La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2014 | FRANCE | N°13MA02583

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 13MA02583


Vu, enregistrée le 28 juin 2013, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par la Selarl d'avocats Blanc-Tardivel ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200145 du 30 avril 2013 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité la condamnation du département de Vaucluse à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi résultant des dommages qui ont affecté sa propriété du fait de l'aménagement routier réalisé en 2009 et 2010 par ce département sur la route départementale 239

sur la commune de Montfavet ;

2°) de condamner le département de Vauclu...

Vu, enregistrée le 28 juin 2013, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par la Selarl d'avocats Blanc-Tardivel ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200145 du 30 avril 2013 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité la condamnation du département de Vaucluse à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi résultant des dommages qui ont affecté sa propriété du fait de l'aménagement routier réalisé en 2009 et 2010 par ce département sur la route départementale 239 sur la commune de Montfavet ;

2°) de condamner le département de Vaucluse à lui verser la somme de 510 000 euros, assortie des intérêts capitalisés, en réparation de ce préjudice ;

3°) de condamner le département de Vaucluse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le département de Vaucluse aux entiers dépens, soit la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique ;

.......................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-22 du 9 janvier 1995 relatif à la limitation des bruits des aménagements des infrastructures de transports terrestres ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

1. Considérant que Mme B...est propriétaire indivis d'un ensemble immobilier composé d'une maison, d'un hangar et d'un terrain en friche attenants, situés à l'intersection de la route départementale 239 dénommée chemin de Bel Air et de l'avenue de l'Amandier sur la commune de Montfavet-Avignon ; qu'en 2009 et 2010, le département de Vaucluse a construit à proximité immédiate de cette propriété un pont-route d'une largeur de 20 m et d'une longueur de 50 m et des rampes d'accès à ce pont dit "pont de Fontcouverte" permettant de franchir la voie ferrée en remplacement d'un passage à niveau supprimé pour des raisons de sécurité routière ; qu'estimant que la présence et le fonctionnement de cet ouvrage, dont le département est maître d'ouvrage, lui causaient un dommage permanent de travaux publics, Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes la condamnation du département de Vaucluse à lui verser la somme de 510 000 euros au titre des préjudices subis ; que par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité la condamnation du département de Vaucluse à la somme de 800 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, en ce que la proximité immédiate du mur de soutènement de la nouvelle route élargie enclavait partiellement la maison et ont rejeté le surplus de sa demande ; que la requérante demande en appel que cette condamnation soit portée à la somme de 510 000 euros ; que le département de Vaucluse conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement en tant qu'il a estimé que la requérante subissait des troubles dans ses conditions d'existence ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du département :

2. Considérant que la requérante soutient que le département de Vaucluse aurait commis une faute en n'incluant pas les parcelles de sa propriété dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique du projet de réaménagement de la route départementale dans sa décision du 16 novembre 2011 ; que la requérante n'assortit ce moyen d'aucune précision quant à la nature de la faute alléguée ; qu'en tout état de cause, cette exclusion de la propriété de ce périmètre, due au refus de son père et de son frère de quitter la maison en temps utile pour permettre l'exécution des travaux litigieux, est sans lien de causalité direct et certain avec les dommages résultant de l'existence et du fonctionnement de l'ouvrage public litigieux, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du département :

3. Considérant que Mme B...a la qualité de tiers par rapport au pont-route et à ses rampes d'accès litigieux ; que la responsabilité du maître de l'ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage ; qu'il appartient toutefois aux appelants d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'ils allèguent avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., qui réside à Villeneuve-les-Avignon, n'occupait pas la maison litigieuse, habitée par son frère et son père jusqu'au décès de ce dernier en 2009 ; que, par suite, et dès lors qu'elle ne prétend pas agir en qualité d'ayant droit de son père, elle n'est pas fondée à invoquer les préjudices de jouissance subis par les seuls occupants de l'immeuble ;

5. Considérant en tout état de cause que lorsqu'il est saisi par un requérant, qui s'estime victime d'un dommage de travaux publics, de conclusions indemnitaires à raison d'un préjudice anormal et spécial, il appartient au juge administratif de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de dommages allégués ; que la requérante ne produit aucune mesure acoustique fiable de nature notamment à établir que les nuisances sonores alléguées excéderaient les limites du bruit acceptable pour les riverains prévues par la réglementation en vigueur, alors que l'étude d'impact du 4 mars 2003 préalable à la réalisation des travaux de la route départementale 239 et de la suppression des passages à niveau, produite en première instance par le département et non contestée par la requérante, indique que la maison de la requérante est située dans une zone d'ambiance sonore préexistante au sens du décret du 9 janvier 1995 susvisé en raison de la proximité de son habitation d'une part, avec la route départementale supportant un trafic déjà important en 2009 de 35 000 véhicules par jour et, d'autre part, de la voie ferrée et que les travaux litigieux conduiront à une diminution de ce niveau sonore sur cette habitation, notamment par une fluidification du trafic due à la suppression du passage à niveau ; qu'il résulte des photographies produites par Mme B...qu'une seule fenêtre située au rez-de-chaussée de la façade nord du mur en pignon a vue sur ce mur, que les fenêtres des quatre chambres de la façade principale, qui tourne le dos au mur de soutènement, donnent sur le jardin et que les autres parcelles de la propriété n'ont aucune vue sur cet échangeur ; qu'eu égard aux conditions d'implantation de la maison, la requérante n'établit pas subir un préjudice d'ensoleillement du fait de la présence de ce mur de soutènement ; qu'il n'est pas contesté par la requérante que l'accès principal à sa maison a toujours été possible durant les travaux et qu'il l'est encore à ce jour, dès lors que le mur de soutènement litigieux ne se trouve pas à proximité de cet accès ; que la circonstance, à la supposer avérée, que le dénivellement important de la nouvelle route ait provoqué la perte de l'accès secondaire par le chemin de l'Amandier, ne peut caractériser l'anormalité du dommage, dès lors que l'accès principal a été maintenu ; qu'en tout état de cause, le fait que les travaux sur cet accès secondaire auraient été réalisés sans son autorisation est sans incidence s'agissant du lien de causalité avec l'existence du préjudice allégué ; que, dans ces conditions, la proximité immédiate du mur de soutènement du côté de la façade nord n'a pas pour effet d'enclaver même partiellement sa maison ; que le préjudice de Mme B...apprécié dans sa globalité n'est ainsi pas anormal ; que, par suite, le département de Vaucluse est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué 800 euros à Mme B...en réparation de son préjudice ;

S'agissant de la perte de la valeur vénale de la propriété :

6. Considérant que le préjudice lié à la perte de la valeur vénale peut être invoqué par un propriétaire non occupant, alors même qu'aucun projet de vente immobilière ne serait établi ; que Mme B...était, à la date où elle a introduit sa demande, propriétaire indivis de l'ensemble immobilier objet du présent litige ; que, s'agissant du préjudice lié à la perte alléguée de 50 % de la valeur vénale de la maison, la requérante produit de nombreuses estimations d'agences immobilières, qui n'expliquent pas la méthode utilisée pour fixer le prix moyen du m² de la maison avant la réalisation des travaux litigieux, qui ne justifient pas du taux retenu de 50 % d'abattement de la valeur initiale de l'habitation après travaux et qui ne tiennent pas compte de l'environnement préexistant constitué par la route départementale et par la voie ferrée ; que le département produit pour sa part l'expertise réalisée par le Groupement vauclusien d'expertise notariale à la demande du notaire de MmeB..., qui affirme que la valeur vénale avant travaux de la maison était de 253 000 euros et que le mur de soutènement litigieux a ramené la valeur de la propriété bâtie après travaux à 176 000 euros, soit une baisse de la valeur vénale de 30 %, soit 75 900 euros ; que, toutefois, cette expertise justifie cette perte de valeur vénale par l'existence du carrefour proche de la maison, lequel existait avant les travaux litigieux ; qu'à défaut de produire un élément probant de nature à isoler la dévaluation liée à la seule construction litigieuse du pont-route et des rampes d'accès à ce pont, la réalité du préjudice lié à la perte de valeur vénale de la propriété bâtie de la requérante en raison de la seule mise en service de ce pont-route ne peut être regardée comme établie et ne saurait, en tout état de cause, constituer un dommage anormal compte tenu de l'environnement préexistant ; que l'éventuel impact visuel ou acoustique des travaux litigieux n'a aucune incidence sur la valeur vénale du terrain en friche et de l'entrepôt compte tenu de la destination de ces immeubles ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de la perte alléguée de la valeur vénale de la propriété ;

S'agissant du préjudice moral :

7. Considérant que la requérante n'établit pas plus en appel qu'en première instance le préjudice moral qu'elle aurait subi du fait de l'inquiétude qu'elle aurait nourrie sur les conditions d'existence de son père très âgé, lequel aurait passé les derniers jours de sa vie dans sa maison désormais accolée à un " immense mur de soutènement ", alors qu'au demeurant, il résulte de l'instruction, et notamment de la lettre du 8 juillet 2009 du département de Vaucluse adressée à MmeB..., que c'est son père qui n'a pas voulu déménager de la maison ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de première instance et d'appel, que Mme B...n'est pas fondée à demander la condamnation du département de Vaucluse à réparer le préjudice qu'elle allègue ; qu'en revanche, le département de Vaucluse est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser la somme de 800 euros à Mme B...au titre de cette réparation ;

Sur les dépens :

9. Considérant qu'il y a lieu de maintenir la charge des 35 euros de contribution d'aide juridique à la charge de MmeB... ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que le département de Vaucluse, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamné à verser quelque somme que ce soit à Mme B...au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme B...à verser au département de Vaucluse la somme qu'il demande au titre de ses frais d'instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 30 avril 2013 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 3 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La demande de frais présentée par le département de Vaucluse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au département de Vaucluse.

''

''

''

''

N° 13MA025834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02583
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SELARL BLANC - TARDIVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-11;13ma02583 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award