Vu la requête, enregistrée le 28 février 2013, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son directeur en exercice, dont le siège est sis Tour Gallieni II, 36 avenue du Général de Gaulle à Bagnolet (93175) cedex, par la SCP d'avocats UGGC ; l'ONIAM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000330 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser la somme de 18 000 euros à M. H...B...en réparation des préjudices personnels subis imputables à sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B en raison de ses fonctions ;
2°) de rejeter la demande des consorts B...;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 193 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
1. Considérant que M. H...B...a subi, dans le cadre de son activité de sapeur pompier volontaire, trois injections d'un vaccin anti-hépatite B en mai 1996, juin 1996 et janvier 1997 ; qu'ayant développé une mononeuropathie multiple du nerf cubital du bras ayant reçu l'injection, il a recherché en sa qualité de victime directe, ainsi que sa femme et ses trois enfants en leur qualité de victimes indirectes, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, la responsabilité de l'ONIAM à raison de cette affection qu'ils imputent à cette vaccination obligatoire ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'ONIAM à verser la somme de 18 000 euros à M. H...B...en réparation des préjudices personnels subis et a rejeté le surplus de la demande des consorts B...; qu'en appel, l'ONIAM demande le rejet de la demande indemnitaire des consortsB... ; que les consortsB..., par la voie de l'appel incident, demandent que la somme de 18 000 euros allouée à M. H...B...par les premiers juges soit portée à la somme totale de 127 637,07 euros et que l'ONIAM soit condamné à réparer le préjudice moral de son épouse et de ses trois enfants pour les sommes respectives de 10 000 euros et 5 000 euros pour chacun des enfants ; que le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Orientales et la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, régulièrement mis en cause, n'ont pas produit en appel ;
Sur l'appel principal de l'ONIAM :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique applicable à M. B...en vertu des dispositions de l'article 193 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale " ; que la réparation par l'ONIAM des dommages directement causés par une vaccination obligatoire est subordonnée d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection des premiers symptômes d'une pathologie identifiée comportant des atteintes démyélinisantes, éprouvés par l'intéressé et, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée ainsi qu'à l'absence chez celle-ci de tout antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'ONIAM, pour faire valoir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce lien de causalité, soutient que la mononeuropathie multiple, d'abord présente sur le cubitus gauche au coude à l'endroit de l'injection, puis bilatérale dans le cubital droite et gauche, ainsi que l'amyotrophie du membre inférieur gauche de M. B...est une pathologie qui regrouperait des atteintes neurologiques diverses et qui proviendrait de causes multiples et qu'elle ne peut correspondre en l'état actuel des connaissances scientifiques à une pathologie clairement identifiée ; qu'il résulte du rapport de l'expert que le diagnostic de mononeuropathie multiple touchant le nerf cubital a été clairement posé en 2005 ; que cette atteinte nerveuse tronculaire qui altère un organe ou une fonction constitue une affection scientifiquement désignée susceptible d'ouvrir droit à réparation selon les termes de l'article L. 3111-9 suscité du code de la santé publique ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, le patient ne présente pas d'antécédents familiaux et personnels à cette pathologie antérieurement à la vaccination, dès lors que la lettre du Dr A...du 26 août 1998 indique que le patient n'a pas d'antécédent et écarte ainsi le prétendu antécédent en 1991 d'un traumatisme cervical ayant entrainé une hospitalisation en neurochirurgie de 3 semaines ; qu'il n'est pas établi que l'un des oncles de M. B...soit décédé d'une sclérose en plaques ;
5. Considérant, en troisième lieu, que M. B...a subi trois injections les 17 mai 1996, 21 juin 1996 et 10 janvier 1997 d'un vaccin contre le virus de l'hépatite B ; qu'il résulte d'un courrier du Dr D...neurologue daté du 10 juillet 1998 adressé au Dr A...que l'amyotrophie extensive du membre supérieur gauche du requérant a débuté en mars 1997 ; que cette date est reprise dans les différents échanges médicaux rapportés par l'expert ; qu'ainsi et alors même que ce neurologue a noté le 29 mars 1997 des troubles qui évolueraient "depuis plus de 4 mois", la date du début de l'affection doit être tenue pour acquise en mars 1997 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, le délai entre la dernière injection du 10 janvier 1997 et l'apparition des premiers symptômes en mars 1997 est bref ;
6. Considérant, en dernier lieu, que l'expert précise que "les facteurs déclenchant des neuropathies sont multiples et dans plus de 20 % des cas la cause de cette neuropathie ne peut être déterminée " ; que le dossier du Centre national d'information sur le médicament hospitalier daté de 1997 et consacré aux vaccins contre le VHB indique comme complication neurologique exceptionnellement rapportée depuis la généralisation de cette vaccination, des neuropathies périphériques comme celle de M.B... ; qu'au surplus, l'expert rappelle que l'aluminium présent dans les vaccins est "évoqué dans des neuropathies périphériques d'origine médicamenteuse" ; qu'ainsi, alors même que le rapport d'expertise, sans l'exclure, n'établit pas de lien de causalité entre la vaccination et l'affection de M.B..., l'état général des connaissances scientifiques ne conduit pas à considérer comme improbable ou peu probable l'existence d'un lien entre la vaccination et la mononeuropathie dont est atteint M.B... ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont pu à bon droit estimer que le lien de causalité entre la mononeuropathie dont souffre M. B...et sa vaccination contre l'hépatite B devait être regardé comme établi ;
Sur les conclusions incidentes des consorts B...:
8. Considérant que les consorts B...demandent en appel, par la voie de l'appel incident, que la somme de 18 000 euros que l'ONIAM a été condamnée à verser à M. H...B...soit portée à la somme totale de 127 637,07 euros au titre de l'indemnisation de son entier préjudice et que l'ONIAM soit condamné à verser la somme de 10 000 euros à Mme B...et celle de 5 000 euros à chacun des trois enfants au titre de leur préjudice moral ;
En ce qui concerne la victime directe :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
9. Considérant que les consorts B...n'allèguent pas avoir conservé des frais de santé à leur charge ;
10. Considérant que M. B...n'établit pas plus en appel qu'en première instance, par la production de ses avis d'imposition pour les années 1998 et 1999, avoir subi une perte de revenus d'un montant allégué de 7 637,07 euros en raison de son incapacité totale d'exercer son métier de maçon pour la période du 1er octobre 1998 au 1er juillet 2000 liée à sa vaccination, alors que l'expert fixe la période de déficit fonctionnel temporaire du 1er septembre 1999 au 1er juillet 2000, dès lors que M. B...n'a pas demandé d'arrêt de travail avant cette date ; que de plus, il ne précise pas les montants du revenu minimum d'insertion qu'il a perçu de la caisse d'allocations familiales du 1er octobre 1998 au 8 mars 1999 ni ne retranche les indemnités journalières versées par la caisse des Pyrénées-Orientales pour la période du 13 décembre 1999 au 1er juillet 2000, d'un montant de 3 488,40 euros, tel que cela ressort du relevé des débours de la caisse produit en première instance ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce chef de préjudice qui n'est pas établi dans son montant ;
S'agissant des préjudices personnels :
11. Considérant que l'expert a fixé la date de consolidation au 12 janvier 2005 ; qu'il précise que "l'état neurologique (de M.B...) est susceptible de modification en aggravation comme toute neuropathie" ; que M. B...soutient que les premiers juges ont fait une estimation insuffisante de son préjudice dès lors qu'ils n'ont pas tenu compte du caractère évolutif de sa pathologie ; que, toutefois, le tribunal a expressément tenu compte des répercussions psychologiques liés à la possible évolution de son état de santé lorsqu'il a fixé les troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M.B... ; que M. B...n'établit pas, ni même n'allègue que les préjudices personnels se seraient aggravés depuis le dépôt du rapport de l'expert en 2008 ; qu'il appartiendra au requérant, s'il s'y croit fondé, de saisir à nouveau le juge administratif en cas d'aggravation de son préjudice depuis le présent arrêt ;
12. Considérant que, malgré la constatation de l'amyotrophie des membres supérieurs, puis inferieurs et le déficit neurologique de M.B..., l'expert n'a pas mentionné de déficit fonctionnel permanent, ni quantifié le taux de déficit fonctionnel temporaire lors de la période d'incapacité de travail de la victime ; qu'il a évalué les souffrances endurées de M. B...à 2/7, son préjudice esthétique à 3/7 et a estimé que le requérant subissait un préjudice d'agrément du fait de l'impossibilité de continuer à pratiquer le football et un préjudice d'anxiété du fait de sa maladie évolutive ; que la circonstance que la victime continue de subir ces préjudices ne permet pas par elle-même d'établir une aggravation de ses préjudices de nature à augmenter la réparation allouée depuis le jugement attaqué ; que l'ONIAM ne conteste pas le quantum alloué à M.B... ; que, dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante des préjudices personnels subis par M. B...en lui allouant la somme de 18 000 euros au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, y compris le préjudice lié à une pathologie évolutive ;
En ce qui concerne les victimes indirectes :
13. Considérant que l'article L. 3111-9 suscité du code de la santé publique ne prévoit l'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les conclusions des victimes indirectes aux fins d'indemnisation de leur préjudice moral ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser le préjudice subi par M. B... du fait de sa vaccination ; que les consorts B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué à M. H...B...la somme de 18 000 euros en réparation de son entier préjudice ;
Sur les dépens :
15. Considérant qu'il y a lieu de laisser la contribution à l'aide juridictionnelle due au titre de la première instance à la charge des consortsB... ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de quelque somme que ce soit au titre de la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes des consorts B...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, à M. H...B..., à Mme C...B..., à M. F...B..., à M. E...B..., à Mlle G...B..., au service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Orientales et à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales.
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N° 13MA00893
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