Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 mai 2013, présentée pour M. D... E..., demeurant ... et pour M. A...E..., demeurant..., par MeB... ;
MM. E...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101709 et 1101712 en date du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a seulement condamné la commune de Grasse à leur verser à chacun une indemnité de 5 000 euros, tous intérêts échus ;
2°) de condamner la commune de Grasse à leur verser la somme globale de 96 670,35 euros au titre de l'ensemble de leur préjudice, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable par la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grasse la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;
1. Considérant que MM. E...relèvent appel du jugement en date du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a seulement condamné la commune de Grasse à leur verser à chacun une indemnité de 5 000 euros, tous intérêts échus ;
Sur la responsabilité de la commune de Grasse :
2. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ; qu'en dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'immeuble situé au n° 3 de la rue Peyreguis de la commune de Grasse dont MM. E...sont propriétaires indivis, a subi des désordres liés à des infiltrations d'eau puis, le 9 septembre 2009, à une inondation d'eau ; que dans son rapport, l'expert désigné en référé par le président du tribunal d'instance de Grasse, le 16 décembre 2010, conclut que ces infiltrations ayant conduit aux désordres et dommages constatés ont certainement pour origine les éclatements, fissures et dégâts constatés sur la canalisation des eaux pluviales contiguë ; que suite à ce constat, la commune de Grasse a fait procéder à des travaux de réfection et d'amélioration de ce réseau au cours du mois de juillet 2009 ; que si les requérants soutiennent que la commune de Grasse n'apporte pas d'éléments probants de nature à démontrer que lesdits travaux ont été achevés, la commune produit une facture de la société S.E.E.T.P., en date du 11 septembre 2009, concernant la reprise du réseau des eaux pluviales effectuée place des Huguenots jouxtant l'immeuble endommagé, ainsi que l'ordre de service de cette société mentionnant une durée des travaux du 21 juillet au 1er août 2009 ; que la poursuite de ces infiltrations au-delà de juillet 2009 n'est établie par aucun commencement de preuve ;
4. Considérant que s'agissant du dégât subi le 9 septembre 2009, assimilable à un déferlement des eaux, l'expert judiciaire précité relève que sa cause et son origine ne sont pas établies de manière formelle et incontestable ; que les consorts E...ne démontrent nullement que cette inondation émanerait de la défectuosité de la canalisation des eaux pluviales précitée en se prévalant de la configuration des lieux ou d'un rapport de l'assureur de leurs locataires procédant à l'estimation des dommages lequel affirme que le sinistre a pour origine une fuite sur la canalisation d'évacuation des eaux pluviales appartenant à la ville de Grasse sans toutefois procéder à aucune investigation technique ; que la circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes ait pris, le 10 décembre 2010, un arrêté d'insalubrité remédiable concernant l'immeuble des requérants en raison notamment de la présence d'une importante humidité dont les causes seraient extérieures au logement ne démontre pas davantage le lien entre l'inondation du 9 septembre 2009 et la canalisation communale ; qu'il en va de même de la circonstance que la commune se serait opposée à toute mesure de sondage au droit de la place des Huguenots afin de constater si les canalisations existantes présentaient ou non des défauts et si des fuites d'eau s'infiltraient ou non dans le terrain ;
5. Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges n'ont commis aucune erreur de fait en estimant à bon droit, d'une part, que la commune de Grasse devait être déclarée entièrement responsable des dommages directement provoqués par le réseau communal de collecte des eaux pluviales par rapport auquel M. D...E...et M. A...E...ont la qualité de tiers et, d'autre part, que n'étaient établis ni la poursuite des infiltrations après la réparation du réseau en juillet 2009 ni que le " déferlement d'eau " survenu au rez-de-chaussée de cet immeuble, le 9 septembre 2009, soit en relation avec la présence ou la défectuosité du réseau mis en cause ;
Sur les préjudices :
6. Considérant que les consorts E...demandent le remboursement des frais de recherche de fuites et de remplacement d'une descente d'eaux pluviales estimés à 1 198,13 euros comprenant les coûts d'une inspection télévisée réalisée au mois d'avril 2009 sur le collecteur d'eaux pluviales et de remplacement de la descente des eaux pluviales et son branchement sur une cuvette extérieure ; qu'il résulte de l'instruction que l'expert judiciaire s'est appuyé sur cette inspection télévisée pour en déduire que les infiltrations d'eau ayant conduit aux désordres et dommages constatés ont pour origine les éclatements et fissures constatés sur la canalisation des eaux pluviales contiguë ; que d'ailleurs, la commune de Grasse soutient qu'une inspection a été réalisée dès avril 2009 sur les réseaux publics ; que par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de remboursement de la somme de 589,13 euros correspondant à ces frais d'inspection télévisée ; qu'en revanche, les frais de remplacement de la descente d'eaux pluviales de l'immeuble dont la facture date du 12 septembre 2008 ne présente pas de lien de causalité suffisant avec l'ouvrage public mis en cause ;
7. Considérant, en l'espèce, que les frais de remise en état du bien estimés à 25 000 euros comprennent 8 192,60 euros de travaux de drainage et d'étanchéité, 1 500 euros de travaux de raccordement aux réseaux, ainsi que 15 001 euros de travaux de remise en état des trois niveaux de l'appartement ; qu'il résulte du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Grasse que le déferlement d'eau subi le 9 septembre 2009 a conduit à une inondation sur une hauteur de plus d'un mètre au rez-de-chaussée de l'immeuble des requérants ; qu'il s'en suit que les travaux de rénovation du rez-de-chaussée qui comprend la salle de bains ne peuvent être pris en charge par la commune de Grasse dès lors qu'ils ne présentent aucun lien de causalité avec les infiltrations en provenance de la canalisation des eaux pluviales lesquelles n'ont concerné que les pièces situées aux étages supérieurs, ladite canalisation se trouvant enterrée sous la place des Huguenots ; que sur ce point, ledit rapport précise que les murs ou cloisons de l'immeuble situés du côté de cette place présentent de nombreuses traces d'humidité et des dégradations importantes des revêtements comme la peinture, l'enduit et le carrelage ; qu'il ajoute qu'au niveau des premier et deuxième étages, les désordres apparents sont également importants du côté du mur enterré vers la place des Huguenots et qu'à ces étages, les revêtements des autres murs et cloisons sont dans un bon état ou dans un état d'usage ; que, dans ces conditions, seuls les travaux de rénovation des revêtements concernant les murs de cette partie de la maison peuvent donner lieu à indemnisation ; que la somme de 1 500 euros mentionnée dans le rapport d'expertise correspondant à des travaux de raccordement aux réseaux qui n'est assortie d'aucun justificatif ni précision quant à la nature desdits travaux ne saurait être accordée ; que les requérants ne démontrent pas que les travaux de drainage estimés à 8 192,60 euros par un devis de la société STS Côte d'Azur, comprenant des travaux de démolition des maçonneries, de création d'une connexion au travers des dalles " planchers " afin de communiquer entre les niveaux et de raccordement par tuyaux PVC seraient nécessaires à la rénovation précitée des murs ; qu'ainsi, ils ne peuvent en solliciter le paiement ; qu'au regard du devis de remise en état des trois niveaux de l'appartement établi par l'entreprise de M.C..., les premiers juges n'ont commis aucune erreur d'appréciation quant au quantum d'indemnisation du préjudice matériel en accordant la somme de 3 000 euros à chacun des requérants, qui ne saurait concerner la réfection du rez-de-chaussée et de la salle d'eau qui s'y trouvent et permet une réfection complète des murs des premier et deuxième étages ;
8. Considérant que MM. E...demandent le paiement des sommes de 6 000 euros au titre des frais supportés à l'occasion de la procédure judiciaire intentée par les locataires, de 1 472,22 euros relatifs aux loyers impayés avant l'arrêté d'insalubrité, de 15 000 euros au titre des frais de procédure exposés pour l'arrêté d'insalubrité et de 18 000 euros de perte locative ; qu'il soutiennent que le tribunal administratif de Nice a écarté à tort la réparation de ces dommages lesquels étaient directement liés aux infiltrations d'eau issues du réseau communal ; que, toutefois, il résulte des termes de l'arrêté en date du 10 décembre 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré insalubre de façon remédiable leur immeuble que celui-ci ne repose pas exclusivement sur l'humidité résultant des infiltrations d'eau provenant du réseau communal de collecte des eaux pluviales, comme l'a jugé à très bon droit le Tribunal, mais de nombreuses autres causes ; que par ailleurs, à supposer même que l'humidité soit une des causes principales de l'insalubrité, celle-ci ne résulte pas uniquement des infiltrations causées par la canalisation de la commune de Grasse mais également de l'inondation survenue le 9 septembre 2009 dont il n'est pas démontré qu'elle proviendrait de la défectuosité de cette canalisation, ainsi que d'une fuite à la sortie du cumulus d'eau chaude au premier étage et d'un phénomène de condensation dû à l'insuffisance des ventilations de la pièce ; qu'il suit de là que ces préjudices qui trouvent leur cause dans l'insalubrité du logement et dans l'interdiction d'habiter les lieux prononcée par l'arrêté du 10 décembre 2010 ne sauraient donner lieu à indemnisation de la part de la commune de Grasse ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. E...sont seulement fondés à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Grasse à leur verser, soit augmentée de la somme de 589,13 euros ; qu'il y a lieu de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué ; que le surplus des demandes des requérants doit être rejeté ;
Sur les intérêts :
10. Considérant que MM. E...ont droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 589,13 euros à compter du 30 décembre 2010, date de réception de leur demande par la commune de Grasse ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MM.E..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Grasse quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de MM. E...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme globale de 10 000 euros que la commune de Grasse a été condamnée à verser à M. D...E...et M. A...E...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 26 mars 2013 est augmentée de la somme de 589,13 euros (cinq cent quatre vingt-neuf euros et treize centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2010.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 mars 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions incidentes de MM. E...et les conclusions de la commune de Grasse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à M. A...E..., à la commune de Grasse et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
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N° 13MA02037