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22/12/2014 | FRANCE | N°12MA04894

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2014, 12MA04894


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par la SELARL Ydès, agissant par MeC... ;

M. et Mme B...A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1103019 du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires et de

ces pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros TTC en ap...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par la SELARL Ydès, agissant par MeC... ;

M. et Mme B...A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1103019 du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires et de ces pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros TTC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., du cabinet Lawrea, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant que M. A...déclarait exercer depuis le 1er janvier 2004 une activité de négoce de matériaux de construction et menuiserie du bâtiment dans le cadre d'un contrat de représentation commerciale de la société de droit andorran dénommée " Espais Aquatics SL ", absorbée en 2006 par une autre société de droit andorran dénommée " Gruptudo " ; qu'il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2006 et 2007 pour cette activité et l'administration a, concomitamment, mis en oeuvre une procédure de visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales au domicile de M.A... ; qu'à l'issue de ces procédures, l'administration a considéré que cette convention de représentation commerciale ne lui était pas opposable et l'a écartée sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en l'absence de présentation d'une comptabilité régulière, l'administration a reconstitué pour les années 2006 et 2007 le chiffre d'affaires de l'activité de négoce de matériaux de construction et menuiserie du bâtiment exercée par M. A...et a assujetti M. et Mme A...au titre de ces mêmes années à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qu'elle a assorties de la majoration de 80 p. cent prévue à l'article 1729, b du code général des impôts ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que M. A...soutient que l'administration ne l'a pas informé de son intention de poursuivre le recouvrement de l'impôt après le dégrèvement prononcé le 19 janvier 2010 ;

3. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que la demande de saisine de l'interlocuteur départemental formulée par M. A...n'est parvenue au service vérificateur que le 28 décembre 2009 alors que la mise en recouvrement des impositions est intervenue le 31 décembre de la même année ; que M. A...a alors formé une réclamation contentieuse ; que l'administration l'a informé par courrier du 18 janvier 2010 que les droits supplémentaires mis en recouvrement le 31 décembre 2009 seraient dégrevés en raison du caractère prématuré de cette mise en recouvrement à la suite de la demande d'intervention de l'interlocuteur départemental ; que, dans cette même lettre, l'administration informait par ailleurs M. A...qu'une proposition de rendez-vous avec l'interlocuteur départemental lui parviendrait ultérieurement ; qu'ainsi l'administration informait effectivement M. A... de son intention de poursuivre le déroulement de la procédure d'imposition et donc du recouvrement des impositions supplémentaires ; que d'ailleurs, pour courrier du 3 mai 2010, dont une copie est d'ailleurs annexée à la requête, l'intéressé a été informé des modifications apportées après l'entretien avec l'interlocuteur départemental aux rectifications proposées ainsi que des nouvelles conséquences financières qui en découlaient ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé et doit être écarté ;

Sur la charge de la preuve :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. " ;

5. Considérant qu'en l'espèce, le comité prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'a pas été saisi ; que, dès lors, l'administration supporte la charge de la preuve de l'abus de droit invoqué ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant que l'administration a écarté comme fictif le contrat de représentation commerciale passé entre M. A...et la société de droit andorran dénommée " Gruptudo " au motif que, d'une part, les pièces saisies au domicile de M. A...permettaient de conclure que celui-ci maîtrisait l'intégralité du cycle de commercialisation des matériaux de construction et menuiserie, qui étaient facturés par la société Gruptudo et, d'autre part, que ce procédé avait permis à M. A...d'éluder le paiement de l'intégralité de l'impôt dû en France du fait du transfert d'une partie de la marge bénéficiaire dans la principauté d'Andorre ;

7. Considérant que, pour apporter la preuve de l'abus de droit invoqué, l'administration soutient que M. A...maîtrisait l'intégralité du cycle de commercialisation des matériaux de construction et menuiserie, qui étaient facturés par la société Gruptudo ; qu'elle fait valoir en particulier que le circuit commercial est constitué de fournisseurs ou de fabricants français ou espagnols dont les produits ou marchandises sont entreposés chez des dépositaires en France ou livrés directement aux clients français et ne transitent jamais par la Principauté d'Andorre ; que l'administration souligne que la société Gruptudo a pour objet l'optimisation fiscale et la réduction des charges fiscales et salariales de ses clients par un système de portage commercial ou salarial, qu'à cet effet, la société Gruptudo héberge sur la boutique de son site internet les produits de son cocontractant, lequel confie à cette société le mandat de gérer la commande faite par les clients et d'encaisser les produits, que cette dernière société tient la comptabilité des opérations commerciales et perçoit une commission au titre de son mandat de gestion et que M. A...intervient à tous les stades du circuit commercial, de la commande au fournisseur à la livraison des produits et à l'encaissement du prix payé par le client ; que l'administration a par ailleurs relevé des irrégularités dans les relations contractuelles entre M. A... et la société Gruptudo, notamment du fait d'un taux de commission de 10 p. cent en 2004, non-conforme aux stipulations contractuelles qui prévoyaient un taux de 6 p. cent, d'une absence de paiement des commissions en 2007, non réclamées par M. A..., de l'exercice par M.A..., à travers la SARL Menuiserie Rénovation Pose, d'une activité concurrente avec l'activité supposée exercée par la société Gruptudo, en contradiction avec les stipulations contractuelles du contrat de représentation commerciale ; que l'administration conclut que si les relations entre la société Gruptudo et M. A...sont, en apparence, fondées sur un contrat de représentation commerciale, ce contrat est en réalité fictif et utilisé pour permettre à M. A...de transférer une partie de la marge bénéficiaire dans la principauté d'Andorre et de ne déclarer qu'une partie des bénéfices en France sous forme de commissions perçues de la part de la société Gruptudo et qu'ainsi le contrat de représentation commerciale entre M. A...et la société de droit andorran dénommée " Gruptudo " était constitutif d'un abus de droit et ne lui était pas opposable ;

8. Considérant que M. A...soutient, en premier lieu, qu'il n'a pas exercé à titre personnel en France une activité d'achat-revente de menuiserie industrielle et de ciment ; qu'il fait valoir à cet égard, s'agissant de l'activité relative au ciment, que l'administration n'a pas apporté la preuve de la réalisation d'un cycle commercial complet et, qu'en particulier, il n'a jamais personnellement procédé à des commandes de ciment auprès de fournisseurs ; que, s'agissant du secteur de la menuiserie, il affirme qu'il est en revanche normal qu'il adresse des demandes de devis auprès de fournisseurs en raison du caractère non standard des produits vendus ;

9. Considérant, toutefois, que la société Gruptudo a pour activité, notamment, l'optimisation fiscale et la réduction des charges fiscales et salariales de ses clients par un système de portage commercial ; qu'elle n'a donc aucune activité propre ni aucune compétence dans le domaine de la menuiserie industrielle et du ciment ; qu'en revanche, il ressort des propres écritures de M. A...que ce dernier possède une expérience professionnelle dans ce secteur depuis vingt-trois ans ; que l'action de la société Gruptudo se limite au simple encaissement des créances clients, à la commande et au paiement des fournisseurs ; qu'ainsi, faute de compétence et d'activité sur ce point, l'intégralité du cycle commercial a nécessairement été réalisée par M. A...depuis la France ; qu'en particulier, M. A...établissait directement sur des documents à l'entête de " Import Export Betociment ", les demandes de prix auprès des fournisseurs et, après réception, apposait une mention manuscrite " bon pour accord " suivie de sa signature ; qu'il disposait d'un grand livre issu de la comptabilité de la société Gruptudo concernant la situation des comptes de clients qu'il suivait ; qu'il suivait sur un cahier à spirale, les livraisons, facturations et encaissements des clients ; que la société Gruptudo, avant de procéder au paiement d'un fournisseur, obtenait l'aval de M. A... ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la réalisation personnelle par M. A...d'un cycle commercial complet et de l'existence de l'activité de négoce de matériaux de construction et menuiserie du bâtiment exercée réellement par ce dernier en France ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

10. Considérant que M. A...soutient, en deuxième lieu, que le contrat d'agent commercial signé avec la société Gruptudo n'est pas fictif et que la société Gruptudo n'est pas fictive ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale... " ;

12. Considérant toutefois que l'administration ne soutient pas que la société Gruptudo serait fictive ; qu'en revanche, elle affirme que le contrat d'agent commercial entre la société Gruptudo et M. A...est fictif dès lors que, ainsi qu'il a déjà été dit, la société Gruptudo n'a aucune activité propre ni aucune compétence dans le domaine de la menuiserie industrielle et du ciment, alors que M. A...quant à lui possède une expérience professionnelle avérée dans ce secteur ; que le rôle de la société Gruptudo se limite, en l'espèce, à une activité d'optimisation fiscale par un système de portage commercial par la prise en charge de l'encaissement des créances clients, la commande et le paiement des fournisseurs ; qu'ainsi le contrat de représentation commerciale est fictif dès lors qu'il ne reflète pas la réalité des relations entre la société Gruptudo et M.A... ; qu'en effet, ces relations ne sont pas celles d'une représentation commerciale de la société Gruptudo par M. A...mais les relations d'une prestation de services rendue à M. A...par la société Gruptudo qui assure, pour le compte de celui-ci, l'encaissement des créances clients, la commande et le paiement des fournisseurs ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

13. Considérant que M. A...soutient, en dernier lieu, que l'administration aurait dû conclure, plutôt qu'à l'imposition personnelle de M.A..., que les résultats étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en France au nom de la société Gruptudo ;

14. Considérant toutefois que la seule activité de la société Gruptudo est une activité de portage commercial pour le compte de M. A...qui est réalisée dans la principauté d'Andorre ; que la société Gruptudo n'a ainsi réalisé aucune activité en France imposable à ce titre ; qu'en revanche, M. A...exerçait une activité en France de représentant commercial assujetti à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que l'administration ayant démontré le caractère fictif du contrat de représentation commerciale liant M. A...à la société Guptudo, elle a procédé, en l'absence de présentation d'une comptabilité régulière, à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de négoce de matériaux de construction et menuiserie du bâtiment exercée réellement par M.A... ; que ce dernier ne conteste d'ailleurs ni la méthode de reconstitution ni le montant du chiffre d'affaires reconstitué ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'abus de droit invoqué ; que, dès lors, c'est à bon droit qu'elle a assujetti M. et Mme A...à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2006 et 2007 ;

Sur les pénalités :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ; qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.... " ;

17. Considérant qu'il résulte des points n° 5 à 12 que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que le contrat de représentation commerciale passé entre M. A...et la société de droit andorran dénommée " Gruptudo " était fictif et n'avait pour autre dessein que de permettre à ce dernier d'éluder le paiement de l'intégralité de l'impôt dû en France du fait du transfert d'une partie de la marge bénéficiaire dans la principauté d'Andorre ; que, par suite, l'administration était fondée à appliquer aux suppléments d'imposition notifiés à ce titre la pénalité de 80 p. cent prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 12MA04894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04894
Date de la décision : 22/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS YDES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-22;12ma04894 ?
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