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20/01/2015 | FRANCE | N°13MA02000

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 5, 20 janvier 2015, 13MA02000


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour Mme G... F..., demeurant..., par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet et associés ;

Mme F... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104361 du 29 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée, pour contravention de grande voirie, à verser une amende de 1 200 euros, à remettre le site en état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à payer à l'Etat la somme de 75 euros au titre des frais engagés

pour l'établissement du procès-verbal ;

2°) de la relaxer des fins de la p...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour Mme G... F..., demeurant..., par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet et associés ;

Mme F... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104361 du 29 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée, pour contravention de grande voirie, à verser une amende de 1 200 euros, à remettre le site en état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à payer à l'Etat la somme de 75 euros au titre des frais engagés pour l'établissement du procès-verbal ;

2°) de la relaxer des fins de la poursuite engagée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le décret n° 66-413 du 17 juin 1966 portant application de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime ;

Vu le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 relatif aux peines d'amende applicables aux infractions de grande voirie commises sur le domaine public maritime en dehors des ports ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour Mme F... ;

1. Considérant que, le 18 mars 2011, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de Mme F... pour avoir réalisé, sans autorisation, sur le domaine public maritime des travaux de reprofilage du sol avec des matériaux du site sur une surface approximative de 140 m2 et de remise en état de l'ouvrage de protection contre la mer, consolidé par des apports nouveaux d'enrochements extérieurs au site ; que Mme F... demande à la Cour d'annuler le jugement du 29 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser une amende de 1 200 euros, à remettre le site en état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à payer à l'Etat la somme de 75 euros au titre des frais engagés pour l'établissement du procès-verbal ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 3 mars 2013, Mme F... a soulevé devant le premier juge les moyens tirés, d'une part, de ce que l'action du préfet était irrecevable dès lors que la lettre de notification du procès-verbal et le mémoire de saisine du tribunal avaient été signés par une autorité incompétente, d'autre part, de ce que le terrain lui appartenant n'avait pas été régulièrement incorporé dans le domaine public maritime dans la mesure où l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques était contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le tribunal n'a pas visé ces moyens et n'y a pas répondu ; que son jugement a ainsi été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par le préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la recevabilité de la saisine du tribunal par le préfet :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance " ;

5. Considérant, en premier lieu, que le mémoire du 30 septembre 2011 par lequel le préfet de l'Hérault a saisi le tribunal a été signé par MmeE..., directrice départementale des territoires et de la mer ; que, par arrêté n° 2011-I-2025 du 19 septembre 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault de septembre 2011, cette dernière a reçu délégation du préfet à l'effet, notamment, de saisir le tribunal administratif en matière de contraventions de grande voirie et signer les mémoires présentés au nom de l'Etat ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait été saisi par une autorité incompétente manque en fait ;

6. Considérant, en second lieu, qu'à supposer que l'agent ayant notifié le procès-verbal de la contravention ait été incompétent pour y procéder, le dépôt de conclusions par une autorité compétente devant le tribunal administratif a, en tout état de cause, régularisé la procédure ;

Sur la procédure :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie " ; que le procès-verbal de contravention de grande voirie du 18 mars 2011 a été dressé par M. C... B..., contrôleur principal des travaux publics de l'Etat ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé était assermenté devant le tribunal de grande instance de Montpellier et commissionné à l'effet de constater les infractions aux règles de protection du domaine public maritime ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques manque en fait ;

Sur l'action publique :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : " En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 " ; qu'en vertu de l'article 7 du même code, l'action publique se prescrit s'il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite dans le délai légalement prévu ;

9. Considérant que doivent être regardés comme actes d'instruction ou de poursuite, en matière de contraventions de grande voirie, outre les jugements rendus par les juridictions, et les mesures d'instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l'infraction, d'en connaître ou d'en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l'exercice par le ministre de sa faculté de faire appel ou de se pourvoir en cassation ;

10. Considérant qu'à la suite du procès-verbal du 18 mars 2011, le préfet de l'Hérault a saisi le tribunal par un mémoire enregistré le 30 septembre 2011 ; que ce mémoire a été notifié à Mme F... le 5 octobre 2011 ; que l'avis d'audience a été adressé par le greffe aux parties le 21 février 2013 ; qu'entre la communication à Mme F... du mémoire du préfet et la convocation des parties à l'audience du tribunal, il s'est écoulé plus d'une année sans qu'aucun acte interruptif de prescription ne soit intervenu, dès lors, notamment, que le mémoire en défense produit par Mme F... le 21 octobre 2011 n'a pas été communiqué au préfet ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que l'action publique est prescrite ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu d'entrer en voie de condamnation, au titre de l'action publique, à l'égard de Mme F... ;

Sur l'action domaniale :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende " ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites ;

13. Considérant qu'il ressort du procès-verbal du 18 mars 2011, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que la partie de la parcelle cadastrée AC n° 234 sur laquelle ont été réalisés les travaux incriminés était située sur le rivage de la mer au sens des dispositions précitées de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, contrairement à ce que soutient Mme F..., les photographies annexées au procès-verbal ne sont pas dépourvues de valeur probante au seul motif qu'elles n'auraient pas été signées par l'agent verbalisateur, outre qu'y était joint un plan de détail démontrant également l'implantation des ouvrages litigieux sur le domaine public maritime ; que la requérante, à qui il incombe de démontrer que les énonciations du procès-verbal du 18 mars 2011 sont erronées, n'établit pas, par les documents qu'elle produit, que ces énonciations reposeraient sur des relevés inexacts de la limite haute du rivage de la mer compte de la survenance de phénomènes météorologiques exceptionnels un mois avant les relevés du 23 mars 2004 et dix jours avant les relevés du 13 décembre 2005 ;

14. Considérant que Mme F... soutient néanmoins que la partie de la parcelle sur laquelle elle a fait réaliser les travaux en cause lui appartient dès lors que son incorporation dans le domaine public maritime par l'effet de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques constituerait une atteinte à son droit de propriété contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les dispositions de l'article L. 2111-4 ont toutefois pour objet d'assurer une protection du rivage de la mer dans l'intérêt de l'ensemble des usagers ; que cette protection constitue un objectif d'utilité publique justifiant une atteinte au droit de propriété ; que, si les dispositions législatives en cause n'instituent pas un droit à indemnisation au profit du propriétaire dont tout ou partie de la propriété a été incorporé au domaine public maritime naturel, elles ne font pas obstacle à ce que celui-ci obtienne une réparation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour lui une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ne méconnaissent pas les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la partie de la parcelle sur laquelle les travaux incriminés ont été effectués n'avait pas été incorporée dans le domaine public maritime à la date de réalisation de ces travaux ;

15. Considérant, en second lieu, que, si la requérante fait valoir que les enrochements ont été mis en place en 1988 sur une parcelle qui était alors une propriété privée, elle reconnaît dans ses écritures de première instance avoir procédé à des travaux de remplacement d'une partie des enrochements postérieurement à leur incorporation dans le domaine public maritime ; que, ni les dispositions de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807, qui mettent à la charge des propriétés protégées les dépenses consenties pour la construction de digues à la mer dont la nécessité aura été constatée par le gouvernement, ni la réserve d'interprétation dont la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 a assorti la déclaration de conformité à la Constitution de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques, n'autorise le propriétaire d'une digue à la mer à entretenir celle-ci une fois qu'elle a été incorporée au domaine public maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer ; que, comme l'a d'ailleurs rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision, le propriétaire riverain dont tout ou partie de la propriété a été incorporé au domaine public maritime naturel peut prétendre à une indemnisation lorsqu'il justifie que l'absence d'entretien ou la destruction d'ouvrages de protection appartenant à la puissance publique est à l'origine de cette incorporation ; que Mme F... n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle était en droit d'entretenir les enrochements incriminés afin d'éviter la disparition de cette protection et de prévenir une nouvelle incorporation de sa propriété dans le domaine public maritime ; que le moyen tiré de ce que les ouvrages litigieux ne feraient pas obstacle à la libre circulation des piétons sur le rivage de la mer est inopérant ;

16. Considérant, en revanche, que la réserve d'interprétation invoquée fait obstacle à ce que la requérante soit condamnée à enlever les enrochements installés avant que la partie de la parcelle AC n° 234 lui appartenant ait été incorporée dans le domaine public maritime ; que le procès-verbal du 18 mars 2011 n'a d'ailleurs visé que des travaux réalisés et des matériaux apportés postérieurement à l'entrée des ouvrages dans le domaine public maritime ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner Mme F... à remettre les lieux dans l'état où ils se trouvaient avant leur incorporation dans le domaine public maritime, en retirant les enrochements visés dans le procès-verbal du 18 mars 2011 ; que Mme F... devra y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Sur les frais exposés à l'occasion des poursuites :

17. Considérant que le préfet de l'Hérault est fondé à demander le remboursement à l'Etat des frais exposés à l'occasion des poursuites engagées contre Mme F... ; que la requérante ne soutient pas et il ne résulte pas de l'instruction que ces frais, qui s'élèvent à la somme de 500 euros et sont suffisamment justifiés par la production d'un décompte administratif en l'absence de toute contestation, présentent un caractère anormal ; que, dès lors, il y a lieu de condamner Mme F... à verser à l'Etat la somme de 500 euros au titre des frais qu'il a dû supporter à raison des poursuites exercées contre elle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 mars 2013 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu d'entrer en voie de condamnation à l'égard Mme F... au titre de l'action publique exercée par le préfet de l'Hérault.

Article 3 : Mme F... est condamnée à remettre les lieux dans l'état où ils se trouvaient avant leur incorporation dans le domaine public maritime, en retirant les enrochements visés dans le procès-verbal du 18 mars 2011, dans un délai de trois mois suivant la notification de la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 4 : L'administration est autorisée, en cas d'inexécution dans le délai de trois mois imparti, à procéder d'office aux travaux mentionnés à l'article 3, aux frais et risques de Mme F....

Article 5 : Mme F... est condamnée à verser à l'Etat la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre des frais exposés par lui à l'occasion des poursuites.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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