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29/01/2015 | FRANCE | N°13MA03721

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2015, 13MA03721


Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2013, présentée pour Mme K... L...néeM..., demeurant..., Mme H... L...épouseJ..., demeurant..., M. I... L..., demeurant..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de son fils mineur M. A...L..., demeurant..., demeurant..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, M. C...G...et Mlle B...G..., demeurant... ; les consorts L...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102016 du 11 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la condamnatio

n du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-M...

Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2013, présentée pour Mme K... L...néeM..., demeurant..., Mme H... L...épouseJ..., demeurant..., M. I... L..., demeurant..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de son fils mineur M. A...L..., demeurant..., demeurant..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, M. C...G...et Mlle B...G..., demeurant... ; les consorts L...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102016 du 11 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer à réparer les préjudices qu'ils ont subis en leurs qualités d'épouse, d'enfants et de petits enfants du fait du décès dans les services de cet établissement de santé, le 3 octobre 2008, de M. N...L... ;

2°) à titre principal, de faire droit à leur demande et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 1 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2015 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

Sur l'intervention volontaire de MM. E...et D...L... :

1. Considérant que, par mémoire enregistré le 26 novembre 2014, MM. E...etD... L... ont présenté des conclusions, prises par voie d'intervention, par lesquelles ils s'associent aux conclusions de la requête introductive d'instance, d'une part, et demandent, d'autre part, que l'ONIAM, ou subsidiairement le centre hospitalier intercommunal de Toulon - la Seyne-sur-Mer, soit condamné à leur verser la somme de 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;

2. Considérant qu'une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions du requérant, soit à celles du défendeur ;

3. Considérant que les conclusions de MM. E... et D...L..., par lesquelles ils s'associent à celles de la requête susvisée, sont identiques à celles présentées par les consortsL... ; qu'elles sont, par suite, recevables par voie d'intervention, laquelle peut être formée pour la première fois en appel ;

4. Considérant, en revanche, que leurs conclusions tendant au versement de sommes à leur profit, principalement par l'ONIAM et subsidiairement par le centre hospitalier intercommunal de Toulon - la Seyne-sur-Mer, sont différentes de celles formulées par les consorts L...dans leur requête initiale et tardives en ce qu'elles sont dirigées subsidiairement contre le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer ; qu'elles ne peuvent, par suite, être formulées par voie d'intervention ;

Sur les conclusions des consortsL... :

5. Considérant que le 12 décembre 2006, M. N...L..., alors âgé de 56 ans, a présenté une ischémie aiguë du membre inférieur gauche et a été hospitalisé en urgence à l'hôpital Font-Pré à Toulon où il a bénéficié d'une intervention pratiquée en urgence permettant de sauver le membre ; que lors de cette hospitalisation fut mise en évidence une thrombose de l'artère iliaque primitive gauche et une sténose de l'artère fémorale, traitée par mise en place d'une endoprothèse artérielle permettant le rétablissement satisfaisant de la circulation artérielle à ce niveau ; que, lors d'un écho-doppler artériel du 14 décembre 2006, fut mis en évidence un volumineux anévrisme de l'aorte abdominale d'un diamètre évalué de 60 millimètres et une occlusion de l'artère iliaque primitive gauche, ainsi qu'une occlusion de la tibiale antérieure droite ; que, le 16 janvier 2007, un écho-doppler des membres inférieurs montrant une occlusion sur l'endoprothèse mise en place le 12 décembre 2006, le patient est de nouveau hospitalisé pour une greffe aorte-illiaque droite et fémorale gauche au centre hospitalier de Toulon dont il ne sortira que le 29 janvier 2007 dans un contexte de suites opératoires signalées comme simples ; que l'intéressé est cependant ré hospitalisé dès le lendemain au centre hospitalier de Toulon où une analyse bactériologique met en évidence une infection par staphylococcus aureus méthi S, résistant à la pénicilline et à l'érythromycine ; que, devant l'importance du syndrome infectieux, il est décidé de réaliser l'explantation de la prothèse aortique et de procéder à une revascularisation sous la forme d'un pontage axillo-bifémoral ; que cette intervention est réalisée le 5 février 2007 ; que le 23 février 2007 un écho-doppler artériel des membres inférieurs montre une occlusion fémoro-poplitée avec amortissement des flux poplités et jambiers, les artères rénales semblant occluses, sans vascularisation visualisable des deux reins ; qu'un certificat médical du 11 septembre 2007 précise que M. L...est hémodialysé depuis le 7 mars 2007 à raison de 4 séances par semaines, et ce pour une période indéterminée ; qu'un écho-doppler cardiaque effectué le 23 mars 2007 met en évidence une altération sévère de la fonction systolique ventriculaire gauche avec une fraction d'éjection estimée à 28 %, l'existence d'une fuite mitrale modérée et des signes d'hypertension artérielle pulmonaire ; qu'après de multiples examens et hospitalisations, M. L...est hospitalisé, du 14 février au 4 mars 2008, à l'hôpital de La Timone où il subit, le 20 février 2008, une greffe veineuse fémoro-péronière gauche ; qu'à la suite d'une chute, survenue le 30 septembre 2008 au moment du lever, M. L...est hospitalisé le 2 octobre 2008 en état de choc au centre hospitalier de Dracénie dans le service de réanimation ; qu'après une amélioration passagère il y décède le 3 octobre 2008 ;

6. Considérant que, de son vivant, M. L...avait déposé un dossier auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) Provence - Alpes - Côte-d'Azur par une demande en date du 18 juin 2007 ; qu'à la suite d'un premier avis rendu par cette commission le 23 janvier 2008, l'ONIAM a adressé à M. L...deux offres d'indemnisation qu'il a acceptées respectivement les 21 juin et 12 septembre 2008 pour des montants de 14 811,75 euros, au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique et de 9 442,45 euros, au titre de l'aide par tierce personne et du déficit fonctionnel temporaire ; que M. L...étant décédé le 3 octobre 2008, son épouse et ses enfants ont repris, le 12 novembre 2008, la demande d'indemnisation qu'il avait initialement formulée, ce qui a conduit la CRCI a établir, par avis du 8 juillet 2009, la liste des préjudices définitifs en rapport avec l'infection nosocomiale, la date de consolidation étant fixée au 31 mars 2008 et à rejeter les autres préjudices invoqués par les consortsL..., dès lors qu'elle a estimé que le décès du patient ne résultait pas de son infection mais de ses lourds antécédents, et notamment d'une altération majeure au plan cardiaque ; que, toutefois, les ayants droit de M. L...ayant informé l'ONIAM de leur renonciation à sa succession, ce dernier ne leur a pas fait d'offre d'indemnisation pour leur préjudice successoral ; qu'enfin, par un avis du 26 janvier 2011, la CRCI Provence - Alpes - Côte-d'Azur a rejeté la demande des consorts L...du 11 octobre 2010 tendant, d'une part, à l'extension de l'avis du 8 juillet 2009 aux petits-enfants du défunt et, d'autre part, à la réparation des préjudices précédemment rejetés aux termes de ce même avis ; que les consorts L...ont alors saisi, le 11 juillet 2011, après demande indemnitaire préalable, le tribunal administratif de Toulon d'une requête dirigée contre le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer tendant à obtenir sa condamnation à les indemniser des préjudices moraux et économiques résultant pour eux du décès de M. L...dont ils attribuent la cause à l'infection nosocomiale qu'il a contractée dans cet établissement hospitalier lors de l'opération chirurgicale qu'il y a subie le 12 décembre 2006 ; que le tribunal administratif de Toulon, après avoir mis en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, a mis hors de cause le centre hospitalier de Toulon - La Seyne-sur-Mer et rejeté leur demande par jugement du 11 juillet 2013 dont les consorts L...interjettent appel ; que le centre hospitalier de Toulon et l'ONIAM concluent au rejet de la requête ;

Sur la responsabilité :

7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code, entré en vigueur au 1er janvier 2003 : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) " ;

8. Considérant que les conclusions des consorts L...dirigées contre le centre hospitalier intercommunal de Toulon - la Seyne-sur-Mer, présentées pour la première fois en cause d'appel par mémoire enregistré le 26 novembre 2014 sont tardives, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, et, par suite irrecevables ; qu'elles ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent qu'en raison de son infection nosocomiale M. L...a fait l'objet d'un arrêt de travail initial le 20 décembre 2006, renouvelé sans interruption durant l'année 2007 et, qu'à tout le moins, cette incapacité de travailler a été la cause de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de son entreprise, prononcée par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 12 octobre 2007 et du préjudice économique qui en est résulté, il résulte de l'instruction que le même jugement a fixé la date provisoire de cessation des paiements au 12 avril 2006 ; que, par ailleurs, la ventilation du passif de l'entreprise, établie par le mandataire judiciaire à la date du 31 octobre 2008, fait apparaître une somme de 737 300 euros au titre des créanciers privilégiés et de 351 075 euros au titre des créanciers chirographaire, soit un total de 1 078 375 euros, alors que M. L...exerçait sous une forme personnelle une activité à titre libéral dont le siège était situé à son domicile personnel ; qu'il suit de là qu'aucun lien de causalité n'est établi entre l'infection nosocomiale et le préjudice économique dont se plaignent les requérants ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte du rapport de l'expertise médicale établi le 22 janvier 2009 à la demande de la CRCI Provence - Alpes - Côte-d'Azur que la consolidation de l'état infectieux et rénal de M. L...peut être fixée à la date du 31 juillet 2007 ; qu'à la suite de son hospitalisation à l'hôpital de la Timone, du 22 au 26 septembre 2007, pour réalisation d'un bilan cardiaque, une transplantation coeur-rein est envisagée ; que, le 30 septembre 2008, au moment du lever, M. L...fait une chute qui conduit à son hospitalisation le 2 octobre 2008 dans un état de choc au sein du service de réanimation du centre hospitalier de Dracénie ; qu'après une amélioration passagère le décès est enregistré le 3 octobre 2008 à 12 heures ; que, selon les termes du rapport déjà cité : " le problème infectieux et le problème rénal n'ont donc eu aucune influence directe sur le décès du patient " ; que l'expert conclut que : " Le décès de M. L...(...) est lié à un surdosage morphinique " dès lors que le dérivé morphinique lui est prescrit à raison d'un timbre transdermique toutes les 72 heures alors que les médecins du service de réanimation du centre hospitalier de Dracénie ont noté que le patient avait mis en place, pour des raisons antalgiques à la suite de sa chute du 30 septembre 2008, " au moins deux patch " simultanément ; qu'il indique également que ce surdosage aurait pu être fatal chez un sujet n'ayant pas les différentes co-morbidités du patient ; qu'il suit de là qu'aucun lien de causalité n'est établi entre l'infection nosocomiale contractée par M. L...et son décès ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts L...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la réparation des préjudices moraux et économique qu'ils ont subis en raison du décès de M. N...L... ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Toulon et de l'ONIAM, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que les consorts L...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention volontaire de MM. E...et D...L..., en tant qu'elle tend au versement à leur profit d'une somme de 15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, n'est pas admise.

Article 2 : L'intervention de MM. E...et D...L..., en tant qu'elle tend à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête, est admise.

Article 3 : La requête des consorts L...est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K...M...épouseL..., à Mme H... L... épouseJ..., à M. I...L..., à Mme F...L..., à M. E... L..., à M. D... L..., au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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N° 13MA03721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03721
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre FIRMIN
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CHALUS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-01-29;13ma03721 ?
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