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27/01/2015 | FRANCE | N°14MA00971

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 27 janvier 2015, 14MA00971


Vu l'arrêt en date du 11 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a renvoyé à la cour administrative d'appel de Marseille, sur le fondement de l'article R. 322-1 du code de justice administrative, le dossier de la requête, enregistrée le 21 juin 2012, par laquelle M. A...B...a relevé appel du jugement n° 1002386 du 24 mai 2012 du tribunal administratif de Nîmes ;

Vu ladite requête, enregistrée par télécopie le 21 juin 2012 et régularisée le 17 février 2014, présentée pour M.B..., demeurant..., par Me C... ;

M. B...demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 1002386 du 24 mai 2012 par lequel le tribunal admin...

Vu l'arrêt en date du 11 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a renvoyé à la cour administrative d'appel de Marseille, sur le fondement de l'article R. 322-1 du code de justice administrative, le dossier de la requête, enregistrée le 21 juin 2012, par laquelle M. A...B...a relevé appel du jugement n° 1002386 du 24 mai 2012 du tribunal administratif de Nîmes ;

Vu ladite requête, enregistrée par télécopie le 21 juin 2012 et régularisée le 17 février 2014, présentée pour M.B..., demeurant..., par Me C... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002386 du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur sa demande de titre de séjour formée le 13 janvier 2010 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui notifier une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015, le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

1. Considérant que M.B..., de nationalité tunisienne, est entré en Italie le 23 novembre 2007, sous couvert d'un visa de long séjour valable du 16 novembre 2007 au 11 août 2008 ; qu'interpellé en France le 15 janvier 2008, il a fait l'objet d'une réadmission en Italie le 21 janvier 2008 ; qu'il est revenu en France irrégulièrement à une date indéterminée et a fait l'objet d'une seconde interpellation puis d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de Vaucluse le 3 avril 2009, lequel, après avoir été annulé le 8 avril 2009 par un jugement du tribunal administratif de Nîmes, a finalement été confirmé par un arrêt de la Cour du 15 décembre 2009 ; que M. B...a ensuite demandé, le 13 janvier 2010, un titre de séjour au préfet de Vaucluse, qui a implicitement rejeté cette demande et lui a communiqué les motifs de ce rejet par un courrier du 2 août 2010 ; que M. B...relève appel du jugement en date du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet susmentionnée ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " " ; que le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi ; qu'en l'espèce, si M. B...se prévaut d'une promesse d'embauche en qualité de serveur dans un restaurant et fait valoir qu'il avait en réalité saisi le préfet de Vaucluse d'une demande d'autorisation de travail, il n'établit pas, en tout état de cause, être titulaire d'un visa de long séjour ; qu'en effet, contrairement à ce qu'il soutient, il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français après sa réadmission en Italie le 21 janvier 2008 ; que par suite, le préfet de Vaucluse a pu, pour ce seul motif et sans commettre d'erreur de droit, refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si le préfet de Vaucluse, pour décider que M. B... ne pouvait se voir délivrer de titre de séjour en tant que salarié, a cité à tort les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le courrier en date du 2 août 2010 communiquant à M. B...les motifs du rejet implicite de sa demande de titre de séjour, il ressort de ce même courrier que le préfet s'est également à bon droit fondé sur les stipulations précitées de l'accord franco-tunisien ; que dans ces conditions, la mention erronée de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la décision du préfet de Vaucluse en litige étant une décision implicite de rejet, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le signataire de l'acte attaqué ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulière pour instruire une demande d'autorisation de travail, ce qui l'aurait privé d'une garantie ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ( ...) " ;

7. Considérant, que dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien précité prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien, souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord ; que, par suite M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Vaucluse aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 en refusant de lui délivrer une carte de séjour en qualité de salarié ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ....7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le père de M.B..., titulaire d'une carte de résident, souffre de diabète et d'une insuffisance rénale chronique terminale traitée par hémodialyse et nécessitant des soins constants, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui ayant en outre reconnu un taux d'incapacité supérieur à 80 % ; que toutefois, il n'est pas établi qu'il ne pourrait bénéficier de l'aide d'une tierce personne et que M. B...soit le seul à pouvoir le prendre en charge ; que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dès lors que son épouse, sa mère et ses six frères et soeurs résident en Tunisie ; que dès lors, eu égard à la courte durée du séjour en France de M. B...à la date de la décision attaquée et de l'existence d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans, le préfet de Vaucluse n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté contesté ; que par suite, il n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage entaché son appréciation d'une erreur manifeste au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit, que le préfet de Vaucluse aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. B...n'a pas fait valoir d'éléments justifiant la délivrance à titre exceptionnel ou humanitaire d'une carte de séjour au titre de la vie familiale sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M.B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction formées par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B... de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

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N° 14MA00971 2

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00971
Date de la décision : 27/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CABINET BREUILLOT et VARO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-01-27;14ma00971 ?
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