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09/12/2014 | FRANCE | N°14MA00359

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 09 décembre 2014, 14MA00359


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2014, présentée par le préfet des Bouches-du-Rhône qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306669 en date du 23 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 8 juillet 2013 refusant à

Mme E...veuve B...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme E...veuve B...y compris les conclusions à fin d'injonction et de frais d'instance ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenn...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2014, présentée par le préfet des Bouches-du-Rhône qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306669 en date du 23 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 8 juillet 2013 refusant à

Mme E...veuve B...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme E...veuve B...y compris les conclusions à fin d'injonction et de frais d'instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure ;

1. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône relève appel du jugement n° 1306669 du 23 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 8 juillet 2013 refusant à Mme E...veuveB..., ressortissante de nationalité russe, la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que l'arrêté du 8 juillet 2013 vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 511-1§1 (alinéa 3) et §2, L. 512-1, L. 513-2 et L. 742-3 ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé dans les motifs de sa décision en litige que Mme E...veuve B...avait sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, la décision portant refus de titre de séjour expose les éléments de fait se rapportant à la situation personnelle de Mme E... veuve B...notamment la date et le lieu de sa naissance, sa nationalité, son adresse sur le territoire national, la circonstance qu'elle était veuve, la date déclarée de son entrée en France, le fait qu'elle a sollicité l'asile politique le 27 septembre 2010 et que la Cour nationale du droit d'asile a refusé le 17 mai 2013 de lui reconnaître le statut de réfugiée ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a, par ailleurs, indiqué qu'après examen approfondi de sa demande, l'intéressée n'entrait dans aucune des catégories de plein droit définies aux articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne justifiait pas du visa long séjour requis par l'article L. 311-7 du même code pour obtenir la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; qu'enfin, l'arrêté préfectoral mentionne que Mme E...veuve B...n'établissait ni qu'elle serait exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ni qu'elle était dépourvue d'attaches familiales hors de France où elle avait vécu jusqu'en septembre 2010 ni l'existence d'une des protections envisagées par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la motivation exigée par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susmentionnée ne fait pas obstacle à ce que l'administration synthétise, comme elle l'a fait en l'espèce, les circonstances de fait qui constituent le fondement de sa décision ; qu'ainsi et alors même qu'elle a été rédigée avec des formules stéréotypées, cette décision est suffisamment motivée et n'a dès lors pas méconnu les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 précitée ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, pour annuler la décision du 8 juillet 2013, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur son insuffisante motivation ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...veuve B... devant le tribunal administratif ;

5. Considérant, en premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme E...veuveB..., qu'aucun élément du dossier ne permet d'estimer que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ni de considérer que le préfet se serait cru en situation de compétence liée ; que la requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence et que la décision portant refus de titre de séjour en cause se trouverait, pour ce motif, entachée d'une erreur de droit ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme E...veuve B...n'établit pas que la décision refusant son admission au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'elle emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle en se bornant à invoquer la privation de ses droits économiques et sociaux et la précarité engendrée par cette privation ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des points 5 et 6 qui précèdent que Mme E... veuve B...n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) " ; que la délivrance d'un titre de séjour par décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 juillet 2013 a été refusée à Mme E...veuveB... ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée du même jour, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; que la décision obligeant Mme E...veuve B...à quitter le territoire français n'est ainsi pas entachée de l'erreur de droit alléguée ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que Mme E...veuve B...n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ni qu'elle emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle en se bornant à invoquer la privation de ses droits économiques et sociaux ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. - Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que Mme E...veuve B...soutient craindre pour sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine pour les motifs développés devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle produit à l'appui de cette affirmation devant la Cour, une copie d'attestations rédigées en russe et traduites en français le 7 février 2014 émanant d'une voisine, de son frère et de ses parents signalant deux visites d'hommes en uniforme militaire le 31 décembre 2013 et le 1er janvier 2014 au domicile de ces derniers ainsi qu'une copie d'une " convocation pour un interrogatoire " datée du 13 décembre 2013 d'un enquêteur du service des enquêtes du bureau du ministère de l'intérieur de la Fédération de Russie pour le district de Chelkovskaya et une traduction de ce document rédigé en russe ; que ces pièces, dont au demeurant l'authenticité n'est nullement établie, ne font pas mention des faits qui sont reprochés à l'intéressée et ne sont appuyées par aucun autre élément figurant au dossier ; que les persécutions de la part des autorités russes dont elle allègue faire l'objet depuis le décès de son époux lors de la tentative d'assassinat du président tchétchène le 29 août 2010 ne sont pas établies ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des éléments versés au dossier que les poursuites dont elle affirme faire l'objet en Russie pour des raisons politiques soient réelles ; qu'ainsi Mme E...veuveB..., qui ne justifie pas la réalité de risques dont ni l'office français de protection des réfugiés et apatrides ni la cour nationale du droit d'asile n'ont d'ailleurs retenu l'existence, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle conteste serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 8 juillet 2013 refusant à Mme E...veuve B...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

12. Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué et rejette la demande de Mme E...veuveB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de celle-ci présentées devant le tribunal administratif tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme E...veuve B...de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306669 en date du 23 décembre 2013 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...veuve B...devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Bouches-du-Rhône, au ministre de l'intérieur, à Mme A...E...veuve B...et à Me C...D....

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N° 14MA003593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00359
Date de la décision : 09/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : YAHIA BERROUIGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-09;14ma00359 ?
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