La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2015 | FRANCE | N°14MA02937

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 02 février 2015, 14MA02937


Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA02937, présentée pour M. B...D..., domicilié..., par MeC... ;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400025 du 10 janvier 2014 du tribunal administratif de Nîmes, ayant rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2014 par lequel le préfet du Gard a décidé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, ce

versement emportant renonciation à l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros sur le fond...

Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA02937, présentée pour M. B...D..., domicilié..., par MeC... ;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400025 du 10 janvier 2014 du tribunal administratif de Nîmes, ayant rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2014 par lequel le préfet du Gard a décidé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, ce versement emportant renonciation à l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision le plaçant en rétention administrative a été prise en violation des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne peut être placé en rétention dès lors que le délai de recours contre l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet, n'est pas expiré pour avoir été interrompu par une demande d'aide juridictionnelle ;

- l'impossibilité de contester, selon la procédure d'urgence, l'obligation de quitter le territoire dès lors que celle-ci ne lui a pas été notifiée en même temps que la mesure de placement en rétention administrative, rend inapplicable, en l'espèce, le recours à cette même procédure ;

- le placement en rétention administrative pourrait avoir pour effet de permettre son éloignement avant que le juge ait statué sur la validité de l'obligation de quitter le territoire ;

- le placement en rétention avant l'expiration du délai de recours contre l'obligation de quitter le territoire porte atteinte à son droit à un recours effectif au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en l'espèce, l'article 5 § 4 de la convention susmentionnée a également été méconnu ;

- c'est à tort que le premier juge a estimé que le recours contre la mesure de placement en rétention n'était pas lui-même suspensif d'exécution ;

- l'arrêté critiqué est, en outre, contraire à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le non-respect du délai de départ volontaire ne constitue pas une soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe le 6 janvier 2015, le mémoire en défense présenté par le préfet du Gard qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été, en l'occurrence, méconnues ;

- les dispositions de l'article L. 512-1 susmentionné ont pour seul effet de suspendre l'exécution d'office d'une mesure d'éloignement mais n'empêchent aucunement un placement en rétention administrative dès lors que le délai de départ volontaire est dépassé ;

- la décision critiquée n'est pas contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en l'absence de tout recours formé contre l'obligation de quitter le territoire, la procédure d'urgence prévue par le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pu être enclenchée ;

- en l'espèce, il n'a pas été porté atteinte au droit au recours effectif au sens de l'article 5 § 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne résulte d'aucun texte que le recours formé contre une mesure de placement en rétention administrative présenterait un caractère suspensif ;

- les divers éléments de la situation de l'intéressé ne font ressortir aucune perspective raisonnable d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 mai 2014, admettant M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2015 :

- le rapport de M. Guerrive, président-rapporteur,

- et les observations de MeA..., pour M.D... ;

1. Considérant que M. D...fait appel du jugement n° 1400025 du 10 janvier 2014 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête qui tendait à l'annulation de l'arrêté en date du 7 janvier 2014 du préfet du Gard ayant décidé son placement en rétention administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision(...) L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné en résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article (...)./ III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation en résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " (...) L'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 776-17 du code susmentionné : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 8 janvier 2014, à laquelle M. D...a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande d'annulation de la décision du 7 janvier 2014 du préfet du Gard le plaçant en rétention, il avait présenté, dans le délai de recours contentieux, une demande d'aide juridictionnelle qui lui a été accordée le 10 décembre 2013, afin de contester l'arrêté du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois ; que, à la date même à laquelle le tribunal administratif de Nîmes a statué, soit le 10 janvier 2014, le greffe du tribunal administratif de Montpellier a enregistré sa demande d'annulation de la décision du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que M. D...aurait réitéré ses conclusions en annulation de l'obligation de quitter le territoire devant le tribunal administratif de administratif de Nîmes pour que ce dernier y statue selon la procédure prévue au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni même informé ce tribunal de l'instance qu'il engageait devant le tribunal administratif de Montpellier ; que, dans ces conditions, le requérant ne peut se prévaloir de l'existence de cette instance à l'encontre du jugement attaqué ; que la circonstance que, par un arrêt du 22 décembre 2014, la Cour a annulé l'ordonnance du 14 mars 2014 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Montpellier avait rejeté sa demande d'annulation du préfet de l'Hérault obligeant M. D...à quitter le territoire et renvoyé l'affaire devant ce même tribunal est, par ailleurs, sans conséquence sur la régularité du jugement attaqué ; que, contrairement à ce que soutient M.D..., l'application de la procédure d'urgence au jugement de la mesure de rétention administrative ne l'a pas mis dans l'impossibilité d'attaquer simultanément l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire ; qu'il s'ensuit que ni le tribunal administratif de Nîmes, en statuant sur la demande d'annulation de la décision attaquée selon la procédure définie par les articles R. 776-17 et suivants du code de justice administrative, ni le préfet du Gard, en prenant la décision de placement en rétention critiquée, n'ont méconnu les dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant que le législateur a organisé une procédure spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés en résidence, ainsi que sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d'assignation en résidence elles mêmes ; que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue alors au plus tard dans les soixante-douze heures à compter de sa saisine ; qu'en vertu de l'article L. 512-3 du même code, lorsque le tribunal administratif est saisi d'une demande d'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, cette mesure ne peut être exécutée d'office avant que le tribunal n'ait statué ; qu'ainsi, le droit à un recours effectif garanti par les stipulations des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ; qu'en particulier, les stipulations de l'article 5 paragraphe 4 de cette convention, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont, en tout état de cause, ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code précité : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : /(...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; et qu'aux termes de l'article L. 511-1 II du même code : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /(...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...s'est maintenu en France au-delà du délai qui lui était imparti pour quitter le territoire par la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 15 octobre 2013 ; qu'étant en possession d'un passeport périmé, il n'a pris aucune disposition pour quitter le territoire ; qu'ainsi qu'il a été dit, à la date à laquelle il a été placé en rétention, il n'avait pas contesté la décision d'obligation de quitter le territoire dont il faisait l'objet ; qu'en estimant que le risque de voir le requérant se soustraire à la mesure d'éloignement dont il avait préalablement fait l'objet était suffisamment établi pour justifier son placement en rétention administrative, lequel ne constitue pas une mesure d'emprisonnement, le préfet du Gard a fait une exacte application des dispositions combinées des articles L. 511-1, L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de l'arrêté litigieux le plaçant en rétention administrative ; que sa requête d'appel ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par suite être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2015, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2015.

Le président rapporteur,

J.L. GUERRIVEL'assesseur le plus ancien,

F. HÉRY

Le greffier,

J.P. LEFÈVRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

''

''

''

''

2

N° 14MA02937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02937
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Jugements - Composition de la juridiction.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-02;14ma02937 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award