 2008, avant que le délai par l'article L. 1617-5, 2° du code général des collectivités territoriales ait commencé à courir ; que, dès lors, en application de ces dispositions, l'action en contestation du bien-fondé de la créance dont le paiement était recherché n'était pas prescrite, ce alors même que l'action de la société Duval Raynal contre le commandement de payer, premier acte de poursuite émis à son encontre, a été engagée plus de deux mois après la notification de cet acte et que ce dernier mentionnait les voies et délais de recours ;

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la société Sereba :

5. Considérant que le commandement de payer du 1er octobre 2009 réclamant à la société Sereba la créance litigieuse a été reçu par cette dernière, ainsi qu'en témoigne le tampon apposé sur ce commandement, le 9 octobre 2009 ; que ce commandement de payer précisait les voies et délais de recours ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code, la société Sereba pouvait donc contester le bien-fondé de la créance dans un délai de deux mois, qui expirait le jeudi 10 décembre 2009 ; que sa contestation du bien-fondé de la créance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 18 mars 2010, était donc tardive ;

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5.2.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché que " après achèvement des ouvrages, il sera établi un décompte général fixant le montant total des sommes dues au maître d'oeuvre au titre du marché de maîtrise d'oeuvre " ; qu'aux termes de l'article 37.5 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, applicable en cas de résiliation aux torts du titulaire : " (...) Sauf stipulation particulière du marché, le décompte de liquidation comprend : / a) Au débit du titulaire : / Le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de paiement partiel définitif et de solde ; / La valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise de moyens que la personne publique cède à l'amiable au titulaire ; / Le montant des pénalités ; / Le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 38. / b) Au crédit du titulaire : / La valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / La valeur des prestations fournies éventuellement en application du 3 de l'article 35. " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'article 5.2.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que, toutefois, ce principe ne fait pas obstacle, dans le cas où la faute d'un intervenant au chantier a causé un préjudice au maître d'ouvrage, à ce que ce dernier demande à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi alors même que le décompte du marché n'a pas été établi ; que, d'ailleurs, l'article 37.5 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, qui précise les sommes susceptibles d'être inscrites au débit du titulaire dans un tel décompte, s'opposait à ce que le décompte de résiliation comportât une telle somme ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préjudice subi par la commune du fait de l'erreur commise dans la fixation du niveau des plus hautes eaux, découle directement d'un manquement du groupement de maîtrise d'oeuvre, qui était chargé, en application de l'article II.2 de l'annexe au cahier des clauses administratives particulières, de " vérifier le respect des différentes réglementations, notamment celles relatives à la sécurité et à l'hygiène " ; qu'en effet, le groupement de maîtrise d'oeuvre a retenu une cote des plus hautes eaux erronée, qui n'a pas été établie scientifiquement mais fixée arbitrairement, ainsi qu'il résulte du rapport de l'expertise effectuée pour le compte de la commune, à 107,7555 mètres NGF, par avis du 14 mars 2003 ; que le groupement de maîtrise d'oeuvre a également manqué à son devoir de conseil en n'exigeant pas, préalablement au lancement des consultations devant conduire à l'attribution du marché de travaux, la réalisation préalable d'une étude géotechnique permettant de déterminer scientifiquement cette cote ; que, si le rapport de l'expertise prescrite par le tribunal administratif conclut que " proposer une répartition des responsabilités reviendrait à émettre un jugement, ce qui n'est pas de notre ressort mais de celui du magistrat. Cependant, afin d'éclairer au mieux ce dernier, nous pensons que les différents intervenants ont, dans ce litige, une part de responsabilité égale ", cette conclusion, qui n'est pas étayée par les faits relevés par l'expert, ne peut conduire à remettre en cause le caractère prépondérant de la responsabilité du maître d'oeuvre ; que la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre est prépondérante au regard des négligences imputées au maître d'ouvrage - qui a lancé et poursuivi imprudemment l'opération sans avoir fait réaliser préalablement une étude sur le point litigieux -, à la société Geotec - qui a, dans le rapport présenté le 10 mars 2003 à la société Sereba et complété le 15 décembre 2003, sous-estimé la cote des eaux les plus hautes en ne tenant pas compte du plan des zones inondables établi par la commune -, à la société Socotec - qui, selon l'expert, aurait dû suspendre son avis plus rapidement - et à la société CBM - qui, selon l'expert, n'a pas signalé, lors du dépouillement des offres et lors de la négociation finale, le risque de blocage de l'opération - ; qu'il y a lieu de reconnaître la responsabilité de la société Duval Raynal à hauteur de 20 % du montant du préjudice subi par la commune ; que le montant toutes taxes comprises de la créance détenue par la commune de Gémenos à l'encontre de la société Duval Raynal s'établit à 28 762,71 euros (120 245,44 x 20 % x 1,196) ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gémenos est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a en partie accueilli les demandes de la société Sereba ; qu'elle est également fondée, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a ramené de 57 525,42 euros à 14 331,55 euros le quantum de la créance exigée de la société Duval Raynal, au lieu de le ramener à 28 762,71 euros, et qu'il a annulé le commandement de payer du 1er octobre 2009 adressé à cette société au lieu de prononcer la décharge de l'obligation de payer en ce qu'elle porte sur une somme excédant 28 762,71 euros ;

10. Considérant, par ailleurs, qu'eu égard au caractère prépondérant de la responsabilité des sociétés du groupement de maîtrise d'oeuvre, les dépens de l'instance doivent être laissés, à parts égales, à la charge des sociétés Duval Raynal et Sereba ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Gémenos, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Duval Raynal et Sereba les deux sommes de 1 500 euros que la commune de Gémenos demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement nos 0802699-1001835 du tribunal administratif de Marseille sont annulés en tant qu'ils font droit aux demandes de la société Sereba.

Article 2 : Le titre exécutoire du 8 février 2008 est annulé en tant qu'il réclame à la société Duval Raynal une somme supérieure à 28 762,71 euros (vingt-huit mille sept cent soixante-deux euros et soixante et onze centimes).

Article 3 : La société Duval Raynal est déchargée de l'obligation de payer la somme qui lui est réclamée par le commandement de payer du 1er octobre 2009 en ce qu'elle excède 28 762,71 euros (vingt-huit mille sept cent soixante-deux euros et soixante et onze centimes).

Article 4 : Les dépens sont mis, pour moitié, à la charge de la société Duval Raynal et, pour moitié, à la charge de la société A3 Sereba Nord.

Article 5 : Les articles 1er à 4 du jugement nos 0802699 et 1001835 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire aux articles 2 à 4 du présent arrêt.

Article 6 : Les conclusions d'appel incident des sociétés Duval Raynal et Sereba sont rejetées.

Article 7 : Les sociétés Duval Raynal et Sereba verseront chacune à la commune de Gémenos une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gémenos, à la société à responsabilité limitée d'architecture Duval Raynal et à la société à responsabilité limitée à associé unique Sereba.

''

''

''

''

N° 13MA03776 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03776
Date de la décision : 16/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle. Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-16;13ma03776 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award